« Je ne suis pas coupable » est un roman policier très célèbre d’Agatha Christie publié en 1940. Le phénomène foncier qui ébranle le Togo depuis des années et les acteurs qui l’animent sont illustrateurs de ce titre de la romancière d’origine anglaise. Tous les acteurs ; propriétaires terrains et collectivités, acquéreurs et revendeurs, démarcheurs ou agents mobiliers…administrations publiques proclament leur innocence ! Et pourtant la gangrène est profonde et continue de ronger. En effet, les établissements humains dans les centres urbains se réalisent au gré de la croissance démographique en zone urbaine. Ainsi s’exprime le besoin similaire à toute société humaine, celui d’habiter un lieu ou d’y exercer ses activités en prenant soin de façonner l’environnement. Habiter un territoire, c’est se loger, se déplacer, travailler et se distraire dans ce lieu.
Cependant, les formes d’occupation de l’espace sont très variées et se traduisent par de nombreux paysages différents dans le monde, des tentes des nomades jusqu’aux immeubles des grandes villes. Alors le principe d’aménagement s’invite suivant les besoins à satisfaire tant en quantité qu’en qualité. L’aménagement d’un centre urbain désigne le fait d’organiser et de structurer l’espace urbain. C’est une technique qui prend en considération les besoins et usages collectifs (habitants, législateurs) et les contraintes. Ces dernières peuvent être de nature budgétaire, réglementaire, technique ou environnementale.
Ainsi, tout aménagement part d’un noyau existant pour s’ouvrir sur la satisfaction des besoins des populations présentes et futures. Ces besoins en termes d’espaces pour les habitations et les différentes activités qui animent la vie en société sont en fonction des populations attendues à court, moyens et long terme. Il s’agit de terrains à bâtir pour satisfaire les besoins en logement, des espaces pour les unités industrielles, les équipements socio-collectifs au service des populations. En ce qui concerne les équipements socio-collectifs, nous pouvons citer entre autres les écoles de tous les degrés d’enseignement, les structures de santé, les espaces sportifs et de loisirs, les espaces verts et lieux de détente, etc… l’ensemble de ces équipements se réalisent sur des espaces communément appelés RESERVES ADMINISTRATIVES. Qu’est-ce qu’une réserve administrative et comment est-elle constituée ?
Les réserves administratives sont des parcelles ou immeubles réservés par les documents d’urbanisme prévisionnel et opérationnel pour servir d’emprises aux services publics et aux institutions d’intérêt général. Selon l’article 565 du code foncier et domanial en vigueur au Togo, les réserves administratives pour équipements sont des sites prévus dans les plans d’urbanisme de détails pour la réalisation des équipements socio-collectifs. Comme précisé dans les définitions, les réserves administratives sont constituées lors de la réalisation des plans d’urbanisme qui sont à leur tour approuvés par un texte administratif (décret ou arrêté).
Au Togo, c’est le décret 67-228 du 24 octobre 1967, relatif à l’urbanisme et au permis de construire dans les agglomérations qui organise l’aménagement urbain des villes et localités. Ce décret a prévu l’élaboration des plans d’urbanisme directeur pour les agglomérations et les plans d’urbanisme de détail. Ainsi, des plans d’urbanisme directeur ont été élaborés au lendemain de l’indépendance du Togo pour certains centres urbains, chefs-lieux de préfectures.
Plus tard, des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme ont vu le jour en réponse aux préoccupations d’aménagement urbains des villes togolaises. Ces schémas sont des outils stratégiques de l’urbanisme qui fixent la destination des sols, à savoir les zones d’habitations, les grandes voies qui structurent les zones, les réserves administratives et tout ceci dans un périmètre donné appelé zone approuvée. Ces réserves administratives projetées par le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme sont appelés des équipements structurants, c’est-à-dire des grands équipements pour une grande partie de la population du périmètre urbain. Il s’agit des hôpitaux, des terrains de pratiques de plusieurs disciplines sportives, les lycées, les universités, les parcs d’attraction, etc.
Après la validation du schéma qui aura projeté ces grands ensembles pour structurer l’organisation spatiale du périmètre urbain, vient ensuite les plans d’urbanisme de détails qui projettent d’une part les voies pour desservir les maisons d’habitations, et d’autre part les équipements de proximité pour accompagner les populations dans l’amélioration de leur cadre de vie. Il s’agit, pour les équipements de proximité, entre autres des écoles maternelles, primaires, collèges, des dispensaires, des centres médicaux sociaux, les administrations décentralisées comme les états civils, les bibliothèques, les espaces récréatifs, etc…
Rappelons que ces plans d’urbanisme de détails font l’objet d’approbation par arrêtés ministériels et rendent lesdits plans opposables aux tiers, c’est-à-dire à tous sans exception. Ainsi donc les réserves administratives pour équipements projetées doivent être immatriculées au nom de l’Etat comme le dispose l’article 566 du Code foncier et domanial. Ces plans approuvés sont multipliés et ventilés par la suite dans les services concernés pour être exécutés conformément aux composantes projetées. Parmi les services concernés figure la direction des domaines qui est la structure chargée de sécuriser les réserves administratives pour les équipements socio-collectifs. Alors s’imposent les questions relatives à la gestion des réserves administratives. Quels sont ces maillons de l’administration publique du Togo qui ont trahi ce devoir impérieux de sécurisation du bien commun de l’Etat ? L’avenir nous le dira !
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0071 du 28 février 2025
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