LE VRAI VISAGE DE LA DEMOCRATIE TOGO SOUS FAURE GNASSINGBÉ
LE PAYS OÙ LES LIBERTÉS D’OPINION ET DE PRESSE SONT POURCHASSÉES COMME LE LIÈVRE DANS LA FORÊT
Qui sont les vrais plaignants dans cette affaire d’atteinte à l’ego?
Les réformes et modernisation de la justice togolaise sont aujourd’hui à l’épreuve du journalisme moderne sous toutes ses formes. Le Togo qui se veut toujours le « bon élève » dans toute réforme au monde, s’illustre en très « mauvais élève » lorsqu’il s’agit des droits et libertés. Restrictions des libertés, arrestation de journalistes et d’activistes de l’opposition, fermetures des médias (…) tout se passe comme si le législateur togolais avait réinventé la roue. Où étaient alors ces grands magistrats de la République lorsque, le 26 avril 2012, Faure Gnassingbé désignait les détourneurs des fonds et biens de l’État en disant qu’« Une minorité accapare les richesses du pays » ? C’était pourtant une belle occasion pour sonner le glas à la minorité qui accapare des biens du Togo. Est-ce la peur de poursuivre le président Faure Gnassingbé pour dénonciation calomnieuse et diffamatoire ou plutôt la peur du magistrat de ces affranchis formant cette minorité?
Notre pays le Togo s’est engagé depuis l’année 2006 dans un vaste programme de réforme et de modernisation de son système judiciaire avec le soutien de ses partenaires techniques dont l’Union Européenne (UE) et le PNUD. Plusieurs textes ont été adoptés et les conditions de travail et de vie des magistrats ont été un tant soit peu améliorées.
Aussi l’émergence des nouvelles technologies de l’information impose-t-elle une relecture du Code de la presse et de la communication. Ce texte a été revisité pour devenir Loi n°2020-001 du 07 janvier 2020 relative au Code de la presse et de la communication en République Togolaise. Cette loi qui s’adosse sur la dépénalisation des délits de presse, acquise depuis 2004, est un couteau à double tranchant. Car à la fin du processus, les députés RPT-UNIR sont parvenus par leur escroquerie politique habituelle à glisser la hache dans le nouveau code pénal qui désormais est devenu l’outil de répression des libertés d’expression dans le pays. On se souvient qu’au début des toilettages des lois, le Président de la commission des lois du groupe parlementaire UNIR, M. Christophe TCHAO rassurait que « Cette disposition ne déroge en rien les dispositions du code de la presse ». Le travail a été parachevé par l’actuelle législative sous Madame Yawa Djigbodi TSEGAN.
Seulement quelques mois après le vote des différentes lois, et vers la fin de l’année 2020, c’est la série des arrestations rocambolesques et détentions de journalistes qui reviennent au galop.
Aujourd’hui, c’est l’usage des réseaux sociaux que le législateur togolais avait malicieusement exclu du champ d’application du nouveau code qui expose désormais l’entreprise de presse et les journalistes aux dispositions du droit commun. On se souvient que dans la nuit du mardi 29 décembre 2020, le confrère Carlos Kétohou, Directeur de publication du journal « L’Indépendant Express » avait été arrêté manu militari, par le Service central de recherches et d’investigations criminelles (SCRIC) de la gendarmerie togolaise, et ne sera libéré que le 02 janvier 2021. Le crime de lèse-majesté chez Carlos était simplement d’avoir inséré dans sa parution du 29 décembre, un article faisant état d’une affaire de vol de « cuillères dorées » par des femmes qui seraient membres du gouvernement. La suite on la connaîtra. Le confrère à qui il a été reproché d’avoir fait diffuser un SCOOP sur les réseaux sociaux avant de les faire paraître dans son journal papier, se verra retirer sans outre mesure retirer de sa carte de presse et son récépissé par la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Une décision qui sera entérinée par la Cour suprême du Togo comme une lettre à la poste.
Bien avant l’embastillement de Carlos Ketohou, le ton de cette vague de répression de la presse togolaise avait été donné en mars de la même année 2020 par Marc Vizy, l’ambassadeur de France au Togo au moment des faits, a fait suspendre des journaux critiques. C’était suite à une plainte de cet ambassadeur de France contre le quotidien Liberté et le bihebdomadaire L’Alternative qui avaient respectivement publié des articles à charge contre l’ambassadeur et contre Franck Paris, le conseiller Afrique d’Emmanuel Macron. Tous les observateurs craignaient déjà pour la montée de cette répression. Fraternité qui a dénoncé les décisions prises contre les deux journaux, a été à son tour suspendu pour deux mois.
La série noire de la presse privée togolaise s’est poursuivie lorsque le bimensuel La Symphonie avait écopé d’une suspension pour « …manquements professionnels aux règles de déontologie et d’éthique de la profession de journaliste », selon la HAAC. Le Directeur de Publication du bimensuel « La Symphonie », Yves Galley et son journal avaient été suspendus pour deux mois à compter du 04 novembre 2021 pour la confraternité agissante envers Ambroise Yawo Kpondjo, à travers un article dans sa parution n°194 du 28 octobre 2021 et titré « Suspension de The Guardian : Incompétence, vices de forme, abus de pouvoir, violation des droits fondamentaux du mis en cause, la HAAC : la force et le zèle érigés en droit ». Et pourtant l’article du journaliste Yves Galley était bien fouillé et qui normalement méritait un oscar. Heureusement la Cour suprême a dit le droit.

C’est le comble depuis le 11 décembre 2021 lorsque les journalistes d’investigation Ferdinand Ayité, Joël Egah et Isidore Kouwonou ont été arrêtés par la Brigade de recherches et d’investigations (BRI) de la police. Les deux premiers sont placés sous mandat de dépôt à Lomé, mais le confrère Isidore Kouwonou, Animateur de l’émission incriminée, a eu un peu plus de chance. Ce dernier a été relâché, après son interpellation, mais reste sous contrôle judiciaire. Au prime abord, c’étaient des rumeurs parfois démenties par les supposés plaignants, à travers les médias. Puis, vient le jour de vérité dans les JT de 20 heures de TVT ce mercredi 15 décembre 2021, soit cinq jours après l’arrestation des trois journalistes. Certainement la première sortie officielle depuis sa nomination courant 3e trimestre 2021, le Procureur de la République près le tribunal de Lomé, M. Talaka Mawama fait une intervention pour se prononcer sur l’arrestation des trois journalistes. Dans son intervention, le Magistrat Talaka Mawama souligne que deux ministres ont effectivement permis à ce qu’une enquête judiciaire soit ouverte contre les journalistes Ferdinand Ayité, Joël Egah et Isidore Kouwonou. Ce défenseur de la Nation togolaise confirme en ces termes « Le lundi 6 décembre, j’ai été instruit par le procureur général près la Cour d’appel de Lomé aux fins d’ouverture d’une enquête judiciaire sur dénonciation des ministres Kokouvi Agbetomey, ministre de la justice et Kodzo Adedze, ministre du commerce. La dénonciation portait sur des faits portant sur une émission audiovisuelle à laquelle participaient Ferdinand Ayité et deux autres personnes. L’analyse des faits ainsi dénoncés a révélé des incriminations d’outrage envers les représentants de l’autorité publique et la diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler la paix publique au sens des articles 490 alinéa 1, 492 alinéa 1 et 497 du nouveau code pénal », déclare-t-il. Ajoutant avoir saisi, le même jour, la Brigade de recherches et d’investigations (BRI) de la police afin qu’elle ouvre une enquête judiciaire. Toujours selon Talaka Mawama « La poursuite de ces journalistes sur la base du droit commun, en l’occurrence le code pénal, se justifie du fait que les faits incriminés ont été commis par le canal d’un réseau social, moyen de communication expressément exclu du champ d’application du code de la presse et de la communication en République togolaise». En effet, les trois confrères ont été interpellés pour avoir critiqué deux ministres du gouvernement lors de l’émission « L’Autre journal n°092 », diffusée en ligne sur YouTube. La raison évoquée par les geôliers et leurs adeptes est que les réseaux sociaux sortent du champ du code de la presse en vigueur. Toutefois, il est reconnu que Google +, Instagram, Twitter, Snapchat, Whatsapp, Skype, Viber… constituent des supports indispensables de nos jours pour la presse. Aujourd’hui, diffuser une information clé sur les médias sociaux permet à l’attaché de presse d’engager sa cible. La cible peut partager l’information, la commenter, voire même créer directement son propre contenu. C’est d’ailleurs ce que font à longueur de journée tous les dirigeants du monde, dont Faure Gnassingbé et les membres de son gouvernement.

Pour ceux qui sont du côté des Hommes forts actuels du pouvoir, il est aisé de penser que le journalisme se réduit à la façon simpliste de faire les reportages et fonctionner tels que les médias publics comme TOGO PRESSE, TVT et Radio Lomé et Kara. C’est le contraire dans le privé qui bouleverse le métier avec l’apparition de nouveaux profils et styles journalistiques. Ce nouveau monde médiatique togolais est à mettre à l’actif des nouveaux acteurs qui sont apparus à la faveur de la démocratie.
Malheureusement, face à cette situation qui met totalement en grand danger toute la presse et les citoyens togolais, toujours les mêmes tapages médiatiques et diplomatie de couloirs de la pléthore d’organisations de presse (OTM, CONAPP, PPT, URATEL, ATOPPEL, UJIT et SYNJIT) dans leur contradiction interne pour la libération des détenus journalistes. Une vieille stratégie qui ne fait plus bouger les lignes. Car, il ne suffit pas de dire sur le bout des lèvres « Les délits de la presse étant dépénalisés au Togo, la détention d’un journaliste pour ses écrits paraît arbitraire en rappelant les confrères au professionnalisme», pour faire libérer un journaliste au Togo. La corporation doit mettre de côté ses egos et intérêts personnels pour se faire respecter. Il faut aller plus loin à travers des actes courageux comme des journées sans presse et marche pacifique. Il suffit de suivre les émissions sur les chaînes radio-télés et lire entre les lignes des parutions pour se rendre compte du profond malaise dans la presse togolaise. Même les consommateurs de la presse ne cessent de rappeler la corporation à l’ordre. Les compromissions, les alliances et surtout la mendicité du journaliste ont totalement pris le dessus de toute lutte commune. La presse togolaise n’est réduite qu’à une transposition incongrue des oppositions togolaises
Pour Mgr Nicodème Barrigah, Archevêque de Lomé, parlant de la situation actuelle qui prévaut au Togo « Chez nous, l’orgueil a endurci les cœurs et a fermé toute négociation». En effet, sur cette bande audiovisuelle de l’émission querelleuse « L’Autre journal n°92», diffusée en ligne sur YouTube, les confrères Ferdinand Ayité, Joël Egah et Isidore Kouwonou avaient débattu sur plusieurs points et parlé des ministres Pius Agbétomey et Kodjo Adedze, de pasteurs au sein de leurs communautés évangélistes. Il était également question de quels fidèles pour des pasteurs de moralité douteuse. Et c’est seulement pour ça que les deux supposés hommes de Dieu ont refusé de pardonner. C’est aussi révélateur que le nom du Ministre Payadowa Boukpessi, ni la Mère de Chef de l’Etat n’apparaissent nulle part dans les discussions alors que l’émission les mettait également en cause. Sur cette dernière, selon Ayité, « La maman de Faure Gnassingbé, elle est catholique convaincue, assermentée. Elle est tout le temps à Rome. Elle dit quoi quand un ministre de son fils ferme les églises aux fidèles catholiques ? Et donc vous voyez la société… » (Lire la transcription intégrale de l’émission, Page.). Il est connu de tous que les hommes et femmes qui gravitent au sein et autour du régime ne sont plus les bienvenus dans des lieux publics. Ils (elles) changent de lieux de culte à tout bout de champ. Ou carrément recrutent les pasteurs ou marabouts locaux comme internationaux qui sont rémunérés à coup de millions de francs. Même certains parmi leurs enfants refusent d’aller à l’école ou changent d’établissement car ayant honte de leur vis-à-vis.
C’est vraiment curieux qu’au départ de cette affaire, il s’était agi d’une plainte des deux ministres de Faure qu’entre-temps, le ministre évangéliste Kodjo Adedze aurait démenti avoir posé l’acte. Puis après, l’on a évoqué l’auto saisine du Procureur de la République avant la sortie médiatique du procureur désignant nommément Pius Agbétomey et Kodjo Adedze. Ce dernier est pourtant connu pour son fair-play vis-à-vis de la presse critique.
Il apparaît alors une zone d’ombre dans cette affaire de plainte. Il doit forcément y avoir un troisième larron. Quelle alternative reste-t-elle encore pour le citoyen dans un pays où les pouvoirs législatifs, judiciaires, les corps habillés et une frange du 4e pouvoir sont inféodés à l’exécutif ? Et pour corroborer notre interrogation cette déception du confrère Luc Abaki le mercredi 22 décembre dernier après la décision du haut magistrat de la République de maintenir Ferdinand Ayité et Joël Egah en détention. « La deuxième demande de mise en liberté provisoire a été gentiment rejetée par le doyen des juges d’instruction. Manifestement, l’affaire est plus sérieuse. L’envie de priver ces derniers de leur droit à la liberté est manifeste et colle à la peau de quelqu’un, bien tapis dans l’ombre». Pour rappel, Luc Abaki est non seulement un mordu de Facebook mais aussi un invité sur la chaîne privée de Ferdinand Ayité.
Hormis Madame Séna Sabine Mensah, Payadowa Boupkessi et les deux autres serviteurs de Faure Gnassingbé (Pius Agbétomey et Kodjo Adedze) la même bande YouTube a aussi indexé les garants du temple de Dieu. Cependant, les Évêques du Togo continuent de plaider religieusement en faveur de la libération de Ferdinand Ayité et de Joël Egah. Seuls la maman du Chef de l’Etat, Payadowa Boupkessi, le pasteur Luc Adjaho et le Président de l’Union Musulmane, El hadj Inoussa Bouraïma ne se sont prononcés encore à ce jour.
Il y a eu dans l’histoire récente du Togo le scénario d’emprisonnement de Maître Yawovi Agboyibo sous Gnassingbé Eyadéma par le truchement de son frère de préfecture Docteur Kodjo Agbeyome. A l’époque, l’on se rappelle que le prétendu plaignant ne s’était pas acquitté de la modique somme du parquet et qu’il avait fallu des tractations pour faire passer le jugement. Est-ce une main invisible qui se cache derrière les frères de l’Evangile Pius Agbétomey et Kodjo Adedze pour assouvir une quelconque vengeance ?
Les autorités politiques et judiciaires togolaises le savent mais font semblant d’ignorer que le monde évolue et la presse avec. Pour les présentateurs français Zemmour, Finkielkraut et Fourestâ, choquer, est un métier. Quand le provocateur est un journaliste ou un animateur, ce dernier s’inscrit bien dans la ligne éditoriale de sa maison de presse. C’est d’ailleurs ce que le Pasteur Luc Adjaho fait depuis des années sur sa télévision ZION.
C’est l’intelligence qui crée les lois et leur exercice. Pour la première fois dans le monde un discours en direct d’un candidat à la présidentielle américaine et président sortant a été interrompu par les médias. On se rappelle que le 05 novembre 2020 plusieurs chaînes diffusant le discours de Donald Trump en direct de la Maison Blanche l’ont coupé alors que le candidat républicain affirmait avoir remporté la victoire et dénonçait sans preuve des fraudes. Imaginez si cette scène se produisait au Togo ! Il apparaît clairement que « La liberté de presse n’appartient qu’à celui qui en possède une (presse libre) où qui se retrouve dans une presse libre». Dans ces conditions, la presse privée libre, le véritable vecteur et multiplicateur des valeurs citoyennes donc de la démocratie, doit s’assurer à chaque instant des valeurs qui fondent le professionnalisme. Il se doit être éthiquement correct. L’enjeu, c’est d’arriver, quoi qu’il arrive, à exploiter à fond le maximum d’espaces de liberté et de faire diminuer les autres.
Il apparaît également la problématique de neutralité du journaliste. Mais être neutre non, et ce n’est pas forcément souhaitable: on ne peut pas être neutre entre Hitler et les camps de déportation, entre l’assassin et la victime ou quand on parle de la charia. On doit être honnête et pluraliste.
La presse togolaise se trouve depuis un moment dépouillée de ses fondamentaux. L’édito qui fait la beauté des rédactions surtout radio et télé n’a plus cours dans les médias togolais. On se rappelle l’acharnement de la HAAC en 2008 sur le confrère Daniel Lawson-Drakey jusqu’à la suspension de ses éditos sur NANA FM par la HAAC. Ce dernier n’avait eu gain de cause que devant la chambre administrative de la Cour suprême qui avait annulé la décision de suspension des éditoriaux, commentaires, analyses et autres du journaliste par la Haute Autorités de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC). Or être éditorialiste est un genre journalistique de spécialité qui fait le charme de la presse tout comme être journaliste d’investigation.
Les autorités togolaises et leurs sbires n’arrivent pas encore à comprendre que même les médias publics (services publics) n’appartiennent pas au gouvernement (qui passe), mais à la nation (qui reste). C’est toute la notion d’un service public pluraliste. Et c’est la bonne façon de faire, qu’on soit dans le privé ou dans le public qui compte. Il apparaît clairement que « La liberté de presse n’appartient qu’à celui qui en possède une (presse libre) où qui se retrouve dans une presse libre». Dans ces conditions, la presse privée libre, le véritable vecteur et multiplicateur des valeurs citoyennes, donc de la démocratie, doit s’assurer à chaque instant des valeurs qui fondent le professionnalisme. Nous ne disons pas de faire un journalisme sans contrôle, mais que les codes togolais ne se limitent pas à la morale et à la déontologie, mais tout en garantissant la morale fassent faire la transcendance pour aboutir à l’éthique journalistique. Sinon, tout le monde se limitera au reportage comme le font si bien les chaînes nationales qui se retrouvent agonisant du jour au lendemain
FNK