Les incantations et les nombreuses théories « délirantes » ou d’émergence économique n’ont pas encore délivré le peuple togolais de la misère ambiante. Pire, la paupérisation devient galopante au point d’installer un climat ténébreux dans les consciences populaires. Pour beaucoup de Togolais, particulièrement les jeunes, c’est l’immigration qui reste la solution rêvée. Or il ne passe une seule semaine sans que les réseaux propagandistes à la solde du parti Etat n’annoncent des scores de performances économiques à la soviétique. Pendant que les prix des biens de première nécessité continuent de flamber sur les marchés. La pression fiscale et douanière exercée par l’Office togolais de recettes (OTR) a profondément endeuillé les opérateurs économiques. Les travailleurs (fonctionnaires et salariés du privée) se sont heurtés depuis le mois de janvier 2024 à un souffre-douleur, le prélèvement de 9,5% au titre de l’assurance universelle. Puis s’il y a quelque chose de positif qui ne trompe pas, c’est que le Chef de l’Etat a distingué ses meilleurs serviteurs en ce début d’année, sauf les fabricants de ces indicateurs et ceux qui ont inventé l’AMU togolaise !
Il est alors légitime de questionner la gouvernance sur ce qu’elle fait des immenses richesses du pays pour devoir aller encore quémander l’aide alimentaire pour nourrir leurs populations. Presque la quasi-totalité des pays d’Afrique Noire font « la manche » au nom des populations, mais au même moment le signe de vie extérieur des dirigeants laisse trahir de l’opulence à la limite de l’extravagance ; les voyages (missions) en avion jet privé ou en nombre pléthorique en classe affaire, les hébergements dans les hôtels de luxe et leur restauration à l’image des princes saoudiens. Quand on observe par exemple que leur richesse personnelle et niveau de vie dépassent parfois largement la vie que mènent les donateurs eux-mêmes.
Que comprendre de ces indicateurs qui font tant jaser
Les indicateurs en forte hausse
Le Togo ne va que de concept en concept. La différence entre le rapport B-Ready et le « fake » Doing Business (mesure de la réglementation des affaires et son application effective) porte sur trois (3) niveaux d’évaluation sur les dix (10) indicateurs. Sinon, tous les indicateurs de Doing Business sont maintenus dans le nouveau. C’est seulement quelques contenus qui ont changé et certaines dénominations. Et les trois premiers indicateurs sont relatifs au ”digital adoption”. C’est-à-dire que ces colons nous forcent vers le digital alors même que nos pays n’ont même pas encore fini de maîtriser les petits robots que fabriquaient les 4 dragons en 1980 pour parler de la maîtrise de la mécanisation, et l’automatisation mécanique et autres où les logistiques portuaires seront gérés avec des outils de dernière génération. C’est la mode ces derniers temps : d’autonomisation digitale, tout vert et tout écologique… Bref, ces néocolonialistes nous poussent vers le devant pour nous ”permettre” de ne rien maîtriser ce qui était déjà là et qu’on nous dit être désormais en arrière. L’une des manifestations est qu’on passe désormais plus de temps devant les guichets automatiques de banques par simple défaut de connexion Internet. En réalité, eux ils sont depuis longtemps à l’abri des problèmes de connexion que nous autres avons encore ici. Pire, nous n’avons aucun plan de développement, aucune notion de gestion des priorités. Et les nouveaux progrès des pays développés nous tombent dessus sans que nous ayons la possibilité d’en jouir réellement.
En matière de sondages, les outils qui nous sont soumis ne répondent à aucune de nos réalités sur le terrain. Ceux qui répondent aux questions n’établissent que des équivalents, et là encore avec beaucoup de subjectivité. Ainsi tous les indicateurs étudiés s’affichent très beaux et même parfois la « moyenne dépasse le total » comme si les questionnaires de l’enquête ont été distribués seulement à des initiés. Dans cette nouvelle trouvaille de Business Ready 2024, les experts de la Banque Mondiale ont relevé les trois piliers sur lesquels s’est reposé le classement à savoir : le cadre réglementaire, les services publics et l’efficacité opérationnelle. Au-delà des questions de méthodologie et de la collecte des données jusqu’aux résultats, les questions dont les réponses permettront au profane de comprendre ce rapport sont : a) Quel est le taux d’opérationnalisation des entreprises créées et en cours de création au Togo ? b) Combien de ces entreprises créées survivent après 1 ou 2 ans d’existence ? c) Combien d’entreprises se créent au Togo dans les domaines structurants pour la création de valeur ajoutée ? d) Ces entreprises ont besoin d’énergie, de logistique de transport, de télécommunications, etc… Où ces indispensables sont disponibles dans les normes et en continu ? Et enfin, après tout, e) Quel est le taux d’industrialisation du Togo, alors qu’il semble être premier partout ?
En conclusion, si tous les 3 critères concourent à la promotion et à la protection de la conception, production et fabrication des biens et services par nous-mêmes alors ce serait acceptable. Autrement dit, s’il faut juste avoir un cadre réglementaire qui encourage l’investissement étranger alors ce cadre ne doit pas créer plus de richesse ailleurs. Les marchés publics ne doivent pas être confiés aux étrangers. Puis des services publics orientés vers l’acquisition des biens étrangers sans créer un cadre pour la recherche autonome ne favorise guère le développement d’un pays. Après il faut s’interroger réellement sur la viabilité des entreprises, même leur existence avérée, leurs vraies sources de revenus, autrement dit la traçabilité de leurs capitaux.
Les réelles motivations des institutions de Bretton Woods
Officiellement, le Groupe de la Banque Mondiale se présente comme l’une des principales sources de financement pour les pays en développement. Il œuvre en faveur de la réduction de la pauvreté, d’un plus grand partage de la prospérité et de la promotion d’un développement durable. Le FMI, la BM et assimilés dont la BCEAO s’affichent comme des mécènes depuis des décennies. Cependant les africains continuent de tirer le diable par la queue comme en témoigne la misère ambiante sur le continent, et ce malgré les lourdes potentialités des pays et les capitaux investis dans ces pays qui pourtant n’évoluent jamais.
La preuve est que malgré les bons indicateurs énumérés plus haut, la santé économique du pays telle que présentée ci-dessous par la BCEAO n’est pas du tout parfaite. Il y est écrit : « Ce rapport fait état d’une nette détérioration du solde global de la balance des paiements du Togo, qui est ressorti déficitaire de 16,8 milliards en 2022, après un excédent de 124,1 milliards en 2021. Cette évolution est en ligne avec une aggravation du déficit courant (-73,3 milliards), conjuguée à la hausse des sorties nettes de capitaux au titre du compte financier. ». Là déjà il y a un problème. Soit les chiffres ont été maquillés, soit les effets bénéfiques de l’excédent ont dû être engloutis pour ne finalement plus impacter positivement le pays.
Ainsi la BCEAO avait recommandé au Togo pour 2023, les mesures de politique économique allant de l’accroissement de l’offre locale de produits alimentaires agricoles et manufacturés en vue de réduire les importations de ces produits au renforcement de la politique d’industrialisation dans les domaines agroalimentaires et du textile en vue de la transformation des produits de base et soutenir l’élargissement de la base des exportations… c’est-à-dire le Togo doit produire ce qui est consommable sur le territoire. Mais quelles sont les réelles capacités de production locale du pays ? Qu’est-ce qui est fait en amont pour booster une telle production ? Et quelle gestion est faite de cette production ?
Bien évidemment, se développer revient à produire les biens et services soi-même et pour soi-même. Le seul indicateur nécessaire est la capacité de production de chaque bien et service qu’un pays utilise. Ce qui suppose que chaque pays doit suffisamment produire pour la variété de biens et services existants ou potentiels. Et que dire des lobbies qui militent pour l’appauvrissement du pays en le rendant dépendant de plus en plus des importations ? On choisit quoi finalement, entre l’intérêt général et les divers intérêts partisans ?
Est-ce que ces notations qui sont brandies en trophées de guerre sont vraiment fiables ? Il suffit de jeter un regard innocent sur les biens qui composent la balance commerciale pour en juger. Est-ce que jusque-là les projets qui constituent les axes prioritaires depuis la Vision 2030, passant par le PND jusqu’à la feuille de route gouvernementale (ZAAP, AGROPOL, PIA…) ont déjà pris corps ? Qu’est-ce qui bloque leur opérationnalisation ?
Ce qui échappe souvent aux dirigeants africains qui sautent de coq à l’âne
Président Faure Gnassingbé et ses Conseillers Dominique Strauss-Kahn et Carlos Lopez
Tout le monde parle du Produit intérieur brut (PIB) sans savoir réellement de quoi il s’agit. Le PIB mesure la richesse totale générée par une Nation grâce à la production de biens et services au cours d’une certaine période. Et c’est la meilleure formule souvent utilisée par les pays industrialisés qui est mesurable par la valeur ajoutée. Pour d’autres comme les pays de consommation, le PIB est mesuré en termes des dépenses en consommation. C’est-à-dire qu’on produit ou pas, on doit consommer c’est-à-dire que le pays dépend plus des importations. Et c’est le cas du Togo. En clair, vous comptez beaucoup d’argent avec plein sourire, mais cet argent n’est pas pour vous. C’est l’argent servant à payer les factures. On ne peut pas s’estimer riche quand on ne compte que l’argent d’autrui.
Au Togo, les éléments structurels de l’économie renseignent selon les données rendues publiques par la BCEAO que le PIB en 2021 est à 4720 Mds FCFA (7,2 Mds EUR) pour une population estimée à 8,5 M habitants. En termes de ventilation sectorielle, le secteur primaire (principalement l’agriculture) contribue au PIB à hauteur de 18,5 % ; le secteur secondaire, qui repose en grande partie sur l’agroalimentaire (la transformation de produits agricoles), la construction ainsi que la production et la distribution d’eau, d’électricité et de gaz, représente 22,9 % du PIB ; tandis que le secteur tertiaire centré autour du commerce, de l’activité portuaire, aéroportuaire et financière contribue à plus de la moitié du PIB (58,6 %).
C’est une triste réalité que le PIB du Togo ou sa Valeur Ajoutée (VA) est dominée à près de 60% par le secteur tertiaire dont le commerce et surtout des biens importés.
Aucun pays ne peut se développer s’il n’affirme pas un minimum d’indépendance en matière de production de biens et services. C’est la question essentielle du développement. Les ministres de l’Économie de notre cher Togo ne gèrent en réalité que les finances. Ils jouent simplement le rôle d’un (gros) caissier de la République : les recettes de l’OTR et les crédits à taux d’usurier. Il n’a jamais été question de production ni d’industrialisation dans leurs discours. Et pourtant le rapport de la BCEAO sur la balance des paiements 2022 du Togo les y exhortent.
Le pire est que les quelques projets que le gouvernement évoque dans ses différents programmes et qui n’ont en réalité pas profité à la population sont la Zone Franche (ZF) et la fameuse Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA). Alors que tous les biens produits dans la ZF sont rapatriés sans taxes ; seulement 10% des productions est autorisée à être vendue sur le territoire togolais. Ces projets ne sont qu’au service des Indiens, Chinois qui en retour donnent des cadeaux aux gouvernants et financent leurs projets politiques partisans.
Or, la taxation la plus productive et profitable pour le budget national est celle sur la production endogène nationale à l’intérieur des frontières nationales. Voilà que les opérateurs économiques du pays font plus le commerce des biens importés. En résumé, pour une fiscalité normale dans un pays, il faut une base solide de production locale sur laquelle la taxation puisse être assise. Le pays doit subséquemment faire éclore des géants comme Aligo Dangoté, Jack Ma (…) et non ces micros entreprises parfois même fictives qui peinent à nourrir leurs promoteurs malgré les discours d’appui à la compétitivité qui foisonnent dans les ateliers de renforcement de capacité.
Quand la carence patriotique nous tient
Ce sont souvent les dirigeants des pays africains comme le Togo qui se laissent flatter par ces barbouzes de Washington. Les affairistes de la BM et du FMI sont dans leur rôle d’opération de charme. Les pays développés et anciens colons qui n’ont pas intérêt à laisser l’Afrique se développer sont les principaux actionnaires et c’est leurs entreprises qui sont au-devant pour faire progresser les privatisations et les grosses importations. Et toute entreprise, capitaliste, recherche le profit et les capitaux investis doivent rapporter des dividendes pour les pays impérialistes. C’est dire que des personnes malades font confiance au fossoyeur qui prétend venir les assister. Il n’y a que nos dirigeants africains pour faire confiance en ces experts qui militent clairement contre l’intérêt général de nos peuples. Et au lieu de se voiler la face, ils nous brandissent des chiffres fantoches venant de ces institutions.
Sur le terrain ils créent un système dit de libre-échange, mais ils fixent les prix de nos matières premières, incitent aux appels d’offres internationaux. Leurs entreprises postulent et gagnent de grosses parts de marché, car ce sont eux qui ont presque le monopole financier et opérationnel sur les biens et services dont l’africain a besoin.
Mais on n’a jamais d’appel d’offres pour apprendre à fabriquer la pièce d’un engin aussi banal que la bicyclette, mais pour acheter les pièces détachées déjà fabriquées. Ce système de prétendu libre-échange est bien évidemment la stratégie des plus forts. C’est pour cela que la Chine s’est enfermée durant plus de 20 ans pour préparer son industrie, avant de signer le document piège de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). En plus Pékin y veille au grain. Si elle trouve qu’un de ses biens ou service est menacé, elle riposte en élevant les droits de douane, en dévaluant sa monnaie ou en subventionnant ses exportations. Pour faire échec à toute tendance de domination économique venant de l’extérieur.
Pendant ce temps une simple loi des finances des pays sous-développés est dictée par le FMI et même les experts des Ministères de l’Économie et des Finances partent en mission à Washington avec leurs parapheurs pour aller faire valider les budgets avant leur vote dans leurs Assemblées Nationales respectives, une sorte de chambre d’enregistrement.
C’est souvent au cours de ces missions budgétivores pour nos pays en dehors de leur caractère criminel contre nos peuples que les élites africaines se font le plus « baiser ». Il suffit que le blanc les qualifie de « bon élève », de meilleurs réformateurs ou qu’on leur attribue un poste ronflant du genre « Gouverneur » et aussi qu’ils soient rassurés de faire partie de la prochaine mission. C’est là qu’ils acceptent bêtement les recommandations des différentes missions d’évaluation qui font prospérer la misère au Sud et qui fragilisent les économies endogènes. À titre d’exemple : la liquidation de l’OPAT, la concession de la manutention au port de Lomé, la cession des banques d’État (BTD, SNI, BTCI…) au profit des opérateurs privés étrangers. Ce qui pousse le Chef de l’État, le grand Maître à désormais aller faire la queue pour chercher des crédits, même pour des secteurs de souveraineté. Et depuis ces privatisations, nulle part le Togolais ne dispose de la minorité de blocage qui est autour de 25% du capital des banques. Actuellement c’est les Sud-Africains, Qataris avec les Nigérians et Ghanéens, Burkinabés qui parlent en termes de finances. Alors qui va financer le secteur privé togolais et son appareil de production ?
Enfin, ce que les gouvernants africains doivent comprendre est que ces institutions comme la BM et le FMI ne viennent pas pour développer les pays « Pauvres ». Elles proposeront toujours des outils de dépendance. Alors pour nos pays, c’est à nous-mêmes de prendre des mesures pour produire les biens et services pour la satisfaction de nos besoins réels et cesser d’importer tout ce qui peut pousser sur nos sols. « On ne développe pas, on se développe », disait à juste titre le Professeur Joseph Ki-Zerbo.
- Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0070 du 19 février 2025