C’est désormais une évidence qu’après l’initiative Pays Pauvre et Très Endetté (PPTE) du couple FMI & BM des années 2010, le Togo s’est lancé en solitaire, depuis plus de 5 années, dans un nouveau concept apparent qu’on peut baptiser Pays Pauvre Très Hypothéqué (PPTH) ou pour être fini, Pays Pauvre Très Endetté et Hypothéqué (PPTEH). Car l’endettement du Togo est vertigineux, une spirale et un cycle infernal dans lequel la gouvernance se satisfait à publier des « jackpots » en de levées de fonds sur le marché financier et à chaque quinzaine.
Plus de trois levées de fonds en ce début d’année 2025 selon le site d’information Togo First. Ainsi, le bilan des fonds que le Togo a collecté sur le marché de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), affiche un montant de 121,5 milliards FCFA, sur un objectif annuel de 332 milliards FCFA soit 36,60% à la date du 21 mars 2025. Ceci dit, si ce rythme est maintenu, le pays pourra s’endetter à nouveau cet exercice budgétaire d’environ 500 milliards FCFA sur le seul marché de l’UEMOA. Et ce qui parait plus qu’évident est que les besoins en dépense de fonctionnement de l’Etat, les extras et la mise en place des institutions de la 5ème République (Sénat, Assemblée Nationale, Conseils régionaux et municipaux, justice, organe de régulations presse…) iront à foison… Au même moment, dans tout le pays, en dehors de la réhabilitation des tronçons Sokodé-Tchamba-Frontière Bénin et Aouda allant à Aléhirdè, aucun (nouveau) chantier dans la politique des grands travaux du président Faure Gnassingbé n’est en exécution. Mais, au même moment, les besoins les plus élémentaires des populations sont criards. On dirait que le pays ne vit désormais que de politique courtisanne et chaque prétendant n’attend que sa « convocation » pour aller s’abreuver à la laiterie de la République.
Un sauvetage grossier dans un climat très flou
Rappelons qu’en mi-janvier 2025, la magie financière du Togo avait annoncé l’injection de 66,9 milliards de FCFA (EUR 101,99 millions) dans le rachat des bâtiments servant de siège social pour l’Union Togolaise des Banques (UTB) qui est la seule banque dont le Togo est encore à ce jour propriétaire et l’ex-banque publique, la Banque Togolaise pour le Commerce et l’Industrie (BTCI), rebaptisée IB Bank. Cette dernière a été cédée plutôt à prix liquidatif de 6 milliards (EUR 9,15 millions) à IB Holding, désormais propriété du patron d’EBOMAF, Mahamadou Bonkoungou.
Selon les metteurs en scène de cette opération innovante, les fonds injectés proviendraient d’une économie budgétaire sur l’exercice 2024. Vraisemblablement le pays est parvenu à faire de l’économie sur un budget à priori déficitaire ! La même propagande persiste et signe que le rachat du siège social de l’UTB seul aurait coûté 31 milliards de FCFA (EUR 47,26 millions), et que « L’UTB, longtemps plombée par des fonds propres en territoire négatif, a retrouvé un certain souffle financier grâce à cette acquisition et une injection de 12,6 milliards FCFA de capital supplémentaire ».
UTB Togo
Si le rachat du seul siège social de l’UTB a coûté 31 milliards de FCFA, alors celui de la BTCI, du même standing, devrait valoir presque le même montant. Ce qui est donc nettement au-delà des 6 milliards de la vente totale de la BTCI au burkinabè. Ce qui, bien évidemment, est un vrai embrouillamini. C’est un véritable chaos d’assister impuissant à ce naufrage.
Avec ce rachat spectaculaire des sièges des deux banques en 2025, le premier réflexe d’un lycéen de la filière G2 serait de chercher à savoir ce que deviendrait la structure bilancielle des deux banques. C’est-à-dire la conséquence après la sortie des immeubles du patrimoine des deux banques déjà agonisantes. C’est très aventuré pour des banques qui sont déjà sommées par la commission bancaire car, les principaux ratios obtenus à partir du bilan étaient préalablement et totalement dégradés. Les immeubles étant les principaux actifs de ces entités alors la première conséquence est que les ressources stables vont davantage être en deçà de l’actif circulant.
Cette opération ne serait bénéfique pour UTB et IB Bank que si ces acquisitions étaient transformées en participation ou en part de la République Togolaise dans le capital de la banque ou simplement si ces immobilisations acquises sont des donations. Mais alors, pourquoi ne pas injecter de l’argent frais pour nationaliser la BTCI et préserver l’UTB, pour en faire des banques nationales d’investissement pour financer l’agriculture, l’industrie et le commerce ?
Où sont passés les 66,9 briques et à qui profite le « crime » ?
Le mystère reste tout entier. Car, selon nos investigations, aucun fonds n’aurait été injecté fraîchement dans ces banques. Du moins pas officiellement dans UTB ni IB Bank pour soulager leur trésorerie. Cependant, des jeux d’écritures comptables de compensations auraient été opérés pour éponger les dettes de ces banques vis-à-vis de l’Etat.
Pis encore, plusieurs observateurs de la finance se demandent comment l’Etat togolais va-t-il prendre possession de ce qui sort du communiqué à savoir : « L’opération envisagée par l’Etat consiste à racheter les sièges et divers immeubles de ces institutions bancaires. Ces actifs immobiliers seront par la suite convertis en titres financiers… », avait rapporté l’Agence Ecofin. D’abord, il faut savoir que les divers immeubles de ces institutions bancaires, dont il est question sont pour la plupart des immeubles issus des crédits hypothécaires qui sont en souffrance dans les banques et sur lesquels ces dernières n’ont pas totalement le droit de propriété ou carrément certains sont fictifs. C’est-à-dire que pour le cas de l’UTB, la valeur de l’immeuble dans le document Sukuk (2016-2026) est maintenue à 12,973 milliards FCFA (EUR 19,78 millions).
Cette situation implique que les autres biens immobiliers de l’UTB sont évalués à 18,03 milliards FCFA (EUR 24,48 millions). Alors que souvent ces terrains nus ou bâtiments sont souvent des éléphants aux pieds d’argile. Car, il s’agit pour la plupart des domaines sans grandes valeurs (immeubles inachevés, terrains marécageux, voire litigieux…) que certains individus (escrocs), s’arrangent à attribuer des fausses valeurs. Bien évidemment en complicité avec des agents des banques et leurs évaluateurs (architectes et ingénieurs) pour en constituer des garanties pour de gros crédits. Mais, après l’octroi des crédits, chacun touche sa commission et la banque en procédant à la saisie, se retrouve devant un immeuble sans valeur et qu’elle ne peut même pas fructifier ou revendre.
On lira en suite l’Agence Ecofin qui écrit «…ces actifs pourront être acquis par des investisseurs, peut-être d’autres banques de la place ». C’est-à-dire que l’Etat se désengagera une fois encore d’un outil de souveraineté au profit du privé comme le cas de la BTCI qui est allée au profit d’EBOMAF.
Que font les gouvernants avec autant de fonds levés
Malgré la pression fiscale excessives et les entrées fiscales et non-fiscales, la liquidation des bijoux de famille s’accélère. On se demande s’il y a quelqu’un qui contrôle quelque chose dans ce pays. Le constat que les togolais font aujourd’hui, c’est qu’aucun projet de l’Etat et même financés par les partenaires au développement n’aboutit. Par exemple, le SUKUK de l’Etat du Togo 2016-2026 pour un taux de rémunérations des obligations à 6,5% auprès de la banque Islamique a été conclu pour un nominal de 150 milliards FCFA (EUR 228,67 millions) pour un remboursement total de 217,63 milliards FCFA (EUR 331,77 millions), avec un service de la dette de 67,64 milliards de FCFA (EUR 103,12), soit plus de 45% du capital emprunté. Cet argent a financé quoi ?
Selon la Loi des finances Exercice 2025, l’amortissement de la dette intérieure et extérieur est de 710,62 milliards FCFA, le coût total de cette dette est estimé à 203,26 milliards FCFA. Ce qui donne un amortissement de la dette et des charges financières afférentes à 877,217 milliards de FCFA, pour 1208,36 milliards de FCFA de recette fiscale soit 72,6% pour des recettes non-fiscales très insignifiantes.
On dira en français facile que le pays vit largement au-dessus de ses moyens, c’est-à-dire, que la politique économique de Faure Gnassingbé et ses gouvernements respectifs est toujours déficitaire d’année en année. Le train de vie des hommes politiques ne reflète pas la situation actuelle.
L’endettement dans le contexte de la gouvernance togolaise est inopportun. Mais, l’endettement ne peut être envisagé que si l’argent sert de façon efficiente (productive) pour rembourser la dette. Si on emprunte et qu’on ne peut pas rembourser ou qu’on végète dans un cycle de dette, c’est que soit, l’objet à l’origine de la décision d’emprunter n’est pas pertinent au départ, ou l’on fait des investissements improductifs, ou encore l’argent emprunté est détourné de son objet ou alors on ne gère pas bien.
Ce qui est d’ailleurs visible et partagé par le président Faure Gnassingbé se résume comme suit : la minorité qui l’entoure est immensément riche et continue de s’enrichir de manière peu orthodoxe au point d’appauvrir les populations. C’est sans nul doute cette classe dirigeante qui appauvrit le Togo tout entier au bénéfice des vautours de bailleurs ou investisseurs sous toutes les formes. Les grands économistes et gestionnaires du pays doivent être sollicités pour trouver des sollicitations au lieu d’endetter le pays de manière récurrente. Chers gouvernants, est-ce qu’il est impossible de stopper cette hémorragie ?
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0073 du 28 mars 2025
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