Le Togo du Père au Fils pose des pas de géant sur le continent mais sans véritablement récolter les fruits, du moins pas pour impacter positivement et significativement les citoyens du pays. Tout comme le feu président, Général Gnassingbé Eyadéma, son fils Faure Gnassingbé est le 1er clairon avec son ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération Robert Dussey, ce dernier devenu sans domicile, pour éteindre les feux ici et là. Et c’est l’homme qui a sa couchette dans les avions, le ministre Robert Dussey qui pilote la diplomatie du pays depuis plus d’une décennie. Il voyage tellement que l’on peut se demander si le pays a encore besoin d’avoir des ambassades dans les pays étrangers. Il va de sommet en sommet, médiateur ici et là, émissaire de Faure Gnassingbé sur la planète et ses discours parfois populistes vont en discrétisant les précédents acquis au point où différents palais commencent par douter du pays. Tout est orchestré sur le dos du pauvre contribuable qui visiblement continue de tirer le diable par la queue.
En effet, les transports favorisent l’intégration des diverses régions et au développement d’une économie moderne, permettant ainsi une meilleure utilisation des facteurs de production. Tous les Etats ont compris cette urgence en ont mis les moyens infrastructurels et également les moyens législatifs dont le texte de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens. Tout semblait aller si bien mais sans compter sur la résurgence de l’insécurité due au terrorisme et djihadisme, la volonté de domination des uns sur les autres qui ont conduit à la remise en cause totale des éléments fondateurs des unions. Le plus sanglant est la remise en cause par certains Etats dont le Bénin, le Nigéria…la RCI des différents traités et aussi la rupture de la « charte solidarité sur la mer » qui offre l’opportunité aux pays sans littoral de bénéficier de l’océan. Il va sans dire que la mise en œuvre de ces mesures contraignantes par les dirigeants de la CEDEAO (UEMOA) équivaut à l’usage de la « fin » comme moyen de pression en temps de guerre.
Les difficultés dans la libre circulation des biens et services
Malgré les statistiques officielles élogieuses que le Togo et ses partenaires avancent sur les performances en volume de son port en eau profonde, la situation financière des acteurs de la plateforme portuaire dont le Port Autonome de Lomé n’a pas connu d’embellie pour autant. Si les deux manutentionnaires AGL et MSC peuvent se frotter les mains en tant que détenteur du monopole privé (MSC), chez la majorité des maisons consignataires, des agréés en douane et transporteurs, c’est plutôt la croix et la bannière. Cela peut se comprendre si l’on introduit les volumes des marchandises en transbordement dans les chiffres alors que cela ne rapporte que du numéraire au manutentionnaire mais pas grande chose au pays. Car ces lourds tonnages de marchandises en « transbo » n’ont pas traversé le cordon douanier pour que le Togo en profite. Il s’agit des discours du genre « Une source togolaise précise d’ailleurs que l’activité du port de la capitale a augmenté. Plus d’un million de tonnes et 28 000 conteneurs à l’importation sur la période janvier-octobre par rapport à l’année dernière. Notre source précise que cette croissance est « probablement » liée à la fermeture de la frontière Bénin-Niger. »
Et pourtant, tous les acteurs autour du port de Lomé savent que la double facturation du BESC par ANTASER et la mise en œuvre du Port Sec de la Plateforme d’Adétikopé par l’apparition des surcoûts et la lenteur dans la mise à disposition des conteneurs ont conduit plusieurs importateurs du Burkina, du Mali et du Niger à dérouter la grande partie de leurs importations sur la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Bénin.
Tout importateur veut minimiser les coûts tout en engrangeant d’énorme chiffre d’affaires. Et pour les lignes maritimes les ports ghanéens, ivoiriens et même celui du Bénin sont plus rentables car étant des pays exportateurs qui permettent d’avoir les frets retours. Le Togo étant un pays essentiellement de transit, les exportations (coton, et tout dernièrement soja) à partir du Port Autonome de Lomé sont saisonnières.
Le cas particulier qui a considérablement affaibli les échanges commerciaux entre le Togo et le Niger a été amplifié par le climat d’insécurité bloquant l’axe stratégique Bitou (Burkina Faso) passant par Fada N’Gourma et Kantchari pour atteindre Torodi (Niger) et Niamey la capitale.
En conséquence, les plus gros importateurs du Niger avaient donc quitté le PAL depuis plus de deux ans pour le Bénin. Les quelques rares marchandises qui transitaient par le port de Lomé sont souvent des erreurs de booking. Mais depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 la situation est allée de mal en pis avec la fermeture des frontières édictée par les chefs d’Etat de la CEDEAO sous prescription d’Emmanuel Macron. Plus de quatre mois après le coup d’État perpétré contre le président Mohamed Bazoum, les conséquences économiques continuent de se faire ressentir dans toute la sous-région, notamment le Bénin, un des partenaires commerciaux majeurs de Niamey. Le corridor qui part du port de Cotonou jusqu’à la capitale nigérienne était jusque-là l’un des principaux canaux d’approvisionnement en denrées. Mais depuis les sanctions de la CEDEAO, les frontières sont fermées. Et sur les quais du port de Cotonou, les marchandises à destination du Niger s’accumulent. Beaucoup de tentatives sont faites pour désengorger le port de Cotonou mais c’est trop insignifiant. Et la dernière en date est que les autorités béninoises n’acceptent plus le transit des marchandises à destination du Niger.
Pour contourner les mesures, les acteurs ont développés le « système D ». Pour le sociologue Michel Crozier « le système d’action dépend d’acteurs humains libres ». Transitaires et transporteurs avaient entre temps opté en ce qui concerne les marchandises à destination du pays de général Tiani, en transit du port de Cotonou de passer par le Burkina Faso, faire la déclaration douanière passant par la frontière Kétaou (préfecture de Kara) pour rentrer par le Togo, reprendre la Nationale N°1 et passer par Cinkassé. Ce trajet ne coûte qu’une formalité supplémentaire d’environ 80 mille FCFA pour l’importateur. C’était par ce système qu’ils contournaient les plus de 250 mille FCFA de surcoût que coutait en moyenne le passage d’un conteneur au port sec PIA. Par contre, une marchandise débarquée au port de Lomé à destination de Niamey et qui doit transiter par le même poste de Kétaou et continuer par le Bénin, Malanville pour atteindre Niamey subit des surtaxes énormes à la frontière Kétaou (coté Bénin). Ce paradoxe qui est inadmissible doit être analysé par l’autorité togolaise (OTR) et se rapprocher de leur homologue du Bénin afin d’harmoniser les tarifs. A défaut les autorités togolaises doivent passer à l’application de la réciprocité.
Comme cela ne suffisait pas, pour priver encore plus le peuple du Niger de quoi se nourrir, se soigner, prospérer dans les affaires, les autorités béninoises annoncent le 27 octobre dernier que « Le port de Cotonou n’accepte plus de marchandises à destination du Niger ». Par cette annonce, le Togo, seul pays de la sous-région qui affiche son soutien aux putschistes est plus que jamais interpellé. Il est aussi question de se mettre en ordre de bataille pour transporter et livrer le pétrole en provenance du Niger.
Le Niger en mode « Papa Noel » accorde 10 000 m³ de gasoil au Togo
C’est à travers une lettre datée du 16 octobre 2023 que le ministre nigérien du Pétrole, Mahaman Moustapha Barké de la République du Niger a annoncé l’initiative d’aider le Togo, le Burkina Faso et le Mali à faire face à des pénuries de gasoil à venir, en leur accordant à chacun, 10 000 m³ de ce produit pétrolier essentiel dans le transport des marchandises. Ainsi le Burkina Faso recevra son allocation en octobre, le Mali en novembre et le Togo en décembre, dans le but d’atténuer les tensions actuelles liées aux réserves de gasoil. Espérons que la minorité pilleuse, à travers des machins de comités de gestion et autres manœuvres mafieuses, n’en profite pas pour se remplir encore les poches déjà débordantes.
On se rappelle que bien avant cette lettre de l’État du Niger, le 1er août 2023, l’Office togolaises des recettes (OTR) par son commissaire général Dr Phillipe Kokou Tchodié avait dressé un avis aux opérateurs économiques pour signifier que « les transactions commerciales entre Lomé et Niamey sont suspendues depuis le 1er août 2023 par l’Office togolais des recettes (OTR) ».
Et c’est le même pouvoir du Togo qui, moins de deux mois après l’interdiction de l’OTR, cette fois par son ministre des Affaires Étrangères et des Togolais de l’Extérieur, Prof Robert Dussey, adressa le 25 septembre 2023 une note au président de la Commission de la CEDEAO pour signifier que le Togo va « faciliter le travail des agences humanitaires des Nations unies qui apportent une assistance vitale aux populations vulnérables dans le contexte de la crise politico-sécuritaire » et ainsi participer à l’acheminement de l’aide humanitaire au peuple nigérien.
À l’analyse de l’enchainement des dates et événements « i) 1er août, interdiction de l’OTR
- ii) 25 septembre, discours ATALAKOU au 78e AG-ONU et iii) mi-octobre, publication de la convention sur le pétrole » l’on peut soupçonner une stratégie derrière tous ces actes. Mais le Togo est-il suffisamment préparé ou se donne-t-il les moyens pour capitaliser ces nombreux acquis?
La pression se fait encore plus forte sur le Togo avec l’omerta de Patrice Talon en fin octobre dernier sur l’embargo visant les flux des biens et service sur le Niger pendant que le pays qu’on dit soutenir manque de tout et que l’inflation monte à un rythme accéléré. Et selon un récent rapport de la Banque mondiale « …d’autres ports de la région devraient bénéficier de la fermeture du corridor Cotonou-Niamey, comme celui de Lomé, au Togo ».
Si l’on peut s’abriter derrière le travail des agences humanitaires des Nations Unies, comme le font les pays occidentaux pour vendre les armes aux belligérants, le cas entre le Togo et le Niger est une autre facture. Le Togo n’a pas de frontière directe avec le Niger et les marchandises doivent passer soit par le Bénin qui est déjà forclos ou le Burkina Faso qui est miné par le grand terrorisme. Que faire pour acheminer les 10 000 m3 de gasoil et aussi faciliter le transit au profit du peuple frère du Niger? Le détail suivant permet d’appréhender la situation à laquelle le pays sera confronté en décembre. La conversion 1 m3 donne 1 000 000 cm3 soit 1000 litres de gasoil. Alors 10 000 m3 donne au total dix millions (10 000 000) de litres. Le Togo ne disposant pas de pipeline avec le Niger pour la livraison du full, alors la route est le seul moyen. S’il faut utiliser les camions citernes d’une capacité de 45 m3 soit 45 mille litres, il faudra au total 222 222 voyages. Il y’a aussi des camions de 60 m3. Ce geste du Niger est encore une preuve que l’Afrique a du potentiel et c’est dans les crises que naissent les vraies opportunités.
Comment se préparer pour répondre solidairement aux bras tendus du sahel
Si l’on exclut d’office le trajet passant par le Bénin, pour le transport du fret à destination ou en provenance du Niger, le Togo et son allié du Niger ont trois possibilités par la voie terrestre. Le premier axe qui est l’ancien trajet long de 2500 km en aller-retour donne Lomé-Cinkassé-Bitou-Tinkorougo-Koupela-Fada Ngrouma-Kantchari-Torodi-Niamey. Il est dans un état piteux surtout les 100 km entre Fada N’grouma et Kantchari. Cette voie est totalement assiégée par les terroristes depuis mai 2022. Toute tentative de l’Etat burkinabé de réhabiliter cette voie est réprimée à l’aide des grenades et bombe. Le second qui a fonctionné de 2018 à fin 2019, est le parcours Lomé-Dapaong-Tandjouré-Pounio-Nadiagou-Pama-Fada N’grouma-Kantchari-Torodi-Niamey. Il a été aussi bloqué depuis novembre 2019 par raison d’insécurité djihadiste. Et le troisième qui a été une trouvaille des acteurs pour contourner les sanctions de la CEDEAO et les zones d’insécurité fait plus de 4400 km en aller-retour c’est-à-dire « Lomé-Cinkassé-Bitou- Zinari -Kaya-Dori-Tera-Niamey ». Il faut également noter que la grande partie du trajet se trouve à l’intérieur du Burkina Faso soit 2200 km et se fait par convoi militaire. Le tronçon Cinkassé-Zinari se fait en 12 heures d’horloge. Un premier convoi militaire accompagne les transporteurs de Zinari à Kaya et un second prend de Dori à Tera. La distance Zinari-Tera qui se faisait en une journée ou deux devient très élastique sur des mois à cause de l’irrégularité des escortes sécuritaires. Cependant, les transporteurs qui ont accepté se confier à notre rédaction affirment que les convois ne sont pas réguliers et le voyage en aller-retour peut durer des mois si l’on n’a pas de la chance. On signale des milliers de camions stationnés entre Ziari et Tera attendant les escortes qui se font très rare. Sinon, d’autres font au-delà de trois mois. C’est-à-dire que le voyage Lomé-Niamey-Lomé qui se faisait en moins de 08-15 jours se rallonge à plus d’un mois avec une distance de plus de 4000 km. Qui parle de rallongement de kilométrage et la lenteur, appellent des charges supplémentaires pour le transporteur et donc une augmentation du fret terrestre qui était en moyenne à 1,6 millions à plus de 3 millions FCFA.
Si Michel Crozier reconnait aux acteurs, la capacité de l’individu à solutionner des situations, une marge de liberté dont ils se servent pour satisfaire leurs intérêts tels qu’ils les comprennent. Les dirigeants togolais, nigériens et burkinabés doivent agir pour trouver une solution toute simple. Tout le problème se résume en un seul mot, l’insécurité qu’il faut résorber. Et la réponse à cette insécurité interpelle l’unicité des états-majors des forces de défense et de sécurité des trois pays directement concernés à savoir le Togo, le Burkina Faso et le Niger pour combattre le terrorisme.
Et pour ne pas trop disperser les moyens et énergies, il sera plus rationnel de mobiliser les forces de défense et de sécurité sur le corridor le plus court reliant le Togo et le Niger soit 2100 km à savoir « Lomé-Dapaong-Tandjouré-Pounio-Nadiagou-Pama-Fada-N’grouma-Kantchari-Torodi-Niamey ». Car ce tronçon aura également l’avantage de contourner le mauvais état de la voie Bitou-Fada N’grouma qui est totalement impraticable depuis 2020. Il va sans dire que la sécurisation dudit tronçon aura également pour bénéfice de résoudre le problème d’insécurité dans la région des Savanes.
La sécurisation de ce tronçon doit être la première mission de la diplomatie du président Faure Gnassingbé du Togo vers ses homologues ; capitaine Ibrahim Traoré du « pays des hommes intègres » et général Abdourahamane Tchiani de l’ancien royaume du Kanem-Bornou. Ceci peut également passer par les négociations avec les différents groupes terroristes qui sont souvent identifiables.
Douligna