La pauvreté a toujours créé ses propres addictions. Cela se voit partout dans le pays. Si ce n’est pas la multiplicité des buvettes et kiosques de Sodabi (Tchoukoutou), c’est les temples de prière des anciens discours réchauffés qui remplissent à longueur de journée. Et tout récemment l’on assiste à la floraison des jeux de hasard dans l’informel et aussi le formel avec la LONATO qui intensifie son réseau depuis la fin de l’année 2023. On parle de l’installation d’une première vague d’un millier de machines loto dans les grandes villes du pays et hameaux. Les paris se font désormais en deux tirages par jour de lundi à samedi. C’est ainsi qu’on voit coiffeuses, tresseuses, Zmen, paysans et d’autres encore perdre leur pauvre 100 FCFA, 200 FCFA ou 500 FCFA chaque jour sous prétexte d’une espérance de gain souvent très proche de 0. C’est un constat amer lorsqu’on voit des foules, hommes et femmes désœuvrés, à longueur de journée devant les kiosques de jeux.
Les objectifs d’une taxe Pigouvienne sont essentiellement de trois ordres à savoir : internaliser les externalités, aligner les coûts économiques aux coûts sociaux et enfin, changer le comportement qui induit l’externalité négative par l’augmentation des prix due à la taxe.
Selon cette nouvelle loi du gouvernement Togolais, les loteries, les maisons de jeux et toutes autres entités exerçant une activité de jeux de hasard en ligne ou non, sont tenues d’opérer une retenue libératoire sur les montants des gains versés à chaque parieur. Le résultat escompté peut être important si l’on considère que seule la LONATO fait un chiffre d’affaires annuel qui tourne autour de 100 milliards de FCFA l’an.
Une taxe Pigouvienne est toujours efficace pour changer les comportements. Elle est de 15% au Kenya. A New York City aux USA, elle tourne autour de 13% sur les gains de plus de $5 000.
C’est pour dire que cette taxe sur les gains de la loterie à 5%, est trop faible pour décourager vraiment les gens. Car, si vraiment l’on veut décourager la pratique, parce que le Togolais tire le diable par la queue, c’est encore une très bonne raison pour que le taux de la taxe Pigouvienne soit très élevé.
C’est très éthique de corriger cette histoire de loterie dans nos pays. En ce sens qu’elle appauvri gravement les populations qui ne se rendent pas vite compte. C’est hallucinant et triste quand on approche les maisons et kiosques de ces jeux de hasard. Cependant, il s’agit d’un commerce très rentable aux promoteurs et bénéficiaires qui sont dans les sérails du pouvoir togolais.
Mais la grande difficulté aujourd’hui est comment opérationnaliser cette taxe quand on sait que, de plus en plus les jeunes jouent sur Internet et les gains sont aussi en bitcoin ou dans les monnaies exotiques leurs permettant de faire des achats directement sur le net. Aussi, faut-il craindre l’opposition de la LONATO dont la PCA répond au nom de Ingrid Awadé, une ancienne directrice des impôts et conseillère du président de la république au rang de ministre. Est-ce la présidente de l’Assemblée Nationale Yawa Tségan et ses honorables députés peuvent-ils mettre le sable dans cette farine ? Et si c’est le cas, Phillipe Tchodié et son équipe pourront-t-ils avoir les moyens pour faire cette collecte au profit du Trésor Public ?
Sinon, la pratique, si elle est mise en œuvre, se base sur le même principe que les impôts sur les revenus dont les prélèvements se font à la source (comme l’IRPP). Le plus gros est la LONATO qui visiblement doit subir l’impact fiscal et l’incidence fiscale sur les gagnants.
Pour un observateur, l’objectif de cette taxe ne sera pas seulement de décourager les parieurs étant donné le faible taux, mais simplement trouver des ressources supplémentaires pour financer le budget 2024. Par exemple des approches pour trouver des ressources additionnelles pour l’État et résoudre des problèmes de santé publique. Car, pour 2024, l’Etat a l’obligation, à l’approche des multiples élections, d’assurer la continuité du financement des programmes de santé publique qu’il annonce en fanfaronnade. Il pouvait aller plus loin en mettant les droits d’accises sur les cigarettes aussi, en faisant le maximum de l’UEMOA 150% et renforcer le système de marquage et de contrôle pour éviter la contrebande. Et ce sera mieux que de laisser tout le monde fumer et qu’à cause de leurs besoins en santé, on soit obligé de tout taxer pour soutenir le budget national. Il y a aussi la taxation sur l’alcool qui rapporte d’énormes ressources au trésor. Même les accises sur les produits sucrés est un exemple de taxe pigouvienne mondialement connue. La santé est une responsabilité éthique et sociétale, qu’on ne peut pas taxer. Sinon, la décision cavalière et sans concertation du gouvernement d’augmenter les cotisations de la CNSS qui était de 21,5% à raison de 4% pour le salarié et 17,5% pour l’employeur au profit de l’Assurance Maladie Universelle (AMU) et qui passe à 31,5% à raison de 9% pour l’employé et 22,5% pour l’employeur ne va que ronger davantage le panier de la ménagère. Et le fait de vouloir faire prendre en charge les 10% d’augmentation par l’employeur dans le secteur privé c’est-à-dire l’employeur peut décider de prendre en charge plus de 50% de cette augmentation va ralentir la création d’emploi dans le pays. La vraie solution, c’est de créer les meilleures conditions de vie aux populations.
Mais, rebelote, aux dernières nouvelles, cette taxe n’a pas été adopté dans la Loi des finances exercice 2024. Pour quel motif ? On attend de voir les années prochaines.
B.Douligna
« TAMPA EXPRESS » parution 0049 du 10 janvier 2024