L’accession du Togo à la souveraineté internationale est proclamée le 27 avril 1960 et reconnue par la communauté internationale. Cette date et cet instant, le futur Premier Président de la République les a préparés avec organisation et méthode et sans précipitation, lui qui était déjà Premier Ministre de la République Autonome du Togo, élu au suffrage universel depuis deux ans. Il déclarera entre autres : À compter de ce jour, mon pays, mon cher Togo, a retrouvé sa souveraineté d’antan. (Fin de citation).
Le Togo n’ayant jamais existé, écrit Charles Quist dans un billet du 23 février 2025, mis en ligne le 09 mars sur Forum Eco du Professeur Michel Nadim Kalife, le Président Sylvanus Olympio a servi une contrevérité en clamant une souveraineté retrouvée(sic).
J’avais sept ans à l’indépendance du Togo et Charles Quist seize ; entre temps, tous deux en avons pris soixante-cinq de plus, tout en prime, vu les délicates conditions de vie locale, conséquences de la cabalistique voire désastreuse construction politique du Togo notre pays. En effet, en soixante-cinq ans post période coloniale, le bien-être intellectuel, moral et physique, le bien-être tout court, les convictions politiques et nationalistes et le vivre ensemble en République togolaise n’auront jamais été si précaires.
Non, le Président Sylvanus Olympio n’a pas usé de contrevérité !
Quel incommensurable affront que de l’affubler d’illettrisme ! Son éducation universitaire approfondie, son engagement politique sans faille et son nationalisme tenu étaient de l’envergure planétaire de ceux d’un Kwame Nkrumah du Ghana, qui a réclamé lui-aussi une souveraineté d’antan pour son pays patchwork de dizaine de tribus, ou d’un nationaliste Nnamdi Azikiwe sur le front du Nigeria alors une terre condensée de peuplades aussi antagonistes que culturellement et religieusement éparses pour ne citer que ces deux érudits et prolixes panafricanistes ; rarement en Afrique subsaharienne, un nationaliste s’est appuyé dans son combat sur un pays formellement préexistant d’avant la colonisation ou s’en est réclamé.
De ce qui précède, il faut absolument rendre à Sylvanus Olympio ce qui est à ce César à la dimension nationaliste inégalée à ce jour sur la terre de ses proches aïeux. Il faudrait aussi se souvenir que Sylvanus Olympio n’a guère fait dans le populisme béat d’un Sékou Touré de Guinée-Conakry : à De Gaulle qui lui proposait de prendre l’indépendance sur-le-champ en 1958 à l’issue de son triomphe électoral, il a servi un refus poli. Sylvanus Olympio ne pouvait faire dans l’illettrisme, éduqué, cultivé et nationaliste expérimenté qu’il était comme plus aucun Président de la République togolaise ne le sera après lui soixante-cinq ans durant. Il a préparé en deux ans ce moment où le drapeau national a été hissé seul en lieu et place du drapeau français ; la symbolique de la souveraineté retrouvée est là, à moins d’en faire un sujet polémique.
Il y a bien une terre de nos aïeux.
En évoquant, dans sa déclaration d’indépendance du Togo, _une souveraineté d’antan retrouvée_, Sylvanus Olympio, tout comme Kwame Nkrumah avant lui pour le Ghana et Nnamdi Azikiwe après lui pour le Nigéria, ne se référait assurément pas à un espace géographique établi par des cartographes depuis des temps immémoriaux. Ce Togo que remémore Sylvanus Olympio dans sa déclaration n’est donc pas à adosser à un royaume aux frontières connues ou imaginaires, belliqueuses ou religieuses ou esclavagistes ou mercantiles, comme il en a pullulé en Afrique de l’ouest. C’est juste la terre de nos aïeux qu’il invoquait car elle a bien existé avant la colonisation : une terre sans dénomination ni appellation consacrée où les ancêtres de ceux dorénavant appelés togolais ont quand-même vécu ou ont nomadisé avant de se sédentariser et se faire appeler togolais. Togolais du Togo dont l’appellation-pays, selon certaines sources, serait les deux premières syllabes d’une expression en trois syllabes (Togodo, avec trois o de sonorités différentes) qui signifie entre autres derrière le lac en Éwé sa riche, académique et véhiculaire langue d’emprunt.
En effet, il y a bien une terre de nos aïeux, certes aux frontières géographiques et culturelles indéfinies qui a bien existé avant la présence dominatrice du colon. C’est à cette terre sans appellation consensuelle avant l’arrivée des occidentaux et à tous ces aïeux venus de quelque part et vivant en groupes non homogènes par monts et vaux, dans les savanes ou en forêt sans plus se livrer ou fuir de guerres, que Sylvanus Olympio fait référence quand il s’enthousiasme sur un ton fièrement conclusif : “À compter de ce jour, mon pays, mon cher Togo, a retrouvé sa souveraineté d’antan.”
Relaté sous un prisme autre que celui qui précède, notamment territorial, le Togo est historiquement réduit en tous points à une création de la colonisation, en substance une possession allemande, et se résume en une simple bande de terre oblongue, sans âme fédératrice, sans passé pluriel, peuplée de dizaines de tribus aux mœurs des plus hétéroclites n’ayant rien à faire ensemble et disposant chacune d’un Chef (traditionnel) et d’un dialecte qui ne se comprend guère un ou deux buissons plus loin ; ce Togo, même adossé au Traité de protectorat du 5 juillet 1884 signé par Mlapa 3 avec les allemands représentés par Gustav Nachtigal, n’est pas celui de Sylvanus Olympio en nationaliste et politicien éprouvé quand il annonce que son pays a recouvré sa souveraineté d’antan. Cette souveraineté d’antan renvoie aux époques où danois, portugais, britanniques etc. faisaient des deals avec nos aïeux, y compris nuptiaux, sans tutorat ni protectorat mais à partir de simples comptoirs commerciaux.
Le Togo précolonial : ni une chimère ni une contrevérité.
En substance, le Togo précolonial de Sylvanus Olympio n’est heureusement ni une chimère ni une contrevérité. C’est d’un vivre ensemble qu’il s’agit : celui que les allemands ont essayé d’organiser et d’impulser à partir d’un noyau linguistique et culturel Éwé, transterritorial et loin d’être homogène. Ce vivre ensemble débarrassé de la tutelle des colons était du reste le leitmotiv des combats nationalistes des décennies 1940-50 annonciatrices des indépendances, prioritairement aux débats sur les frontières héritées de la colonisation.
C’est ce Togo de nos aïeux que réveille et rassemble le nationaliste Président Sylvanus Olympio, ce cher Togo de gens venus de tous horizons, proches et lointains, parfois métissés, parfois esclavagistes, parfois colonialistes, parfois belliqueux … Bien évidemment, c’est cette terre de nos aïeux qu’il ambitionnait de doter, selon les codes du moment, d’une République togolaise à la hauteur d’un pays au tracé géographique colonial à l’emporte-pièce et à la dimension d’une nation multi ethnique, multiculturelle etc. République togolaise donc et non République du Togo : attention, nuance ! Son projet de société sera brutalement interrompu par son assassinat, totalement crapuleux, exécuté par des désœuvrés en uniforme et godasses, sans aucune alternative probante depuis six décennies si ce ne sont des dénis de projet sociétal et des tripatouillages monstrueux de Constitution, déconstructeurs d’unité nationale.
Avec ses compagnons, le nationaliste Sylvanus Olympio symbolise à maints égards et sans opportunisme ce Togo à la souveraineté d’antan retrouvée le 27 avril 1960, date de fin de tutorat comme de fin de protectorat et annonciatrice d’un projet sociétal de vivre ensemble en demande sans colons ni néo-colons aux commandes d’un pays aux marqueurs multiples, historiques et parfois atypiques. Son assassinat ce petit matin du 13 janvier 1963, quelques balles d’un soudard dans le dos, a naufragé la gouvernance publique et politique et tout un idéal nationaliste qui peinent à ce jour à s’en relever.
Vilévo DEVO
« TAMPA EXPRESS » numéro 0073 du 28 mars 2025
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