Des murs datant de l’époque coloniale, hauts de 4 mètres et épais de 0,5 mètres, témoignent du passé de ce lieu. Il fut certainement un point de transit pour esclaves. Dans toute sa triste célébrité, la Prison Civile de Bassar s’offre en spectacle à tous ceux qui empruntent la grande voie d’entrée de cette localité, elle-même réputée pour sa loyauté indéfectible envers le régime politique dynastique qui régente le pays depuis 1963. Deux portes en fer hermétiquement fermées, qui, s’ouvrent rarement pour accéder à l’intérieur de la maison d’arrêt. Une seconde porte donne accès à une petite chambre disposant d’une cloison qui laisse voir les « locataires » de chaque côté à travers les barres de fer : c’est le parloir. Ici, aucun résidant ne paie de loyer, ni facture d’électricité, ni d’eau ou de restauration. L’entrée y est facile, mais la sortie est très difficile. Douze heures dans la cour, douze heures dans la cellule. Nous sommes à la prison civile du Grand Bassar.
Deux espaces aménagés pour les hommes encadrent celui des femmes, bien clôturé et fermé. A l’intérieur des bâtiments, les sacs, communément appelés « bafana », ainsi que les nattes et les vêtements accrochés aux murs, servent de décoration. Aucun tabouret, aucune chaise, aucune table.
De plus, elle est très exiguë : environ 3 mètres sur 7 mètres. Un espace prévu pour 25 prisonniers en accueille désormais plus de 80. Selon un rapport des ODDH en 2021, le taux d’occupation de la Prison Civile de Bassar est de 217%.
Prévenus ou condamnés, innocents ou coupables, bons ou mauvais, tous dorment ensemble ; bien qu’ils n’aient pas commis les mêmes infractions. Vol, viol, violence, meurtre, maraudage, malversation … telles sont les principales charges retenues contre eux.
Dans cette localité gangrenée par les abus et le trafic d’influence, un simple soupçon suffit à envoyer un citoyen derrière les barreaux. Même une simple altercation avec un prétendu « proche » du régime peut être considérée comme un flagrant délit.
Ainsi, de vaillants agriculteurs croupissent dans cette prison, accusés sur la base de simples dénonciations et présentés comme ennemis de la paix ou comme des menaces pour les bouviers, qui, au nom du pâturage ou de l’intégration africaine, entrent en conflit avec les paysans autochtones.
Parmi les détenus, on compte aujourd’hui, plusieurs jeunes femmes et hommes incarcérés pour insolvabilité de crédits contractés auprès des microfinances, traités comme de vulgaires malfrats. De plus, la fameuse crise du soja est devenue l’une des principales causes d’incarcération de malheureux paysans et commerçants. Haut du formulaireBas du formulaire
Selon un natif qui a eu le malheur de séjourner pendant environ trois semaines dans cette prison en septembre 2023 pour divergence d’opinion « … c’est un total déboire, il faut voir nos frères en train de chercher le sommeil dans la nuit ; ceux qui arrivent à dormir un peu sont les plus chanceux. Quand l’un touche l’autre par inadvertance avec son bras ou son pied, l’autre s’énerve parce que son sommeil est ainsi perturbé. Et ces simples situations se soldent parfois par des coups de poing violents qui se font entendre ».
Dans tout cet imbroglio, il est extraordinaire de retrouver ces bouviers qui, désormais, excellent dans les pâturages nocturnes, les agressions et menaces de tout genre. Ces derniers (bouviers) sont les chouchous des autorités : barons, juges, préfets, forces de sécurité…. La plupart de temps, soit ils bénéficient de la protection des puissants, soit ils savent glisser des billets de banque ou offrir du bétail aux juges et assimilés pour obtenir une liberté dite « provisoire », qui finit par s’éterniser.
Le Pays bassar-konkomba est une localité désertée par les instruments de défense des droits humains, pas un seul avocat n’est implanté dans les deux préfectures Bassar et Dankpen. Et tous les abus des juges sont permis. C’est aussi le lieu d’inviter les ODDH et la CNDH à renforcer leur présence dans ces coins perdus du Togo.
Un « chef cour » et son adjoint assistés d’un commissaire et ses policiers s’occupent du maintien de l’ordre et de l’harmonie au sein de la prison. Chaque bâtiment dispose d’un chef qui gère les places. La cuisine est assurée par deux prisonniers aidés par certaines femmes engagées à cet effet.
La journée commence à 6 heures du matin et prend fin à 17 heures. Le seul repas de la journée est servi à midi, avec une même quantité pour tous. L’assistance des parents ou amis est indispensable pour mieux survivre dans ce monde de malheurs. Toutefois certains prisonniers fabriquent des bagues, des gommettes, des fourneaux, des éventails, des sandalettes…pour s’en sortir. C’était le cas de « To be a man », un jeune de 38 ans condamné à 24 mois d’emprisonnement. Il n’avait reçu aucune visite de proches, mais il était l’un des plus « heureux » de la prison grâce à son talent en cordonnerie.
A côté des entrepreneurs, il y a des détenus qui ne savent quoi faire que de se réduire à la servitude avant de joindre les deux bouts. Ce sont souvent eux qui ressentent encore plus amèrement la dureté de la prison. Vivre comme un citoyen privé de liberté ! Cela ne dit rien à certains prisonniers. Ils disent souvent qu’ils sont simplement en repos ou en congé. Pour d’autres c’est l’apothéose de leurs mauvaises actions et la prison constitue un purgatoire dans leur vie. Bien qu’il y a un infirmier à la disposition des prisonniers pour les consulter, il n’y a pas de médicaments pour les soigner. On constate que certains détenus, notamment les plus âgés, se grattent frénétiquement, y compris au niveau des parties intimes. C’est la gale, conséquence de bâtiments mal entretenus et d’un manque total d’hygiène dans ces lieux négligés.
L’agenda surchargé du personnel judiciaire prolonge inutilement le séjour de certains prévenus. Jusqu’à un passé récent, seulement 2 juges étaient en service au Tribunal de Première Instance de Bassar ; le Président et le Procureur agissent également au nom du Juge d’Instruction dans un flou total. Mais depuis la fin 2024, l’équipe a été renforcée pour atteindre 5 juges. Les prévenus ne sont pas assistés des avocats. Encore faut-il qu’il y ait un cabinet d’avocat. Ce qui laisse libre court à des compromissions et fait des magistrats des demi-dieux.
La qualité des repas est bien inférieure à ce que le pauvre de la société peut manger chez lui. Après être allés aux toilettes, les détenus doivent se nettoyer à la main avec de l’eau, sans savon, ce qui les expose davantage aux infections et aux parasitoses. A l’intérieur des dortoirs, les latrines ne fonctionnent pas et les détenus sont obligés de déféquer dans un sceau, qui n’est vidé que le lendemain matin. Certains prisonniers n’ont presque rien pour couvrir leur nudité.
Et pourtant, une ONG Française avait financé la construction des puisards pour cette prison. Selon une source proche du tribunal, la Mairie et la Préfecture s’étaient servies de ces fonds au détriment de la vraie cible de cette œuvre humanitaire. Comme quoi, au Togo des rapaces, c’est sur le dos des pauvres qu’on s’enrichi le plus.
A en croire les faits, au sein des plus hautes autorités de Bassar et Dankpen, qu’elles soient civiles comme militaires, personne ne semble se soucier de la situation de cette prison ni agir comme il le faudrait. C’est tellement déplorable de voir que des humains sont gardés et enfermés dans une telle prison ; d’autres font plus de 4 ans, d’autres 3 ans, deux ans, un an, ou des mois sans jamais être jugés. Abandonnés à leur sort, ils sont souvent détenus dans l’illégalité absolue.
Le pire est que l’actuel Régisseur de la Prison Civil de Bassar, est celui-là qui aurait extorqué de l’argent à des détenus dans une prison de haute sécurité du pays. Ce dernier qui était sensé sous punition a été par enchantement promu à Bassar. Comme quoi, c’est le Pays bassar-konkomba qui accueille toujours la racaille.
Un appel urgent est lancé à toutes les personnes physiques ou morales qui ont le courage de défendre les droits humains dans ce pays : il est temps de se mobiliser pour obtenir la libération de nombreuses personnes injustement incarcérées sans procès depuis une éternité. Désormais tout est clair : osez simplement parler un peu de la politique, et alors quand vous tombez dans un petit problème apparemment banal, on vous prend et on vous enferme sous de fausses inculpations.
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0073 du 28 mars 2025
y077h3
I have been browsing online more than 3 hours lately, yet I by no means found any interesting article like yours. It is beautiful worth enough for me. In my view, if all site owners and bloggers made good content material as you did, the internet might be much more useful than ever before.
o3fila