Un découpage électoral juste, un mode de scrutin adapté et des subdivisions administratives distinctives.
La politique est décrite comme la gestion des affaires de la cité. Subséquemment, elle devrait être porteuse de visions, de projets de sociétés, de souveraineté, etc. La politique doit donc faire rêver et grand, singulièrement dans des sociétés à refonder comme les nôtres où des siècles de dominations ont engendré des cancers. À moins que le Politique opte plutôt pour la conception de Machiavel en termes de force, de ruse. Car pour Machiavel, le prince n’a pas besoin de faire profession d’homme de bien. Ainsi il se préoccupe plus pour son bien propre, au détriment des citoyens. On remarque inopportunément que le Togo regorge du type Politique à la Machiavel.
La situation impose de se donner un cadre légal qui pose l’engrenage d’ensemble nécessaire pour un meilleur vivre ensemble. Le respect de la volonté populaire, du pluralisme politique, des éléments constitutifs du milieu concerné doit être le déterminant des actions politiques, pour construire un cadre de lien entre les citoyens et leurs représentants. Il ne faut surtout pas ignorer les différentes marginalisations dans la société, les effets des inégalités socio-économiques, les obstacles ou contraintes inhérentes.
La démocratie de représentation adoptée au Togo comme ailleurs est l’une de ces formes possibles. Toutefois, il urge d’atteindre la démocratie représentative par une démocratie participative. Cette dernière doit donc adjoindre équitablement les citoyens. Et bien attendu que l’équité n’est pas l’égalité. C’est pourquoi la politique doit être est un vecteur d’implémentation de vision, de rêves fondateurs ou de projets pour la prospérité, donc la construction d’une Nation. C’est ainsi que la politique ne doit nullement être prise ou conçue comme une couveuse de carrière, un incubateur d’emplois, encore moins une occasion de se faire ou de participer aussi à la manne.
On est plutôt contre, car on n’y est pas, mais dès qu’on y est on tend à être pire que les prédécesseurs. Malheureusement, c’est ce qui se perpétue au Togo. Autrement, comment comprendre que ceux-là qui vilipendent le découpage électoral actuel proposent un biais plus envenimé comme correctif? Indéniablement, ce n’est surtout pas un simple déséquilibre arithmétique, ou ils ne saisissent pas la problématique.
Pourquoi veulent-ils porter le nombre de députés à 117, le même nombre que les communes? Ce serait 28.6% d’augmentation, aussi des charges. On veut sans façon remplacer un biais duquel on ne tire pas d’avantage par un autre plus pernicieux, mais accommodant. Car comme le montre le tableau comparatif, à 117 députés sur la base des communes, les proportions de représentations des régions restent les mêmes qu’actuellement avec 91 députés. Pire, les déséquilibres au niveau micro seront plus avérés, avec certaines à moins de 6 km2, d’autres à près de 1000 km2 et autant diversement densifiés. Il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Les députés de la magistrature actuelle, combien ont porté un projet, un dossier, un avis, etc.? Ce qui changerait avec ce scénario de 117 députés-communes, ce sont les charges, alors que les besoins de bases sont criards. La Loi organique no 96-001/PR fixe l’indemnité et les avantages dus aux députés, notamment l’élément permanent de rémunération, l’indemnité de session, les indemnités relevant de l’exercice de la fonction parlementaire et celles spécifiques. Les avantages qui leur sont dus sont la protection sociale, les frais de déplacement à l’intérieur et à l’extérieur, les prêts pour véhicule et installation, etc. Ainsi depuis 2016, les des députés perçoivent au moins 1 300 000 FCFA par mois et 1 500 000 pour les présidents des commissions et des membres du bureau à l’Assemblée nationale, entre autres. En novembre une revalorisation a été demandée, mais accordée?
En ce qui concerne le budget de fonctionnement de l’Assemblé nationale, en 2022 la dotation affectée était d’environ 6 milliards FCFA et près de 6,6 milliards en 2023, composé d’autorisation d’engagement (AE) et de crédits de paiement (CP). L’augmentation projetée du nombre de députés engendrait minimalement les charges de1/3, et pour quoi?
Avec les 91 députés actuellement, le Togo a de loin la plus faible moyenne de nombre d’habitants par siège, notamment 88 961 hbts/siège. Seul le Sénégal se rapproche du Togo avec 109 288 habitants/siège, soit un rapport de 1,23. Ce rapport est de 1,38 avec le Bénin; 1,38 avec le Ghana et 2,01 avec le Burkina Faso, etc.
Avec 117 députés pour 8 095 498 habitants, on aurait 69 192 habitants/siège, autrement 35 929 inscrits/siège pour un total de 4 203 711 d’inscrits en 2023. Si les maires et députés devaient être élus sur les mêmes bases, à quoi bon avoir les deux groupes d’élus? L’art.52 de notre constitution stipule que « chaque député est le représentant de la Nation tout entière ». Nos politiciens manquent vraiment de substances. On se demande s’ils sont jusqu’au-boutistes politiques sur une telle situation relativement simple, cohérente, quand serait-il des situations plus complexes comme l’économie, la planification du territoire, la santé, l’éducation et la défense?
Certains des politiciens évoquent le mandat impératif, le principe du droit acquis, d’égalité ou autres. Si les subdivisions actuelles actent le déni de représentation à certains, à quoi bon ces principes. En fait, qu’est-ce qu’un mandat impératif? Il est basé sur la notion de souveraineté populaire de Jean-Jacques-Rousseau et « désigne un mode de représentation dans lequel les élus ont l’obligation de respecter les directives de leurs électeurs sur la base desquelles ils ont été désignés, sous peine de révocation ». Allez-y comprendre quelque chose!
À travers le découpage électoral, un représentant se voit attribuer une existence politique pour représenter les intérêts du milieu et parler en son nom. Il importe de souligner qu’une égalité parfaite entre les circonscriptions n’est vraisemblablement pas souhaitable, même pas possible in fine, parce qu’il ignorerait d’autres facteurs ou réalités tels que la communauté d’intérêts, les spécifiés du milieu et autres caractéristiques distinctives.
C’est indéniable que le poids démographique est globalement prépondérant dans le découpage électoral, mais un pays, sa population, ses régions, ses agglomérations et localités sont les composites de multitudes de réalités naturelles, anthropologiques et mutantes. L’explosion démographique couplée de l’exode rural soutenu renforce la densité de certaines zones urbaines, mais dépeuple d’autres parties du territoire qui restent tout de même à revitaliser. Et certaines des zones moins peuplées apportent d’autres valeurs ajoutées, soit agricoles, minières, etc. Il faut prendre tout cela en considération dans un composite représentatif.
C’est ainsi que la communauté d’intérêts et les spécificités du milieu dont la géographie et l’occupation du territoire doivent toujours être prises en considération, en toute circonstance. C’est une quête politique pour le vivre ensemble et non un jeu politicien.
Par exemple, cette notion de représentation effective socle du découpage électoral a été rappelé par la Cour Supreme du Canada dans une cause pourtant sur le droit de vote garanti par la loi. Ainsi la cour explique que « la parité relative qu’il est possible d’atteindre peut ne pas être souhaitable si elle a pour effet de détourner du but principal, qui est la représentation effective … Des facteurs tels les caractéristiques géographiques, l’histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération si l’on veut que nos assemblées législatives représentent la diversité de notre mosaïque sociale ». Et pas mal de causes ailleurs ont reçu les mêmes fondements juridiques.
Malgré tout, le découpage électoral en soif n’est pas la panacée ultime. Il faut aussi un mode de scrutin adapté. Car, un découpage si équitable soit-il ne saurait valablement atteindre une représentation effective sans un mode de scrutin adapté. Le découpage et le mode de scrutin doivent être synchroniques.
Un découpage électoral biaisé et à dessein doublé d’un mode de scrutin consacré, manipulé, engendre un biais dans la représentativité et peut accentuer les clivages ethniques. C’est ainsi qu’on peut contacter au Togo que l’introduction du mode proportionnel plurinominal de liste a probablement permis au RPT/UNIR de tout verrouiller. Une analyse des résultats des législatives de 2013, les détails de celles de 2018 n’étant pas disponibles, montre que la combinaison du découpage électoral, le mode de scrutin et le taux de participation a rendu possible certaines incongruités avec des avantages indus à certains, le déni d’existence ou de droits à d’autres. Il y a même par endroit la distorsion dans les suffrages. Et ceci n’est pas limité à une zone géographique spécifique. C’est l’ensemble des mécanismes qui est vicié, subjugué.
Aussi, ne pas perdre de vue, que quel que soit le système politique pratiqué, tout doit être dynamique, autant le découpe que le mode de scrutin, pour rester en phase avec la dynamique sociale mouvante. Alors politiciens togolais, faites de la politique effective et non de « l’affairisme politique ». On s’est couché il y a trop longtemps!
Oh Togolais, le mal est abyssal. À nous de leur dire que trop c’est comme pas assez.
Joseph Atounouvi
TAMPA EXPRESS » parution 0049 du 10 janvier 2024