La Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) a un nouveau Président du conseil d’administration (PCA), nommé par décret présidentiel et qui a pris fonction en décembre dernier. M. Nana Nanfamé n’est pas un inconnu dans cette filière. Il a débuté sa carrière à la Société togolaise de coton (SOTOCO) et a gravi tous les échelons jusqu’à occuper le poste de Directeur Général de la NSCT en 2016. Il est resté à ce poste pendant quatre ans. Durant cette période, Nana Nanfamé et son équipe ont réussi à redresser la filière, portant ainsi la production à un niveau record de plus de 135 mille tonnes, avec une progression constante sur trois campagnes successives, atteignant 140 mille tonnes à la fin campagne 2019-2020, un niveau jamais égalé depuis 2009.
C’est justement à cette période de relance, en décembre 2020, que l’Etat Togolais, à la suite d’un vote de l’Assemblée nationale a décidé de céder ses actions au groupe OLAM International. Le groupe singapourien OLAM est ainsi devenu l’actionnaire majoritaire de la NSCT avec 51% du capital. L’objectif de cette cession était de porter la production à 200 mille tonnes soit 60 mille tonnes supplémentaires dès 2022, puis, 250 mille tonnes en 2025.
Le graphique suivant illustre l’évolution de la production avant, pendant et après la gestion du Directeur Général d’alors M. Nana Nanfamé.
Le graphique montre clairement que la chute de la production a repris après la prise de contrôle par OLAM. Non seulement les surfaces emblavées ont continué de diminuer, mais aussi le rendement à l’hectare a également beaucoup chuté. La production a atteint son niveau le plus bas à la fin campagne 2022-2023 avec seulement 45 mille tonnes. Elle a légèrement remonté selon les rapports préliminaires de la campagne 2023-2024 avec une emblavure de 80 mille hectares pour une production de 67679 tonnes, une situation qui ne s’était plus produite depuis la compagne 2011-2012.
Bref, le miracle tant espéré de l’Etat togolais en confiant la filière au groupe international singapourien n’aura pas lieu. C’est une déception totale auprès des acteurs du secteur. OLAM, pourtant mondialement reconnu dans le domaine de l’agrobusiness et perçu comme un sauveur, semble avoir trahi les espoirs d’un peuple et de ses dirigeants.
Les causes de cet échec sont multiples : un management désastreux dans un climat de rivalités internes, où les employés se tendent des pièges au lieu de collaborer à la relance de la filière ; des équipements vétustes, dignes d’un autre siècle, car aucun investissement sérieux n’a été réalisé par OLAM ; des producteurs sur le pied de guerre avec une faitière dont les responsables sont plus attachés aux privilèges et avantages indus. Au-delà du népotisme et du clientélisme, l’on note une opacité totale dans les approvisionnements, les investissements et aussi dans la commercialisation des fibres et des graines de coton.
Rappelons qu’avant la prise du contrôle de OLAM et malgré tout le mal qu’on pensait d’elle, la NSCT (ex-SOTOCO) versait des dividendes au Trésor Public. Mais depuis l’arrivée de ce soi-disant « Messi » d’OLAM, non seulement aucun dividende n’est versé à l’Etat togolais, mais paradoxalement c’est désormais le Trésor public qui subventionne la société de production l’« Or blanc » national. On peut déduire que même les cotonculteurs (paysans) togolais travaillent aujourd’hui pour nourrir les nombreux consultants étrangers qui défilent à la NSCT et cette pléthore d’expatriés qui forment le Staff.
Le Directeur Général, lui-même français dont le poste se trouve à Atakpamé, mais qui a une préférence pour le luxe réside à Lomé. Ce manque de présence favorise une dérive managériale car, certains cadres se comportant comme des directeurs généraux autoproclamés, multipliant retards et absences.
Le DG est secondé par un premier adjoint de la même nationalité, un second adjoint aux origines floues (Cameroun ou Nigéria), un Directeur Administratif et Financier (DAF) également français, un Directeur de la production qui est camerounais. Ce dernier qui ne connait rien sur la filière au Togo ni de la géographie du Togo.
Martin Drevon, Directeur Général NSCT
Pour dire vrai, le DG Martin Drevon, n’est pas un spécialiste reconnu dans la culture ou l’industrie du coton. Il officiait comme tradeur dans les intrants agricole notamment les engrais. C’est au Togo que le groupe OLAM lui confie ce nouveau rôle, un « manteau » qui semble mal taillé, puis qu’il s’est soldé par un recul significatif de la production, alors même que les pays du Sahel (dont Burkina Faso fait 600 mille tonnes 2023-2024) et le Bénin (700 mille tonnes 2023-2024) passent à la vitesse supérieure. Pourtant ces pays du voisinage font des merveilles avec plus les autochtones.
Le climat au sein du personnel de la NSCT n’est pas reluisant. Comme exemples ; on observe des clans et des conflits de compétences entre la Directrice administrative et financière et le Directeur des ressources humaines, une situation qui plonge le personnel dans les incertitudes. La création d’un poste de Directeur Adjoint de la production agricole, sans justification claire, suscite également des interrogations.
À cela s’ajoute une prolifération de consultants étrangers dont l’utilité et le coût apparait comme un partage de gâteau. En plus des recrutements jugés fantaisistes comme celui d’un chargé de formation.
Le problème des sursalaires de certains agents notamment ceux recrutés par OLAM et certains anciens employés appartenant au clan du DG et son conseiller circonstanciel Assogbevi, crée un profond malaise. Car ces sursalaires sont payés sur le budget de la NSCT qui n’est que le fruit du travail de tous les employés. Et tout cela se passe après les vagues de licenciement que « TAMPA EXPRESS » avait publié en 2023. Pourquoi donc avoir fait des licenciements si c’était pour embaucher ensuite à des conditions plus avantageuses et opaques ? Il s’agit de graves discriminations et aussi des formes de corruptions car, certaines sources évoquent des rétrocommissions.
La quasi-suppression de travail de terrain pour austérité budgétaire se fait au détriment de la production du coton et ses dérivées. Les tournées de remobilisation des acteurs sont négligées, le Directeur de la production agricole manque d’efficacité, les Directeurs régionaux (DR)et les Agents technico-commerciaux (ATC) sont privés de moyens nécessaires pour exécuter efficacement leurs tâches et les producteurs sont abandonnés à eux-mêmes.
Ces problèmes, s’ils ne sont pas résolus très rapidement, risquent d’entraîner des conséquences désastreuses pour la NSCT et pour l’ensemble de la filière cotonnière togolaise. Il y a lieu de réorganiser totalement la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT). A défaut de renationaliser cette société, le gouvernement doit demander la nomination d’un nouveau directeur général qui doit être un spécialiste certifié dans le domaine de culture du coton tout en instaurant une parité équilibrée entre expatriés et nationaux dans les postes stratégiques, en particulier au sein du top management.
Après quatre années de présence au Togo, le bilan du groupe OLAM International est très minable et décevant. Le gouvernement togolais ne dit rien officiellement, mais depuis un moment les producteurs locaux expriment leur mécontentement. Les mêmes tâtonnements sont observés chez OLAM et ses partenaires indiens du textile avec Integrated Industrial Platforms (ARISE IIP) dans la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA).
C’est dans ce contexte que l’ancien DG NSCT, le Togolais Nana Nanfamé a été rappelé à la rescousse. En sa qualité de Président du conseil d’administration nouvellement nommé, et contrairement à ses prédécesseurs, il a effectué du 25 au 28 février une tournée nationale de prise de contact avec le personnel, tous les directeurs et la fédération partenaire. Cette tournée de recadrage, qui aurait été la cible d’une tentative de sabotage orchestrée par Martin Drevon et son clan, a été l’occasion pour M. Nanfamé, de « remettre les pendules à l’heure ».
Chaque groupe d’acteurs avait eu pour son compte, y compris la Fédération Nationale des Groupements de Producteurs de Coton (FNGPC), dont le président M. Koussouwè Kouroufei, qui aurait usé de manœuvres frauduleuses pour prolonger son mandat à la tête de l’institution.
En résumé, pour la relance durablement de la filière cotonnière togolaise ; il est impératif de procéder à une restructuration stratégique et profonde. Cela passe également par le rétablissement des mesures incitatives pour les producteurs (telles que les primes ou bonus à la performance), la mise en place d’un système d’évacuation rapide et efficace du coton-graine, ainsi que le paiement rapide des revenus aux producteurs. Car les retards d’achat et d’égrenage observés durant la dernière campagne sont tout simplement suicidaires pour la saison suivante et l’avenir de la filière.
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0074 du 9 avril 2025