Il suffirait pour le Contre-amiral Fogan Adegnon et Dr Phillipe Tchodié d’organiser de simples permanences et le tour est joué. Tous parlent de performance du Port Autonome de Lomé (PAL) et d’une volonté farouche pour accroître les recettes de l’Etat sans véritablement se plancher sur les innovations capables de booster tous ces leviers. Et pourtant, le potentiel existe bel et bien.
Il n’est pas étonnant de lire sur les plateformes numériques et les supports hors média que, l’Office Togolais de Recettes (OTR) et le port travaillent 24H/24 et 7J/7. Il est parfois organisé des rencontres avec les médias pour relayer cette propagande mensongère qui suscitent beaucoup d’engouement chez les opérateurs économiques du Sahel mais, qui à l’arrivée découvrent que ce n’est que des effets d’annonce. Un extrait des propos de Fogan Adegnon, Directeur Général du PAL avec à ses côtés M. Kodjo Adedze, ancien commissaire des douanes et des droits indirects déclare : « Désormais le Port de Lomé offre la possibilité aux opérateurs de faire leur opération 24h/24 et 7j/7. En décidant d’ouvrir même les weekends et de façon continue, le port veut assurer son rôle de poumon de l’économie nationale mais encore permettre la rapidité des opérations portuaires, la fluidité du trafic et la compétitivité du port », c’était-il y’a plus de 15 ans.
On le sait depuis les années de l’indépendance que le Port Autonome de Lomé, est le seul port en eau profonde de la côte Ouest Africaine. Il dispose d’importantes facilités de stockage pour tous les types de cargaisons. Grâce au statut de port franc dont jouit le Port de Lomé, la manutention et le transfert des marchandises dans l’enceinte portuaire s’effectuent sans contraintes douanières, permettant ainsi un gain de temps dans les opérations de traitement des navires et des marchandises.
La rhétorique est bien à entendre, mais c’est une manne que dame nature a offert au Togo. Alors la gouvernance doit cesser de dormir sur le potentiel dont dispose naturellement le pays, il faut travailler pour booster la performance.
En effet, le port togolais en eau profonde fonctionne comme l’administration publique. Les discours officiels disent que le port travaille 24h/24 et 7J/7, mais alors que dans la réalité, c’est quelques services techniques du port qui fonctionnent, les manutentionnaires privés continuent les opérations de chargement et déchargement sans leurs services administratifs pour servir la clientèle pendant que l’administration du PAL et OTR sont fermées. Prenons l’exemple palpable des deux précédentes semaines : depuis l’après-midi du vendredi 26 avril 2024, les banques, l’administration des douanes, du port et le Guichet Unique Intégral pour le Commerce Extérieur (SEGUCE) sont fermées. Cette situation contraint les entreprises connexes (consignataire, transitaire, transporteurs…) à fermer aussi donc, impossible de sortir ou d’expédier une marchandise via le port. Le pire est que, le lundi 29 avril, les bureaux étaient encore fermés pour raison du double scrutin législatif-régional. Le mercredi qui a suivi, était encore férié, cette fois pour la commémoration du 1er mai donc la veille, mardi 30 avril, l’administration n’a fait que demi-journée. C’est-à-dire que, sur les deux semaines d’affiler, l’économie du pays perd quatre jours de travail sans compter le weekend. Et au Togo, en dehors des weekends, les jours fériés et weekend prolongés se compte par dizaine au cours d’une année.
Les conséquences de ces coups de fouet à l’économie sont très énormes pour le pays et pour les opérateurs. Ce qui est souvent visible est la congestion de l’espace portuaire car, les déchargements continuent sans les sorties. Pour les opérateurs l’on accumule des pénalités en termes de détention, surestaries, magasinage et parfois la dégradation de certaines clauses contractuelles, la massification des camions aux frontières et sur les axes. Toute la chaine de valeur à savoir : l’OTR, le PAL, les banques, le SEGUCE, ANTASER, les consignataires, transitaires et transporteurs (…) sont perdant dans cette histoire de jours fériés, chômés et payés.
Approches de solutions pour un service 24H/24
Pour remédier à tous ces maux qui ont des conséquences économiques non-négligeables sur le pays et ses partenaires extérieurs, il faut nécessairement et urgemment transformer le rêve togolais en réalité. Le Togo sous Faure Gnassingbé ne sera pas le premier pays à rendre son port ou certains services stratégiques fonctionnels 24H/24 et 7J/7. Cette approche est mise en œuvre depuis des années à l’Aéroport international de Lomé Gnassingbé Eyadema. Il suffit que sur instruction du gouvernement, les premiers acteurs dont le PAL de Fogan Adégnon et l’OTR Phillipe Tchodié organisent des concertations avec tous les acteurs impliqués pour s’entendre sur la mise en place des permanences sur tous les weekends et jours fériés.
Les atouts sont déjà réunis sur le terrain et exploités à minima. Au niveau du secteur financier et bancaire, il existe toujours une permanence les jours fériés dans les banques pour gérer les compenses reçues des autres banques des pays de l’UEMOA. C’est d’ailleurs cette même permanence qui gère les GAB (guichet automatique) des banques pour la disponibilité no-limite aux clients… Exemple : le 27 avril, jour de l’indépendance du Togo, est une date importante pour les togolais, donc il est déclaré férié, mais cette date n’est pas forcément fériée dans les autres pays de l’UEMOA.
De façon concrète, depuis toujours toutes les banques installées à Cinkassé assurent une permanence même les dimanches. C’était une innovation de la Banque Togolaise pour le Commerce et l’Industrie (BTCI) devenue IB-Bank. Elle était la seule à l’époque qui ouvrait les dimanches pour ramasser ce flux… À Guérin-Kouka dans la Préfecture de Dankpen, l’Union Togolaise de Banque (UTB) ouvre ses portes aussi tous les dimanches, jour du marché…
Tout est question de gouvernance et d’objectif car, le vendredi 26 avril 2024, pendant que les banques de Lomé avaient déjà fermé leur porte à 11 heures pour raison de demi-journée, l’agence ORABANK de KPALIME a travaillé jusqu’à 16 h 30 pour servir les fonctionnaires et retraités.
Alors si à Cinkassé les banques travaillent le dimanche et jour férié et qu’il existe encore d’autres initiatives comme à Dankpen, Kpalimé et ailleurs pour servir la clientèle, pourquoi ne pas saisir l’opportunité de cette flexibilité qu’offre les institutions financières pour instaurer des permanences : un élément catalyseur, sur la plateforme portuaire de Lomé.
Cinkassé, une ville cosmopolite et plaque tournante du business
La particularité de la ville de Cinkassé, la deuxième ville économique du Togo est qu’elle s’est construite d’elle-même, lentement mais surement. Seuls les fils et filles du milieu qui ont ouvert le bras aux populations d’origines variées et dans laquelle s’entremêlent de nombreuses cultures. Une population rurale qui a su se convertir massivement dans le commerce. Elle est la place bancaire de nombreux commerçant qui défilent depuis les villes du côté sud du Faso sur environ 400km de Bitou jusqu’à Zorgo, le côté nord-est du Ghana comme la ville de Samnaba et les autres localités couvrant le nord-ouest du Burkina (Ponio jusqu’à kantchari). Les jours du marché sont jeudi et dimanche. Tous ces jours sont ouvrés même si c’est la fête. Et à Cinkassé, le travail est en continue pour l’OTR (impôt comme douane). Les dimanches sont les jours de grosses recettes à Cinkassé et l’OTR également engrange énormément dans les banques. C’est aussi l’endroit où les devises sont plus récoltées au Togo.
Toutefois, il y’a parfois des contrastes à relever au poste frontalier de Cinkassé. Pendant que les burkinabés alternent aux postes entre midi et deux, les douaniers togolais ferment les postes pour leur repos. On se demande comment des chefs de postes ou de brigade qui s’échangent à cette frontière ne peuvent-ils pas penser à mettre sur pied de simples permanences qui ne demande qu’une simple réorganisation de l’effectif disponible. Sinon, en toute chose, il y’a le profil du management selon Jean-Luc Chauvin qui dit : « the right man in the right place » ou en français facile : « L’homme qui convient au bon endroit ».
Ainsi pour confirmer nos dires, nous avons souvenance qu’il y’a quelques années au TP3 du port de Lomé, espace dédié au dépotage des conteneurs, le Chef brigade d’alors avait mis en place un système de rotation de trois équipes d’agents pour assurer le service 24H/24. (Un article sera entièrement consacré au TP3 dans le prochain numéro)
Tout est question de management et de vision car, nulle part ce n’est écrit dans la convention collective des banques d’ouvrir les dimanches. Aussi, faut-il préciser qu’il ne s’agit pas d’une demande gouvernementale en direction de ces institutions financières d’instaurer une permanence.
Le problème soulevé et la solution appropriée existe quelque part dans le monde. Il y’a certes les réalités du terrain (difficultés d’accéder à des infos au Togo), que ceux qui ont le pouvoir décisionnel pour la mise en place d’un mécanisme efficacement opérationnel au regard de l’enjeu utilitaire du problème. Les institutions de gouvernance (OTR, PAL, ministère…) sont alors informées et doivent agir.
Dr Francisco Napo-Koura
« TAMPA EXPRESS » numéro 0057 du 08 mai 2024