Beaucoup de gens sont victimes de stigmatisation à cause de leur race, de leur religion, de leur orientation sexuelle, de leur situation économique ou autres raisons. Ce fléau social qui a fait de nombreuses victimes sur le plan racial entre peau noir et claire en occident et dans les Amériques, s’est transposé dans le domaine médical à travers des maladies comme : la lèpre, la peste, le VIH/SIDA et même tout dernièrement dans la prise en charge de la Covid-19. Qu’en est-il de cette stigmatisation pour les malades du VIH/SIDA au Togo depuis son apparition en 1987 jusqu’à nos jours.
Par définition, la stigmatisation est un processus qui à terme marque l’individu ou le groupe d’un opprobre. Les stigmatisés sont ceux ou celles qui subissent une réprobation sociale parce qu’ils auraient contrevenu à une loi ou à une norme sociale. Elle se manifeste sous la forme d’affirmations banales mais largement répandues telles que : « Le sida est une punition pour des personnes ayant eu des comportements déviants ». La discrimination est quant à elle, un traitement défavorable envers une personne et qui remplit deux conditions cumulatives : Etre fondé sur un critère défini par la loi (sexe, âge, handicap…) et relever d’une situation visée par la loi (accès à un emploi, un service, un logement…). Le VIH appelé Virus de l’Immunodéficience Humaine a pour origine une infection virale qui attaque le système immunitaire (système complexe de défense de l’organisme contre les maladies) et l’empêche de fonctionner correctement. Une personne séropositive est désignée comme porteuse du VIH. Les premiers cas de VIH au Togo ont été découverts en 1987 et ont pris beaucoup plus de dimensions dans les grandes villes du pays vers l’an 2000. Une réponse nationale s’est faite à travers le secteur santé par le programme national de lutte contre le SIDA.
Selon les statistiques sur une décennie partant de 2010, 84 % des personnes vivant avec le virus du Sida au Togo sont des femmes. Les formes de stigmatisation sont nombreuses et connues de tous. Les plus courantes au Togo sont : la diffamation, l’exclusion sociale, le refus des soins médicaux dans les hôpitaux et la stigmatisation en milieu professionnel, etc. comme l’a indiqué Augustin Doklan, président de l’Observatoire des Droits Humains en lien avec le VIH-Sida au Togo. Ce dernier qui vit avec cette maladie depuis plus de dix ans, est l’un des acteurs qui dénonce les formes de stigmatisation dont sont victimes ces personnes séropositives. Un reportage de notre confrère de la BBC intitulé : « Des Togolaises porteuses du VIH-Sida », a dénoncé cette attitude dimanche, lors d’une marche pacifique à Lomé, à l’occasion de la Journée internationale de la femme Africaine. Au cours de cette marche, Mme Blandine Abé, une séropositive togolaise qui a été chassée de sa famille, a fait un témoignage poignant sur leur stigmatisation et les hostilités dont elles sont victimes. Elle affirme être confrontée à plusieurs difficultés. « Moi, j’ai été chassée de la maison. Mais je continue de croire que Dieu n’a pas encore dit son dernier mot sur ma vie… Ma vie, je la mène hors de la maison, je me lave dehors, on m’a privée d’électricité et je ne suis plus autorisée à accéder aux toilettes de la maison », a-t-elle déclaré.
Au Togo, un arsenal de textes juridiques a été amorcé en 2002 par le vote à l’Assemblé nationale. Il s’agit de la « Loi n° 2005-012 portant protection des personnes en matière du VIH/SIDA » et promulguée par le Président de la République conformément aux dispositions constitutionnelles. Dans cette loi, le chapitre V, section 1, est consacré à la protection contre les actes de discrimination et de stigmatisation à l’égard des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Le Chapitre VII est quant à lui, fixe les sanctions pénales applicables. Plus tard en 2010, elle sera reprise par celle n° 2010-018 du 31 décembre 2010 modifiant la loi n° 2005-012 du 14 décembre 2005 portant protection des personnes en matière de VIH/SIDA. Cette dernière vient renforcer l’égalité de chances et de traitement.
Malgré cette avancée, la situation reste toujours inchangée. Au Togo, les expériences de stigmatisation et de discrimination, bien que dénoncées par de nombreuses associations de PVVIH, restent peu évaluées et décrites. Des études scientifiques relèvent les comportements stigmatisant de la part des agents de santé ont déjà été rapportés dans de nombreuses études, notamment au Nigeria et en Éthiopie. Au Togo, 5,9 % des PVVIH ont rapporté cette forme de stigmatisation, notamment à travers la divulgation de leur statut sans leur accord. Cette forme de stigmatisation, bien que peu fréquente, à un impact plus prononcé sur le processus de soin et l’attrition des PVVIH. La principale raison évoquée pour la discrimination et la stigmatisation est la peur de contracter accidentellement le VIH. La formation du personnel de santé à la confidentialité du statut sérologique ainsi que sur les modes de transmission du VIH reste indispensable et devrait se faire non seulement au cours de la formation initiale, mais également en continu à travers des ateliers de recyclage.
Ces dernières années, les efforts ont surtout été concentrés sur la prise en charge médicamenteuse, notamment à travers le passage à échelle de la distribution des ARV. Si le déploiement des ARV à l’échelle mondiale reste sans conteste le plus grand succès de la riposte à l’épidémie au cours de la dernière décennie, il s’est fait au détriment de la prise en charge psycho-sociale des PVVIH, reléguant les questions de stigmatisation au second plan. Pourtant la stigmatisation est associée à une faible adhérence au traitement et à un taux relativement élevé des perdus de vue dans les cohortes africaines. De plus, de nombreux PVVIH, du fait de l’auto-stigmatisation, développent des troubles comportementaux allant jusqu’aux idées de suicide. Tout ceci appelle à redoubler d’effort pour lutter efficacement contre la stigmatisation comme le recommande déjà l’ONUSIDA dans son rapport 2015. L’éducation de la population, bien que déjà mise en œuvre, doit être renforcée et combinée à des approches incluant les PVVIH. Au niveau des structures de soins, la stigmatisation doit être recherchée à travers les consultations psycho-sociales mais également la forte contribution des PVVIH dans des groupes de paroles ou réseaux de PVVIH.
Cette étude montre que la discrimination et la stigmatisation des PVVIH est une réalité au Togo. La prise en charge holistique du VIH/sida doit prendre en compte la stigmatisation envers les PVVIH comme recommandé par l’ONUSIDA qui fait de la lutte contre la stigmatisation une de ces principales priorités en préconisant zéro discrimination chez les PVVIH d’ici 2020.
Sauf que la crise à pandémie Corona virus a eu des effets collatéraux très dommageables sur les autres maladies et urgences. Selon certaines études scientifiques il est possible que la mortalité par effets collatéraux soit supérieure à la mortalité liée directement à l’épidémie de Covid. Une conséquence du choix de privilégier les patients COVID au détriment des autres maladies chroniques et de certaines urgences vitales. La prise en charge des patients de Covid s’est souvent faite au détriment de ces maladies chroniques et de certaines urgences vitales. De nombreux patients souffrant de maladies chroniques ou métaboliques (diabète, insuffisance rénale, VIH, canser…) ont négligé leur traitement ou leur suivi médical depuis le début de la crise sanitaire. Au Togo, pratiquement toute la logistique de soin et même les budgets sont orientés vers la prise en charge de la Covid. L’on a parfois l’impression que le compteur de la mort s’est arrêté pour les autres pathologies.