Lomé la belle, les inondations ici et là
Faure Gnassingbé et les indignés de sa politique des grands travaux
Dame nature se présente désormais comme le meilleur baromètre pour jauger les travaux publics au Togo et ailleurs sur la planète. C’est le constat général après les discours pompeux des hommes politiques au lendemain des inaugurations et réceptions de nombreux ouvrages. Sinon « En attendant le vote des bêtes sauvages » de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, continue de livrer ses secrets. Malgré les promesses électorales non tenues et la paupérisation croissante des populations, le président Faure Gnassingbé continue de rempiler les mandats, parfois avec des scores à la soviétique. Or, l’on constate que, de jour en jour, le mieux-être tant promis par le Chef de l’Etat aux Togolais, qui est dans son 4e mandat de 5 ans, s’éloigne encore de plus. Le phénomène qui est aujourd’hui d’actualité et qui constitue le vrai contrôle des travaux publics d’assainissement au Togo est, sans nul doute, la série de pluies diluviennes qui engendre des problèmes des inondations que le fils de l’Homme du 13 janvier a cru combattre avec des investissements qui se chiffrent à coup de milliards de francs CFA, essentiellement des dettes contractées au nom de la nation togolaise. C’était en effet à la suite de ces financements colossaux que Faure Gnassingbé proclamait, il y a quelques années « …les inondations sont désormais derrière nous ». En seulement moins de cinq années, cette affirmation est prise à contre-pied par dame nature avec son rythme d’inondation galopant et de façon exponentielle.
Bd Eyadéma entre CICA Toyota et Eda-Oba, juillet 2023
Les indignés de la politique dite des grands travaux sous Faure Gnassingbé : que de milliards FCFA jetés par la fenêtre ou dans les circuits obscurs
En effet, en juillet 2014, des pluies diluviennes se sont abattues sur le pays occasionnant beaucoup d’inondations. De nombreux quartiers de la ville de Lomé et ses environs étaient sous l’eau, avec de lourdes pertes matérielles. Les riverains de certains bassins de rétentions qui ont cru voir leur malheur derrière eux, se sont vus de nouveau plonger dans le désespoir total. C’est ainsi que sous l’impulsion du Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé en 2022, le pays a revu ses priorités et élaboré une stratégie pour la réduction des inondations. Selon les termes du gouvernement, cette stratégie a été misée sur la construction des bassins de rétention d’eau. Résultat, la ville de Lomé compte à ce jour plus de 25 bassins orageux, dont les plus anciens d’Eda Oba, de l’Université de Lomé, affectueusement appelé « Lacs Kpatcha-Faure », le bassin d’Akossombo désigné par la municipalité bassin de la Mort, ceux des Deux Lions vers le Lycée d’Agoè-Nyivé, de Totsi et les autres d’Akodessewa, Nukafu sans oublier la puante Lagune de Lomé. Il y a aussi les bassins nouvellement aménagés comme le grand bassin sur les pavés menant au carrefour GTA, les deux bassins de Léo 2000, celui situé au cœur du grand marché de Hédzranawoé et le bassin Caméléon dans le quartier Agoè Anome à Lomé. A toutes ces retenues, s’ajoutent celles du carrefour d’Adidogomé dit « Adidogomé douane » qui est nouvellement construit par la société EBOMAF et le réaménagement du « Bassin de la Mort (Todman) et de Soviépé, toujours par la société du PDG Mahamadou Bonkoungou.
Si l’on n’a aucune lumière sur les coûts réels de ces derniers ouvrages réalisés par l’homme d’affaire du Faso, sans tenir compte des nombreux avenants, la Route N°5 Lomé-Kpalimé a été lancée en 2020 pour un coût global de 214 milliards de FCFA. Le réaménagement de la zone Auba, comportant la construction des ouvrages de drainage des eaux pluviales de 2021 a été estimé à 5 milliards de FCFA. Peu avant 2018, les travaux de construction d’un bassin de rétention d’eaux pluviales et de reprofilage le long des rues connexes du quartier Nukafu n’ont pas livré leur secret de coût car, entre-temps, l’entreprise exécutante avait abandonné les travaux.
L’un des plus scandaleux est le fameux « Quatrième Lac » et son cortège de cadavres qui a été financé à hauteur de 35 milliards de FCFA (28,2 milliards de FCFA par l’Union Européenne et de 7 milliards de FCFA par le gouvernement togolais). A l’époque, il était aussi question d’aménager, d’assainir et de bitumer 14,34 km de rues urbaines pour un cout global de 25 milliards de FCFA. En 2011, pour la construction de trois bassins collecteurs et de trois bassins de rétention d’eau à Agbalepedogan et Aflao-Gakli, à Lomé, le coût a été évalué à plus de 4 milliards de Fcfa.
Pratiquement, tous ces ouvrages, voir plus ont été exécutés, mais malheureusement l’on observe un fiasco total. Car, la plupart de ces bassins orageux sont inefficaces ou pire encore aggravent carrément les problèmes des inondations qu’ils sont sensés prévenir. « Adidogomé est coupé du Golfe avec de l’eau à la douane, Gbadago, Adakpamé, klobatemè, dzogbédji sont aussi sous les eaux. Dans ces quartiers précités, les riverains sont obligés d’ériger des briques de salut devant chaque chambre et à l’intérieur pour tenter de se protéger contre les eaux.
Pour une victime, « la vie est devenue insupportable dans nos milieux. Surtout pour nous qui sommes à proximité des bassins d’eau aménagés ou de rétention ! », s’est exclamé Yao Kouma, un habitant de Lomé. Et d’ajouter, « il a suffi seulement un an, après que tous ces grands travaux d’aménagements exécutés dans le Grand Lomé soient dépassés et faire plus de victimes que par le passé ».
Les quartiers de la banlieue de Lomé dont personne n’en parle
La témérité des Togolais à s’offrir un « chez-soi » vaille que vaille, quel qu’en soit le prix les amène à acquérir des lopins à n’importe quel endroit. L’essentiel c’est qu’ils se disent enfin « nous aussi nous avons intégré notre maison ». Cette propension intrinsèque amène ces gens dans des zones inondables comme Bernarkopé et Alaika (Alinka), juste derrière l’hôpital Docta-Lafiè et les services de la poste de Togblékopé. Il faut ajouter à la liste Frikpi où même l’un des membres du célèbre groupe Toofan a construit un palais de résidence. Juste en face de Docta-Lafiè (Saint Pérégrin) c’est la FOPADESC, dont l’environnement souffre cruellement de la nappe phréatique. Dans ces milieux, les cours des écoles sont totalement inondées en permanence, tout comme des temples de prières, sans que Dieu n’intervienne. Pour accéder à ces lieux, c’est la croix et la bannière car, voitures et motos patinent et s’embourbent. Il faudrait mieux penser aller en pirogue.
Même, l’accès au poste de la Gendarmerie Nationale de Togbékopé est quasiment impossible, pendant que le poste de Police de Toglékopé est situé dans l’autre isolan d’Alaika, c’est-à-dire, sur un ressort différent. Comment les FDS arrivent-elles à faire alors des interventions dans ces conditions ?
Un autre quartier infortuné, c’est le célèbre « Quartier Belgique » qui est logé dans le bas-fond nord de Sogbossito, plus précisément en bas du quartier « Abass Bonfoh ». Là encore, on peut dire que c’est mieux. Il faut seulement emprunter la route allant vers Mission Tové pour voir comment des gens construisent dans des trous qui avaient été creusé pour prélever des tonnes de sable pour construire la route bitumée du grand contournement. C’est vraiment déplorable.
Au niveau des lacs Kpatcha-Faure, dans le bas-fond de l’Université de Lomé, se trouvent des concessions où les habitants vivent quotidiennement avec des poissons, reptiles et autres bestioles. Aux alentours de l’hôtel Todman, bien avant l’agrandissement du nouveau bassin, la nappe est toujours superficielle. Tous les immeubles environnants souffrent car, l’eau sort même des sols bétonnés et des carreaux. Ailleurs, dans le Zongo-Nord, Toglékopé, Alaika (…), les habitants vivent comme des aquatiques. Leurs meubles, dont les lits et matelas sont déposés sur des tas de briques de plus d’un mètre de hauteur.
Le ridicule pompage de l’eau en lieu et place du système des vases communicants
Des années durant, le bassin d’Eda-Oba avait laissé de stigmates dans les mémoires des riverains car devant fonctionner avec une machine de pompage. Alors, il suffisait d’une panne technique ou de rupture de carburant et même d’une négligence humaine dans la mise en service de cette pompe que surviennent des catastrophes. Il a fallu plus de 20 ans avant que les grands maîtres penseurs du Togo reviennent sur les fondamentaux des vases communicantes que chaque élève du cours primaire se devrait d’incruster dans la tête, en diguant directement l’eau jusqu’à la lagune. Mais, voilà que les mêmes bêtises se répètent au niveau des bassins aménagés du Lycée d’Agoè et de Totsi. Il faut toujours installer des pompes pour dégager les eaux en surplus. Nonobstant les coûts des machines, les réparations et les dotations de carburant, il faut redouter les pannes et les défaillances humaines. Pire, non traitement de ces eaux font exploser les moustiques et les bestioles de tout genre et par ricochet mettre en danger la santé des populations.
Le premier souci des bassins de rétention est qu’ils sont mal dimensionnés. Or, il fallait tenir compte du débit, de la vitesse moyenne de l’eau en fonction de la largeur moyenne et la profondeur moyenne. En second lieu, ces bassins sont construits isolement sans égouts pour évacuer systématiquement les eaux vers les déversoirs (lagunes et rivières). Car, normalement, ils ont un rôle de stockage temporaire de l’eau de pluie. En d’autres termes, le temps de vidange doit correspondre au temps qu’il faut pour que le bassin à son volume d’eau maximum s’infiltre totalement dans le sol. Non seulement, ils ne sont pas vidés mais aussi leur entretien manque cruellement. Enfin, le choix du pompage de l’eau d’un bassin à l’autre à partir des pompes est très hasardeux. On voit des tuyaux qui barrent les routes empêchant les populations de circuler librement. Non seulement, les pompes ne sont pas fiables mais aussi elles manquent cruellement d’entretien.
Il est plus qu’urgent de trouver rapidement des solutions durables. Rappelons qu’en début de l’an 2014, le décompte faisait état de 14 bassins de rétention d’eau pluviale dans la ville de Lomé et à l’heure actuelle au 1e semestre 2023 l’on enregistre plus de 25 ouvrages de ce type soit 67% d’augmentation.
Selon le projet, de réhabilitation de la voie Adidogomé-Ségbé, la réalisation du bassin de rétention d’eau occupe 5 hectares soit 75 lots de terrains soit 45 km² que l’Etat a dû exproprier, non pas pour servir de réserves pour construire des hôpitaux, écoles, jardins publics…mais juste pour faire la part belle aux eaux dévastatrices. Imaginer combien de superficie les plus de 25 bassins de rétention occupent ! Si cette promotion des bassins continue au même rythme, une superficie de 333 km² disparaitra complètement au bout quelques années dans la ville de Lomé. A défaut de se transformer en batraciens, les loméens devraient modifier leurs modes de construire leurs maisons pour être au même niveau que le village de Ganviė (Bėnin). Cette cité lacustre du sud du Bénin, est située sur le lac Nokoué au nord de la métropole de Cotonou.
Qu’est-devenu le fameux camp des sinistrés d’Agoè-Logopé ?
La promiscuité ne cesse donc de poursuivre les pauvres sinistrés dans une ville pourtant qualifiée de “Lomé la belle”. En effet, l’an 2010, pour la prise en charge des sinistrés des inondations, le gouvernement a construit un camp pour accueillir 1 000 personnes à d’Agoè-Logopé (quartier Kossigan/nord-ouest de Lomé). Comment un Etat responsable peut-il décider de certifier une bonne partie de ses concitoyens des « sinistrés permanents » en leur dédiant un abri pour chaque saison de pluie ? Ce camp de sinistrés a été financé à plus de 3 milliards de FCFA sur le BIE avec l’appui des partenaires au développement. Comme spécificité togolaise, les travaux comprenaient seulement quelques bâtiments sous la forme de salle de classe pour élèves, dont les toits sont en tulle. Construit sur une superficie de 12 hectares, ce centre pour sinistrés dispose de 14 bâtiments électrifiés avec 140 dortoirs équipés en tables, chaises et lits. Selon l’avis des spécialistes en bâtiment, le coût de l’ouvrage ne peut excéder 200 millions de FCFA. L’exécution des travaux a été confiée au génie militaire et placée sous le contrôle de la société Agetur-Togo. A l’arrivée, le camp était trop exigu, car les sinistrés étaient au nombre de 3787 relogés pour un millier de places. Les conditions de ces sinistrés étaient exécrables. Le séjour des victimes des inondations dans ce camp n’a pas duré plus de deux ans et depuis un moment, il est confondu à un centre des FDS. L’argent ainsi jeté par les fenêtres pouvait servir à faire des travaux de drainage d’au moins deux quartiers de la capitale.
Quelle alternative efficiente pour combattre les inondations saisonnières
Personne ne peut dénier la pléthore d’initiative de Faure Gnassingbé et ses gouvernements successifs dans la conduite du pays. Mais, il importe aujourd’hui de mettre la différence entre les deux notions « l’efficacité qui est d’arriver à destination, et l’efficience qui est de trouver le meilleur chemin pour y arriver ». Le hic est que le gouvernement togolais s’est enfermé dans une logique d’efficacité en déployant beaucoup de ressources inutilement alors que la bonne gouvernance exige la création de la valeur, ce qui suppose une efficacité continue et soutenue et à moindre coût. L’on doit rompre avec les gâchis, la corruption et imposer la reddition des comptes.
Le mal est que de nos jours, tout le monde qui a une maîtrise ou master, même licence dans n’importe quel domaine, se proclame expert en tout.
Si les autorités impliquées dans la maîtrise des ouvrages destinés à sécuriser les populations des inondations sont conscientes que les bassins d’eau réalisés sont dans un dysfonctionnement, et pour ce faire, il faut chercher à comprendre le phénomène, qu’elles pensent à une étude du phénomène. Il faut une étude sans complaisance pour ressortir un bon résultat avec des solutions adéquates et durables. Or actuellement, le constat est que le ministère de l’urbanisme court derrière la construction des logements sociaux sans même connaître les préalables, ni le terme approprié d’un logement social.
B.Douligna