Les PPP, la nouvelle panacée de la gouvernance errante au Togo?
Rien ne va plus, pour le pire et non pour le meilleur !
C’est dans la première moitié du mois de juillet 2023 que le gouvernement togolais a annoncé les signatures de deux contrats de partenariat public-privé (PPP). Le premier de ces deux PPP, qui est signé pompeusement le 3 juillet 2023 à Lomé en marge des travaux du Forum Infra for Africa, cédait l’exploitation et l’entretien de la route Lomé-Kpalimé, la National N°2 à la plateforme d’investissement dans les infrastructures Africa50 ; dont le coût de construction serait d’environ 214 milliards FCFA. Cette route Lomé-Kpalimé de 120 km sera monétisée par Africa50, peut-on lire entre les lignes. Le gouvernement se verrait libérer plus ou moins de la dette associée à ce projet routier et donc pourrait dégager une marge sur le budget des investissements publics.
Pour mémoire, en termes d’infrastructures routières, le Togo disposait d’environ 11.777 km de réseaux routiers, dont environ 2.101 km de routes nationales revêtues et 1.294 km de routes nationales non revêtues. Les voiries urbaines revêtues sont estimées à 473 km et les pistes rurales à 6.802 km. Et la charge de l’entretien routier a été confié à la Société Autonome de Financement de l’Entretien Routier (SAFER) créée par le décret N°2012-013/PR du 26 mars 2012. Et le linéaire couvert par les opérations de la SAFER de 900 km en 2012 est passé à 1.335 km en 2014 et à 2.194 km en 2017. Rappelons que le Togo est un des premiers pays à créer un Fonds d’Entretien Routier en 1997. Ce fonds a successivement pris les dénominations de FER, de CAPER puis aujourd’hui de SAFER qui selon le gouvernement togolais répond aux normes d’un fonds de deuxième génération.
Le 7 juillet 2023, le 18e poste de péage a été mis en service sur le territoire national togolais, celui de Kémérida dans la préfecture de la Binah se situe sur la route Kara-Kémérida-Frontière Bénin C’est en collaboration avec les autorités de la préfecture de la Binah. Donc pour environ 2300 à 2500 km de routes nationales revêtues, il y a déjà 18 postes de péages routiers au Togo (56700 km²), dont 5 sur la nationale N1 (Lomé-Cinkassé, environ 670 km). D’autres péages seraient en construction, de sorte que dans un proche avenir on y atteindrait au moins 22 postes de péage. Cette multiplicité de postes de péage est un véritable goulot d’étranglement.
Ce goulot d’étranglement de la mobilité socioéconomique est en contradiction avec la dynamique dans les pays voisins du Togo qui ont plus d’infrastructures et sont plus dynamiques économiquement. Ainsi, le Benin voisin avec une superficie de 114.763 km² pour 12,5 millions d’habitants compte 10 péages, le Burkina Faso avec 274.400 km² pour près de 22 millions d’habitants en a encore moins. Par exemple, le Cuba avec 109.884 km² et près de 12 millions d’âmes qui offre la gratuité de l’éducation, des soins de santé et autres à ses citoyens à tout au plus 4 péages sur son territoire, et encore là dans les zones plus touristiques.
Le second PPP signé le 10 juillet 2023 concerne la mise en service d’un scanner au CHU Sylvanus Olympio, le plus grand hôpital du Togo; grâce à un partenariat public-privé avec la société ANAPHA international qui a acquis et installé le matériel. Ce scanner serait actuellement le seul fonctionnel des hôpitaux publics togolais, pour une population de 8.095.498 habitants, dont 4.150.988 femmes et 3.944.510 hommes selon le RGHP-5 de 2022.
Les pratiques PPP déjà opérationnelles au Togo
Le président togolais au Forum Infra for Africa d’Africa5 2023 à Lomé
Déjà en 2017, le Chef de l’État Faure Gnassingbé avait lancé la contractualisation des formations sanitaires publiques au Togo pour assainir supposément le secteur de la santé et garantir des soins de qualité à la population et aussi pallier au désamour entre populations et hôpitaux publics. Et vers la fin de 2022, le CHR Tsévié, le CHU Sylavnus Olympio de Lomé, les CHR Atakpamé, Kara, Dapaong, Sokodé, le CHP Blitta, Nostè et le CMS de Siou étaient sous ce régime de contractualisation.
Cette contractualisation à la togolaise reposerait donc sur une délégation de la gestion des centres de soins à une société non étatique, assortie de conditions. Ainsi la société contractante est chargée de mettre en place des mécanismes et des outils d’une gestion orthodoxe dans la formation sanitaire qui garde son statut public avec traitement et les motivations des agents, de même que l’achat, la maintenance et l’entretien des équipements ; etc. Il est donc clair et limpide que curieusement, la société contractante n’aurait à injecter ni ressources financières, ni équipements dans la structure objet de contractualisation. Ce qui s’apparente à un PPP de type gestion déléguée de l’exploitation.
Le mercredi 26 avril 2023, l’hôpital de référence Dogta-Lafiè, initialement Saint Pérégrin, a été inauguré. Sa construction fut lancée le 15 mai 2019 pour un coût estimé à 25 milliards FCFA et porté par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale du Togo (CNSS) et en partenariat avec des investisseurs privés togolais. Au finish, on notifiera que l’exploitation de l’infrastructure dont la construction est portée par la CNSS, est confiée à la Société de gestion hospitalière (SOGEHP). Et donc « la Société de gestion et d’intermédiation (SGI) devrait permettre à l’exploitant hospitalier de diversifier son actionnariat à hauteur de 49,975%, pour un capital global de 25,01 milliards FCFA, et constituer ainsi les fonds propres nécessaires à la mise en œuvre du projet. De fait, la SOGEHP restera la principale actionnaire. Concrètement, 10 000 actions, au coût unitaire de 1,5 million FCFA, sont mises en vente afin de mobiliser un total de 15 milliards ». C’est à ne plus rien y comprendre, vraiment ! La CNSS a-t-elle financé la construction avec les fonds des travailleurs togolais ou non ? Et les appels de fonds sont pour quelle fin ? En fin de compte quelle est la part de la CNSS dans ce projet ? Ainsi va le Togo de la minorité dont parlait le Chef de l’État en avril 2012 !
Préalablement en juin 2020, il était aussi annoncé que l’État togolais avait accordé deux contrats PPP à EBOMAF, une entreprise du Burkina Faso voisin. Le premier de ces contrats portait sur la modernisation de la route Lomé-Kpalimé (120 km), l’aménagement des bassins de rétention d’eau de Todman, de Segbé et d’Adidogomé. Le second contrat concernait le VRD (voiries et réseaux divers) de la ville de Kpalimé. D’autres PPP ont été annoncés, depuis lors.
Alors, le Togo semble se lancer avec un enthousiasme presque hurluberlu dans les PPP, une autre trouvaille apparemment. Ne perdons pas de vu les autres annonces pompeuses de projets et programmes qui ne se traduisent pas dans la réalité, comme les FNSI, DOSI, DSRP, SCAP, PUDC, PND, les travaux du Forum Togo-UE, le programme triennal soutenu par la Facilité élargie de crédit (FEC), la convention avec le Fonds Khalifa de financement des chaînes de valeur agricoles avec une enveloppe de 10 milliards FCFA, les travaux du Forum Togo-UE considéré comme des rencontres historiques d’affaires de l’histoire économique du Togo.
L’exemple du PND (Programme National de Développement 2018-2022 est édifiant. Le PND fut lancé en fanfares le 3 août 2018 en présence de la crème de la crème de la finance et de la promotion, avec des objectifs de financement global de 8,3 milliards $US (65% par le secteur privé et 35% public), un cap de 7,6% de croissance à l’horizon 2022, un taux de bancarisation de 50% et 1 million d’emplois dont 500.000 directs. Nous sommes en 2023 et ce PND se fait encore attendre.
Ne perdons surtout pas de vue que les PPP viennent avec des risques et des dettes complexes et sur le long terme. Un chat échaudé craint l’eau froide, dit-on.
Dans la pratique, il s’est révélé que les PPP sont souvent la méthode de financement la plus coûteuse et augmente considérablement les coûts supportés par l’État. Le Royaume-Uni a exporté son modèle de PPP à travers le monde, alors même que ceux-ci implosent au niveau national, avec entre autres l’escalade des coûts auxquels des hôpitaux, des antennes de police ou des écoles doivent faire face, dans un environnement budgétaire déjà contraint.
À cet égard, le Royaume-Uni, initiateur et vulgarisateur des PPP, a aujourd’hui presque arrêté ce genre de contrat, malgré le fait qu’il ait été longtemps champion des PPP. Malgré cela, certains des remboursements s’étaleront jusqu’aux années 2040. L’exemple de l’effondrement de Carillion, un géant de la construction impliqué dans de nombreux PPP au Royaume-Uni et en Irlande est édifiant à plus d’un titre.
Ailleurs dans le monde, le journal « Le Monde » titrait en mars 2018 « Au Royaume-Uni, la mort des partenariats public-privé ». Un an plus tard, c’est au tour du Journal de Montréal au Québec (Canada) de titrer dans son édition du 14 mars 2019 « L’arnaque des PPP : payant, payant. Mais pour qui ? – La folie furieuse des PPP ». On peut trouver dans cet article une liste de « Tous des échecs en PPP » ; des Mégas-hôpitaux en PPP le CHUM (Centre hospitalier de l’Université de Montréal) et CUSM (Centre universitaire de santé McGill) à la salle de l’Orchestre symphonique de Montréal, en passant par l’autoroute 30, entre autres.
Et en décembre 2020, NationBuilder publia « Pourquoi les PPP ne fonctionnent toujours pas », qui s’appuie sur un nombre croissant de preuves à travers l’Europe, montrant que les PPP se révèlent être d’un mauvais rapport qualité-prix et que, loin d’être uniquement concentrés au démarrage ; nombre de ces problèmes s’aggravent avec le temps.
Encore plus, il y a diverses conclusions tirées par d’éminents organismes ou institutions comme la Cour des comptes européenne (CCE) , la Cour des comptes française , le Bureau national d’audit du Royaume-Uni (NAO) , la Cour des comptes albanaise, la Cour des comptes allemande, les commissions parlementaires nationales, un consortium britannique d’enquêteurs, des réseaux de la société civile tels que CEE Bankwatch, Counter Balance, Eurodad, et de nombreux autres dont des universitaires, selon lesquelles les PPP se révèlent être d’un faible ou un mauvais rapport qualité-prix.
Indubitablement, l’expérience des PPP en occident devrait servir de leçon aux autres pays aspirants, particulièrement ceux émergents ou « en développement », qui envisagent ou réexaminent leurs approches de financements et/ou d’exploitations de projets.
Il faut souligner, grosso modo, huit raisons du relatif échec des PPP; notamment que les PPP n’apportent pas d’argent neuf mais créent une dette cachée; le financement privé coûte plus cher que les emprunts publics; les pouvoirs publics supportent toujours le risque ultime d’échec du projet; les PPP ne garantissent pas un meilleur rapport qualité-prix; les gains d’efficacité et l’innovation de conception peuvent donner lieu à des raccourcis indésirables; les PPP ne garantissent pas que les projets respectent les délais ou le budget; les accords de PPP sont opaques et peuvent contribuer à la corruption; les PPP faussent les priorités des politiques publiques et obligent les services publics à réduire les coûts.
L’ultime constat de ceux qui avaient lancé et entretenu ces contrats PPP est qu’un PPP ne pourrait sauver un projet d’infrastructure de mauvaise qualité ou une autorité publique à la performance médiocre. Alors pour réaliser de meilleurs projets d’infrastructures, il faudrait plutôt améliorer la planification stratégique, la transparence et la participation du public dans les processus de planification, et non de regrouper les projets dans des contrats trop compliqués, complexes, inflexibles, opaques et longs. Peut- on alors vraiment parler de planification stratégique, de transparence, de participation citoyenne et autres dans le Togo actuel de la minorité pilleuse? Ça va au-delà de simples appréhensions. C’est dramatique. Si c’est ça que la Cheffe du gouvernement Victoire Tomégah-Dogbé désigne par « Gouverner autrement », alors elle s’est lourdement trompée sur le bon modèle. Car cela renvoie aux temps anciens « Gouverner autrement, l’exemple des rois Francs » développé par Michel Débré quant aux usages romains et de ceux des chefferies franques, jusqu’aux souverains capétiens de l’an mil, comment les rois des Francs gouvernent-ils un royaume en proie aux convoitises et aux déchirements dynastiques. D’ailleurs plusieurs gouvernants à l’instar de Donal Trump, Alpha Condé et Patrice Talon l’ont aussi expérimenté.
Certains, membres du gouvernement togolais et autres, colportent la rhétorique que le gouvernement fait des efforts. C’est une conception charitable de la gouvernance et contre nature. Le gouvernement n’a pas à faire d’effort, mais il doit tout simplement travailler et naturellement accomplir ses mandats à lui confier par le peuple. Un gouvernement décide et entreprend les actions nécessaires à la conduite de l’État et s’assure de la prise en compte des préoccupations des citoyens. Il intègre de ce fait les contingences, notamment politiques, économiques, sociales et autres. Si l’on considère que Faure Gnassingbé a été élu par des togolais au suffrage universel, cela a dû être possible grâce à une offre électorale déclinée en promesse électorale. Alors qu’il mette en œuvre, bien évidemment avec la première ministre qu’il s’est librement offerte, l’intégralité de ses promesses de campagne. Il y va du principe de responsabilité. Car il devrait normalement rendre compte au peuple et être jugé aux prochaines élections. Autrement, on offre la possibilité à d’autres d’essayer.
Pourquoi alors vouloir à tout prix importer et adopter sans autre forme d’ajustement ou d’adaptation, un modèle de contrat qui a échoué la plupart du temps dans les pays occidentaux, toutes tendances confondues (libérales, conservatrices ou autres), qui disposent tout de même d’institutions et de structures fonctionnelles, contrôlables.
Surtout qu’il n’est plus un secret pour personne que le Togo est dans un cercle vicieux de course à l’endettement non structurant. Entre 2017 et 2021, la dette extérieure du Togo a doublé et est alors passée de 550 milliards en 2017 à 600 milliards en 2018, à 751 milliards en 2019, à 981 milliards en 2020 ; pour finalement atteindre 1031 milliards en 2021, malgré l’opération du 22 septembre 2020 de rebaséage du PIB sur la base de SCN 2008 (Système de Comptabilité Nationale 2008). Cette opération de rebasage qui est accompagnée d’une revalorisation du PIB de 36,5%, n’a induit qu’une amélioration presque cosmétique du rapport de la dette au PIB.
Le constat est donc que depuis quelques années, le Togo est hyper actif sur le marché des titres de l’UEMOA, entre autres, avec des opérations presque mensuelles de levée de fonds (obligations de relance et autres) sur des durées allant de 3 et 10 ans. La publication de l’Agence Ecofin du 4 avril 2023 mentionne que le Togo projette en 2023 de mobiliser 580 milliards FCFA sur le marché UEMOA. Toutefois le 14 juillet 2023 Savoirnews.net annonce que le Togo a déjà pour le premier semestre 2023 mobilisé 414 milliards FCFA sur le marché UEMOA. C’est alors près de 72% de l’objectif annuel 2023 atteint dans la première moitié de l’année. Rappelons qu’en 2022 par exemple, le Togo avait prévu lever sur le marché de l’UEMOA au moins 473 milliards FCFA.
Subséquemment, le Togo malheureusement dans une course à l’endettement sans création subséquente de valeurs ajoutées défie le bon sens et hypothèque les générations futures. Il ne faut surtout pas oublier que le gros de l’endettement est auprès des Bailleurs de fonds pour de développement, notamment les institutions de Bretton Woods qui sont la Banque Mondiale, ou Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) et le Fonds Monétaire International (FMI); la BAD, les pays partenaires dont la Chine de plus en plus, d’autres partenaires techniques et financiers, etc. Alors les tirages mensuels sur le marché de l’UEMOA ne semblent être que la cerise sur le gâteau.
Qu’est-ce qu’est un partenariat public-privé (PPP)?
Les PPP sont en fait des contrats à long terme, voire de relativement longs termes, dans lesquels le secteur privé fournit ou gère des infrastructures et des services qui sont normalement directement financés par les pouvoirs publics, comme les hôpitaux, les écoles, les prisons, les routes, les ponts, les tunnels, les chemins de fer, les installations d’assainissement, etc. ; avec une forme de partage des risques entre le secteur public et le secteur privé. Ce sont, entre autres, des accords pour la conception, la construction, l’entretien, l’exploitation et le financement (CCEEF) surtout d’infrastructures publiques et connexes.
Ces accords contractuels qui ont trouvé leur origine au Royaume-Uni au début des années 1990, dans la foulée de la Private Finance Initiative (PFI) et qui ont été adoptés en Australie, en France, en Irlande, aux États-Unis, au Canada, etc. ; portaient donc principalement sur :
- un partage entre les partenaires des risques, selon la partie la plus apte à les assumer, et des bénéfices;
- des modalités contractuelles axées sur des résultats plutôt que sur des moyens;
- une relation contractuelle à long terme;
- et possiblement un investissement significatif à long terme du partenaire privé dès le démarrage du projet.
Entre-temps avec la crise financière de 2008, l’engouement pour les PPP s’est propagé ailleurs, aussi bien dans des pays développés et dans des pays en développement. Dans ce contexte de crise, les gouvernements faisant face aux diverses contraintes (ressources publiques, espace budgétaire, besoins sociaux et d’infrastructures) se sont tournés davantage vers le secteur privé, en termes d’apports alternatifs supplémentaires pour combler le manque de financement.
Par contre, il faut souligner qu’un contrat PPP n’est pas un contrat conventionnel sur les marchés publics et n’est pas non plus l’achat de travaux, de fournitures ou de services qui s’effectue principalement au meilleur coût en fonction de spécifications prédéfinies. Le PPP est normalement basé sur la recherche du meilleur partenaire de longue durée pour avoir son savoir-faire et sa capacité de gestion afin de fournir un service ou un équipement public selon les résultats attendus par le secteur public.
Il y a une grande variété de formes de PPP, et le choix de la forme adaptée n’intervient normalement qu’après l’analyse d’un projet spécifique. Si nous prenons par exemple le domaine du transport, on a les types de PPP selon le niveau de responsabilités et de risques qui sont transférés au secteur privé, les besoins des administrations publiques, de même que la nature et l’envergure des projets d’infrastructures et de services de transport. Dans cette optique, les quatre principaux PPP comme vecteurs de financement des infrastructures de transports sont les suivants.
La Conception construction entretien exploitation financement (CCEEF) avec péage où le partenaire privé assume la responsabilité de la conception, de la construction, de l’entretien, de l’exploitation et du financement d’une infrastructure publique de transport et ce, pour une période variant de 30 à 99 ans. Le concept de CCEEF avec péage s’appuie sur la notion d’utilisateur-payeur. Il importe de souligner toutefois qu’une route optionnelle gratuite doit être disponible dans le cas d’un projet de nouvelle infrastructure routière avec péage.
La conception construction entretien exploitation financement (CCEEF) sans péage dans laquelle le partenaire privé assume la responsabilité de la conception, de la construction, de l’exploitation et de l’entretien en fonction de résultats attendus préétablis, et ce, pour une période de 25 à 72 ans, et le financement du projet, puis il est remboursé par l’État selon la performance des services rendus.
La conception-construction, où le partenaire privé assume la responsabilité de la conception et de la construction d’une infrastructure majeure de transport en fonction de critères de performance, avec la possibilité d’une garantie de moyen ou de long terme sur la qualité de l’infrastructure et un prix maximum garanti. La conception-construction peut éventuellement générer en moyenne des économies de coûts de 5 % à 10 %.
La gestion déléguée de l’entretien et de l’exploitation (GDEE), dans laquelle le partenaire privé assume la gestion et l’exploitation d’un service public selon des spécifications de résultats définies par le secteur public sur la base d’un contrat à durée limitée (5 à 10 ans). Ce mode de PPP peut s’appliquer à l’entretien et à l’exploitation du réseau routier tout aussi bien qu’aux services de transports urbains ou ferroviaires, etc. La GDEE peut générer des économies de coûts de l’ordre de 5 % à 20 % ou une amélioration du service aux usagers.
In fine, quelle est la réalité des PPP? Même si les partisans des PPP soutiennent mordicus qu’ils sont capables de transférer les risques du projet du secteur public au secteur privé, le constat est tout autre.
Les expériences des dernières décennies sont tout sauf reluisantes. Ultimement les autorités publiques supportent toujours le risque ultime d’échec du projet. Il s’agit fondamentalement des risques de construction (livraison défaillante, augmentation des coûts, non-respect des spécifications, etc.); de carence ou d’insuffisance de la demande (moins d’utilisateurs); de disponibilité (problème d’entretien, manque de ressources diverses et autres).
Les principes directeurs ou les MUST pour un PPP réussi
Il est indéniable que les PPP peuvent constituer des avantages pour le gouvernement et pour les usagers mais ils renferment aussi des contraintes et des inconvénients. Et pour tirer le maximum de ce mécanisme de financement, les projets concernés doivent répondre à certains principes directeurs, donc des balises à l’intérieur desquelles ils seront réalisés. Le tout vise donc à assurer que les projets qui seront réalisés par PPP soient conçus, construits, entretenus et exploités de façon efficace et sécuritaire, en atténuant les impacts négatifs sur l’environnement. Il s’agit entre autres que :
- les projets doivent répondre à un besoin reconnu et être dotés d’un bon dossier d’affaires;
- les droits des employés doivent être respectés;
- les projets doivent favoriser la participation financière du secteur privé;
- le processus de sélection du partenaire privé doit favoriser une saine concurrence;
- le processus doit être intègre, rigoureux et transparent;
- les risques doivent être partagés entre les secteurs public et privé selon la partie la plus apte à les assumer;
- une route optionnelle gratuite doit être disponible dans le cas de la mise en place de péages sur de nouvelles infrastructures routières.
Le cadre juridique du PPP au Togo
En 2013, le gouvernement togolais adoptait une Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE) ainsi qu’un programme d’actions prioritaires (PAP) pour la période 2013-2017. Et en 2014, une loi de modernisation de l’action publique de l’État en faveur de l’économie a été adoptée, dont certaines dispositions encadrent les partenariats public-privé. Ces dispositions viennent compléter le dispositif de délégations de service public prévu dans le code des marchés publics de 2009.
Et ce cadre juridique des PPP au Togo a été revisité par la Loi N° 2021-034 du 31 décembre 2021 relative aux contrats de partenariat public privé. Il régit alors les PPP et détermine leur régime juridique et leur cadre institutionnel. Il y a eu entre-temps, l’avis 06/03/2023 AMI N°004/2023/PAPIDPPP/MPI du ministère de la promotion de l’investissement qui annonçait que le gouvernement avait reçu de la Facilité d’Appui à la Transition (FAT) de la Banque Africaine de Développement (BAD) un fonds, dans le cadre du financement du Projet d’Appui à la Promotion des Investissements et au Développement des Partenariats Public Privé (PAPIDPPP).
À cette occasion, il a été signifié qu’une partie de ce financement sera utilisée pour la rémunération des prestations de service d’un cabinet international pour l’assistance technique ; conseil en gestion et suivi des PPP notamment l’élaboration de la stratégie de promotion de PPP et d’un plan d’action opérationnel et appui à la cellule responsable de plaidoyers de L’API-ZF. La question est de savoir quel mécanisme de contrôle est prévu, car il s’agit de contrats très complexes qui camouflent sciemment ou non de l’endettement déguisé ou reporté.
Il faut redresser la barre lorsqu’il est encore temps, autrement c’est un drame collectif qui nous guette tous. Le Burkinabè Nobert zongo, assassiné pour ses convictions, exprimait ce péril en ces termes, « personne n’a un avenir dans un pays qui n’en a pas ». N’hypothéquons pas l’avenir de notre descendance pour peu. Un autre digne fils de l’Afrique, le légendaire Lucky Dube, fit ce constant accablant et qui est aussi probablement le sentiment du citoyen lambda ; dans son épique chanson Prisoner « J’ai demandé au policier combien dois-je payer pour ma liberté. Il m’a dit, fils ils ne construisent plus d’écoles. Ils ne construisent pas des hôpitaux. Tout ce qu’ils te construisent c’est la prison, la prison » pour ne pas dire les morgues et les cimetières.
Joseph Atounouvi