C’était un samedi ordinaire, entre amis, nous avons décidé de rompre avec le stress et la routine morose et les images funestes que nous a infligé la pandémie à covid-19 depuis des mois. Ça fait longtemps que nous n’avons pas pu nous retrouver entre amis pour exprimer notre joie de vivre qui était devenu presque qu’un luxe. Nous avons décidé de partir un temps soit peu, un peu loin de Lomé la capitale et de son vacarme assourdissant. Direction donc Adéticopé, une localité située à environ 15 km de la banlieue Nord de Lomé sur la Nationale 1.
D’entrée, nous avons savouré du bon vin de palme et du poulet cuit dans des pots de canari avec des braises, sous l’ombrage frais de tecks. Quel bonheur !?? Nous avons retrouvé cette euphorie et cette ambiance festive qui était devenue comme une denrée rare. La fraîcheur et l’odeur sauvage de la verdure environnante était plutôt propice à la bière. A cœur joie, nous avons profité de cette aubaine car c’est des occasions rares que de se retrouver entre amis et frères à des kilomètres de chez nous surtout que la tendance est à la fermeture des les lieux publics.
Une bière, deux et trois viennent cohabiter avec le vin de palme déjà jaloux de ses nouveaux voisins, mais on tient bon, je dirai très bon pour reprendre la route de notre logis. Cette journée qui semblait ordinaire était déjà sorti de l’ordinaire et il fallait gérer le retour et les inattendus, etc. Notre convoie traverse le cœur d’Adéticopé, passant par Togblé, Agoè Zongo pour monter sur notre Echangeur national. Pendant que les autres ont pris d’autres itinéraires, surprise, surprise, la DSR est au rendez-vous !
Une équipe de la Division de la sécurité routière m’offre un accueil qui va dissiper tout ce que j’avais joyeusement savouré ce soir-là. L’agent, dans son uniforme de service et son gilet fluorescent me fait signe avec sa torche et je m’exécute en serrant sur le côté. L’un des agents avait certainement fait parler son instinct de policier et voyant la coupe et le model de ma voiture s’est dit que ce serait un jeune au volant et comme c’est le weekend, il aurait chargé…
Bonsoir monsieur, c’est la DSR, prière couper votre moteur et descendez avec votre permis de conduire. Je m’exécute, même si jusqu’à ce moment je ne savais pas ce qui m’attendait. Dans ma candeur, je pensais plutôt à un simple contrôle de routine. Il poursuit « Nous allons vous soumettre à un teste d’alcoolémie, vous allez déchirer cet embout et le placer sur cet appareil (qui ressemble plutôt à un enregistreur audio). Dès que vous entendrez le bip, vous arrêtez ».
Monsieur l’agent, pas la peine de vous gêner, ni de gaspiller votre embout, je suis positif, lui répond la petite personne que j’étais devenu. Il insiste et me demande de m’exécuter malgré mon honnêteté en lui avouant que je m’étais laissé emporter par l’euphorie et l’ambiance festive du groupe.
Après quelques secondes de soufflé, le bip se fait entendre et l’agent récupère l’appareil d’alcotest. Waaaaa, s’écria-t-il. « Vous avez bu tout ça seul sans nous inviter »? rétorqua son coéquipier. « Monsieur, veuillez prendre tout ce que vous avez comme affaires personnelles, nous allons amener la voiture au poste, vous passerez lundi pour les formalités de retrait », m’ont- il dit.
D’un seul coup je voyais plus claire qu’à l’aller, tout ce que j’avais bu s’était transformé en eau et j’ai vu le ridicule monter de mon ventre à ma tête. Que faire? Je suis pris au piège et j’avais perdu mes armes malgré le fait que toutes mes pièces et celles de ma voiture ne souffraient d’aucun signe d’alcool. Je tente de m’excuser et de jouer à la cartouche de la repentance en vain. « Les agents tiennent l’herbe », comme on le dit chez nous.
C’est en pleine négociation que j’entends l’un de leur collègue crier, le chef dit de partir, on vous attend depuis. Je commence par comprendre qu’en réalité la mission était terminée il y a quelques minutes et que j’étais juste arrivé au mauvais moment. Les agents ayant compris que j’ai compris la leçon me lancent un petit sourire et me prodiguent des conseils. Puis pour terminer ils me demandent si j’habitais loin et en l’état je pouvais arriver sain chez moi. Après les avoir rassurés dans « l’assurance » ils me murmurent, « vous êtes un éducateur, aidez-nous », …
Ce soir je rentre avec une euphorie un peu entachée. Seulement, comme moi, est-ce que les autres citoyens comprennent le sens de cette leçon ? Nombreux sont ces accidents que nous pouvons éviter en conduisant de façon responsable sur nos routes.
Prudence sur nos routes, car la vie ne tient qu’à un fil.