Pris en charge mieux qu’un pupille de la nation, il est incontestablement à l’abri du besoin ; mais alors, si le pouvoir d’achat du Chef de l’Etat Faure Gnassingbé est assuré, qui n’est pas appelé au partage du bien-être dans le pays et pourquoi ?
Au moins deux certitudes interpellent au Togo à l’observation du vivre ensemble : le déclin manifeste du pouvoir d’achat, voire sa mort dans nombre de métiers d’artisan, et le déclin tout aussi manifeste du civisme, c’est-à-dire de “la préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre” comme le définit si bien le penseur et écrivain Montesquieu.
D’une certitude à l’autre.
Le pouvoir d’achat, au sens intuitif de l’expression, renvoie indubitablement aux plus démunis comme une supplique. Dès lors se posent la question de qui gagne quoi et la problématique conséquente du revenu national et de sa répartition. Pour autant, ce n’est pas forcément parce qu’un citoyen gagne beaucoup, ou bien va en gagner plus, par la productivité en hausse de son travail ou de son capital ou en raison de son positionnement social, que ceci pose en soi un problème pour celui qui gagne frugalement ou ne gagne rien du tout. De même, ce n’est pas parce que la productivité ne peut être améliorée outre mesure dans un métier, notamment de coiffeur ou de chauffeur, que celui qui l’exerce n’a pas droit à un pouvoir d’achat approprié.
Le pouvoir d’achat bien compris est assurément ce droit de tout un chacun d’accéder à un bien-être minimum. Il emporte une forte exigence sociale. Il suggère par ailleurs que l’effectivité de ce droit du citoyen à accéder à un bien-être minimum relève de la responsabilité première des tenants du pouvoir politique. De la pertinence de leurs initiatives, en matière de gouvernance, dépend la solidité ou la fragilité du pouvoir d’achat ainsi compris, ou sa survie ou son déclin voire sa mort.
Du pouvoir d’achat en déclin manifeste
La problématique du pouvoir d’achat et du bien-être est liée à celle du panier de la ménagère ainsi qu’à celle de l’accès aux services sociaux, à l’éducation, au logement et aux services publics pour tous, non pas de façon marginale pour certains et comme une cerise sur le gâteau pour d’autres. Ce sont là des préoccupations de faible épaisseur pour les tenants du pouvoir cinquantenaire.
Sur ces différents volets en effet, le bilan est peu élogieux depuis belle lurette au Togo ; à ce propos, la pertinence de l’action gouvernementale ne se voit ni dans les assiettes ni dans le progrès social à l’échelle nationale. Nul besoin d’être un observateur averti pour relever que le constat du déclin social n’échappe qu’à ceux qui tiennent les rênes du pouvoir politique, avec constance et fermeté en trop plein, sans jamais rendre compte ni assumer des échecs.
C’est pourquoi, avant d’envisager des micros solutions, source de polémiques, qui donnent parfois l’impression que le sujet du pouvoir d’achat est insuffisamment pris en charge, voire bâclé, les pouvoirs publics se doivent d’engager des réflexions de substance qui accouchent d’une politique macroéconomique et fiscale vertueuse, assortie de mesures probantes, quantifiables, en cohérence avec une vision largement partagée par l’opinion publique. Sinon, à micros solutions, micros résultats bien loin des problématiques majeures en cause, notamment d’accès à l’éducation et à la santé, de répartition du revenu national dans un environnement agréable à vivre, de minima de subsistance à même de faire reculer la pauvreté, à défaut de l’éradiquer ou de lui donner un visage soutenable etc.
De micros mesures gouvernementales, difficilement porteuses de réponses pertinentes

Les micros mesures gouvernementales, annoncées au fur et à mesure et au compte-goutte au Togo, sont loin d’être porteuses de réponses pertinentes à la problématique du pouvoir d’achat. Plusieurs signes montrent d’ailleurs que les autorités initiatrices en sont conscientes puisqu’elles appellent concomitamment dans leur communiqué à la bienveillance et mettent également tout en œuvre pour dépouiller l’action syndicale de toute velléité revendicative dans l’espace public ; les transporteurs en particulier se doivent de faire preuve de civisme en s’accommodant des mesures annoncées de réduction de leurs charges d’exploitation, bien que ces dernières soient limitées à des suspensions de paiement de patente ou ce qui lui ressemble.
Autre micro mesure atypique, un peu hors sujet une fois délestée de son vernis politique : la réduction des taux d’intérêt du Fonds national de financement inclusif (FNFI), une structure étatique de micro financement non concurrentiel, présentée comme participant à l’amélioration du pouvoir d’achat. Bien vrai que ceci soulage toute demande additionnelle de prêt par une réduction des coûts et permet de booster l’acquisition de “produits et services” de la structure, mais il faudrait quand-même revenir à l’évidence qu’on est loin de ce qui participe de prime abord à la consolidation du pouvoir d’achat ; mais bon, qu’à cela ne tienne, l’intention valait bien la peine.
Et c’est là le problème, cette bonne intention qui vaut la peine mais qui ne résout aucun problème de substance ; le tout n’est donc pas d’être à la tâche, sueur au front, mais d’y être convenablement et avec pertinence pour visibiliser des résultats. À cet égard, la problématique du pouvoir d’achat au Togo se résume dans ce qu’il y a à partager, qui ne semble ni augmenter ni se trouver là où il poche, autrement dit, pour faire l’effort de réduire leurs marges ; ces marges alimentent souvent un train de vie ostentatoire là où le consommateur lambda, déjà écorné par l’inflation, est aveuglément pris à partie par une fiscalité devenue folle en farfouillant jusque dans les effets personnels des voyageurs et leurs cadeaux à la famille restée au pays.
Rebattre les cartes des filières d’importation et du modèle actuel de retour aux grands équilibres
Les principales filières nationales d’importation de biens, leur organisation et leur pertinence sont des sujets à revisiter dans la transparence en mettant l’accent tout particulièrement sur une opportune et nécessaire réduction de ce qui va traditionnellement dans les poches des acteurs ; une telle réduction ferait participer ces derniers à l’effort de rétablissement des grands équilibres, une fois obligés par les pouvoirs publics de rationaliser leurs charges d’exploitation et de modérer leur gloutonnerie en gains financiers qui pèsent lourdement dans la structure des prix aux onsommateurs finaux. Ceci permettra de réduire les pressions sur lesdits prix, sources d’affaiblissement des pouvoirs d’achat.
Les principales filières d’importation, qui rythment et structurent l’économie nationale, sont par ailleurs à revisiter dans leur propension à fabriquer des oligarques financiers, totalement déconnectés des préoccupations de pouvoir d’achat dans leurs dimensions essentielles. De surcroît, ces oligarques sont prompts à desservir toutes politiques micro et macroéconomiques vertueuses en contradiction avec leurs intérêts mais accommodantes pour l’intérêt public. L’État s’oblige à réduire son train de vie, du moins dans l’administration centrale civile, sous les exigences de rationalisation financière du Fonds Monétaire International, mais s’interdit paradoxalement d’imposer cette donne de mise à la diète aux oligarques des filières structurantes de l’économie nationale. Il y a urgence à changer en profondeur le modèle économique en vigueur, très favorable au clientélisme politique, dépressif pour les consommateurs et les pouvoirs d’achat et notoirement exigeant en rétro-commissions et fiscalités directe et indirecte. Aux allures de panacée, dans la quête de ressources pour l’État par les tenants du pouvoir politique au Togo, la fiscalité a particulièrement pris une tournure problématique, asociale et forcément impopulaire et dévastatrice pour les pouvoirs ’achats. Au final, la gouvernance économique et fiscale en production au Togo nécessite de profonds changements car elle est élitiste, inéquitable et perverse pour le pouvoir d’achat.
A propos du communiqué du Député Gerry Taama au sujet des taxes à l’aéroport de Lomé
Le député Gerry Taama précise plusieurs fois dans son communiqué que rien n’a changé ; mais que si ! Sur la forme, le code des douanes n’a certainement pas changé, mais le contexte socio-économique dépressif lui a sans aucun doute donné une aigre saveur sur le fond.
À la lecture en effet du communiqué de l’Honorable, il y a eu une application bienveillante du code des douanes à un moment donné. L’Honorable a manqué de préciser qu’entre temps, l’environnement s’est brusquement et profondément dégradé à divers points de vue avec les restrictions COVID-19 notamment ; la stricte mise en œuvre de la loi semble être tombée à un mauvais moment pour ne pas dire qu’elle est devenue inopportune. C’est normal que cela fasse grincer des dents et aboutisse à des manifestations d’humeur, ne serait-ce que pour dire à l’autorité que ce type de fiscalité est asocial et qu’il vaudrait mieux rechercher peut-être la pertinence fiscale du côté du fret (aérien) dans ce cas de figure.
Par les temps qui courent, ce qui permet à l’exécutif de garnir sainement le porte-monnaie de l’État pourrait être recherché ailleurs que dans ce qui est ciblé à l’aéroport-voyageur au moyen d’un code des douanes pique-assiette ; davantage que communiquer sur les rigueurs de l’existant, c’est cet appel à rendre la fiscalité moins asociale que l’Honorable Gerry Taama, qui est à louer pour son initiative, pourrait relayer en direction de ses collègues Députés pour examen.
Vilévo DÉVO