Un coup d’État consiste en une action illégale, menée au sein de l’appareil d’État, pour s’emparer du pouvoir ou pour y renforcer une position au sommet. Outre le contexte international et nombre d’autres facteurs d’ordre interne, sa réussite est liée au degré de sous-développement politique du pays pour en accepter le résultat, selon Javier Fernández López, militaire, homme politique et universitaire espagnol, professeur de droit constitutionnel. Les coups d’État sont généralement militaires et de plus en plus limités aux pays les plus pauvres du monde d’après les données des chercheurs américains Jonathan Powell et Clayton Thyne.
Un coup d’État est discrétionnaire ; il repose en outre sur un leadership de circonstance, opportuniste, pas nécessairement de qualité et surtout paie cash ses auteurs ou les casse. Son simplisme séduit les africains, peu friands de révolution à la Che Guevara exigeante en durs labeurs, leaders charismatiques, leaderships convaincants et en sacerdoces dont affectionnent notamment les dragons asiatiques petits et grands. Les hommes de cour, qui pullulent au sein des Républiques africaines, applaudissent sa survenance et les autres, c.à.d. les opposants politiques et syndicaux et la rue, contemplent bruyamment ou en silence selon le cas. Les auteurs de coups d’État amalgament l’exécutif, le législatif et le judiciaire pour leur survie politique.
Les coups d’État militaires propulsent d’ordinaire dans le fauteuil de premier magistrat des despotes en herbe qui rêvent de présidence à vie : c’est le désastre a minima que révèlent a posteriori les statistiques recensant la grosse centaine de ces tortionnaires de République en Afrique. Il faudrait avoir du sang de courtisan dans les veines et un estomac capable de digérer sans sourciller de vils affronts pour leur trouver un seul bon point ; les courtisans sont ces personnages prompts à servir et à flatter, amis de tous sans jamais s’attacher à personne, hautains envers ceux dont ils n’ont pas besoin, affables, affectueux et polis envers tous ceux qui peuvent les aider ou leur nuire …, objet d’un instructif narratif-facétie par le Baron Paul Henri d’Holbach (1723-1789) dans son “Essai sur l’art de ramper à l’usage des courtisans”.
Coup d’État pour coup d’État, celui d’un certain Valentine Strasser l’a porté à vingt-cinq (25) ans dans le fauteuil présidentiel en Sierra-Leone (1992), lui qui s’est rendu dans les locaux de la Présidence de la république, à la tête d’un petit groupe de soldats, juste pour réclamer de manière musclée sa solde impayée ; le Président en fonction étant aux abonnés absents, ce jeune homme, dont la seule expérience était le maniement de la kalach et la pratique d’exercices de maintien en bonne condition physique de soldat, se retrouve Chef de l’État à un âge où, sous d’autres cieux, il aurait à peine terminé ses études universitaires ou une formation de haut niveau ; il y a cru pendant quatre années environ, en déjouant quelques contre-coups d’État et en faisant fusiller au passage des opposants à sa présence nullissime au sommet de l’État etc., avant d’être débarqué manu militari en janvier 1996. La Sierra-Leone qu’il a dirigée quelques années est un pays diamantaire qui, conséquence d’une mal gouvernance patente, s’est embourbée dans la pauvreté et enlisée un temps dans une atroce guerre civile.
Même si Valentine Strasser de Sierra-Leone n’a pu s’en mettre plein les poches, avant d’être évincé du pouvoir d’État et de finir dans le dénuement et un quasi-état de démence, il symbolise à maints égards en Afrique subsaharienne sur la forme et le fond le profil jeune, opportuniste et inapproprié des preneurs de pouvoir par la force ou la ruse d’une part et d’autre part, l’impréparation et l’inaptitude des militaires putschistes à l’exercice du pouvoir d’État. Inéluctablement, tous ou presque tous échouent dans le réveil de la nation, accélérant bien au contraire sa trajectoire dans le mur d’un totalitarisme stérile lumineux d’assassinats d’opposant, dans celui du tribalisme, du népotisme, de la corruption et du clientélisme à grande échelle, du culte de la personnalité, des privations fantaisistes de libertés publiques etc., somme toute dans le mur de la mal gouvernance.
L’exception faisant la règle, les cas de John Jerry Rawlings du Ghana et de Thomas Sankara du Burkina reviennent souvent comme pour donner bonne conscience à tous ceux qui rêvent de devenir Président de la République, Chef des armées, à la faveur d’une défaillance dans la protection de la fonction présidentielle et en l’absence d’institutions républicaines fortes. À juste titre, J. J. Rawlings se présente comme une exception éloquente dans le marigot des putschistes pour avoir une première fois rendu le pouvoir d’État à des fins d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel, à peine quelques mois après l’avoir pris ; trahi, il le repris durablement et réussit à instaurer un renouveau macroéconomique et démocratique au Ghana dont il a la nationalité par sa mère, étant écossais d’origine par son père.
Toutefois, J. J. Rawlings eut pour passif indélébile, étant lui-même le fruit d’une action illégale, le fait d’avoir fait fusiller, post procès politiques à l’issue certaine, une dizaine de très hauts responsables civils et militaires dont d’anciens Chefs d’État.
Tous les coups d’État constituent potentiellement des calamités, à redouter, qu’ils soient militaires ou par tripatouillage des textes portant Constitution ou, plus énigmatiques, par transmission dynastique ou clientéliste, etc. Tous sont clivants, faussement salvateurs et dépourvus de valeurs qui rassemblent. En effet, tous les putschistes exercent le pouvoir d’État comme des maffieux, en s’accoudant sur un clan, de manière humiliante et servile aussi bien pour la majorité silencieuse résignée que pour les forces politiques et syndicales et les organisations de la société civile muselées ; ils finissent indubitablement par travestir l’exercice du pouvoir d’État à des fins personnelles, dénaturer les institutions républicaines et fracturer l’unité nationale. À l’instar des néo panafricanistes, certains condamnent de nos jours les putschistes à l’humeur, selon qu’ils fassent anti français et pro russe ou pas.
Vilévo DEVO