Selon une capsule audio en circulation, sauf s’il s’agit d’un fake, le Chef de l’état togolais a invité et reçu presto les enseignants membres de son parti politique, qu’il a qualifiés d’amis et partisans ayant activement œuvré à son élection.
Dans ses propos introductifs liminaires, qui ont installé une ambiance apparemment détendue et bon enfant, il a souligné avoir convié les uns et les autres à sa rencontre pour des échanges de proximité, à bâtons rompus et dans un esprit amical, arguant, sur un ton propice à la décrispation, que tous ces mouvements et protestations récurrents dans le secteur de l’enseignement “l’empêchent de dormir” (sic). En substance, il voudrait écouter et deviser, non pas avec des représentants, mais directement avec les concernés qui lui sont politiquement proches en prélude à l’envoi de missions gouvernementales d’écoute dans les préfectures sur la problématique en cause.
Rencontre partisane et clientélisme ordinaire. Cette rencontre-concertation, si elle peut être ainsi qualifiée, est tellement partisane par son moment de survenance (i), sa méthode (ii) et son caractère de non-débat sans pour autant être un plaidoyer (iii)…, qu’elle dessert la cause syndicale des enseignants en particulier et en général celle des autres secteurs professionnels en quête de mieux-être ; in fine, une telle rencontre offre peu de chance, pour les trois raisons qui précèdent, à la République de trouver des solutions consensuelles.
En effet, les temps sont plutôt durs pour les porte-parole de revendications de mieux-vivre et mieux-être envers qui les pouvoirs publics ne développent aucune empathie, le ton et les réactions étant plutôt à la confrontation qu’à la concertation, à la répression qu’à la réflexion ; le Chef de l’État aurait dû s’attirer prioritairement l’attention sur ce point et rassurer les porte-droit et porte-voix de messages syndicaux de sa vertueuse disponibilité au lieu de convier des enseignants militants de son parti à la soupe oratoire. Dans le cas d’espèce, la parole est donnée à ceux qui ne l’ont pas demandée et ne peuvent guère la porter, pendant qu’elle est refusée, avec menaces et persécutions, à ceux qui croient aux vertus inaliénables de la tribune syndicale.
De même, la méthode du Chef de l’État est tellement inclusive de civilités de bon aloi qu’elle offre peu d’opportunités poursonner l’heure des vérités qui ne sont pas bonnes à entendre mais bonnes à éviterles erreurs du passé.À ce propos, nul besoin d’être un courtisan pour avoir de gros scrupules à vider son sac après tant de prévenances et devant celui à qui on doit, par ailleurs, une reconnaissance du ventre, comme dans le cas des enseignants amis du Chef de l’État. C’est bien ancré dans les mœurs universelles, que nul ne scie la branche sur laquelle il est assis: ceux qui ont été conviés à la rencontre-concertation, déjà dépositaires de bienveillance via une proximité politique réelle ou supposée d’avec celui qui se proclame leur ami, sont suffisamment bien élevés à la togolaise pour rendre notoirement plus audibles les sollicitudes et largesses du Chef de l’État que des réclamations syndicales. Ne mords pas la main qui te nourrit, dit l’adage ; ceux qui étaient à la soupe, usant ou abusant de clientélisme politique, le savent depuis trop longtemps.
Enfin, un Chef de l’État ne peut engager de débat contradictoire à contenance syndicale, c’est-à-dire revendicative, avec ses propres partisans et les membres de son parti politique déjà aux commandes des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire notamment ; un tel débat n’est crédible qu’avec des contempteurs.
Droit syndical et réalité syndicale, un couple vertueux à consolider.
La grande leçon est le besoin abyssal de promouvoir un environnement et une méthode pro dialogue et franchement empathiques, ainsi que des actes qui montrent sans ambiguïté et calculs politiciens que le droit syndical et la réalité syndicale sont un couple vertueux et non implosif au Togo d’une part et d’autre part, que le syndicaliste, c’est-à-dire celui qui se fait le porte-parole engagé d’attentes socioprofessionnelles ou simplement corporatistes n’est ni un politique ni un hors-la-loi.
Au demeurant, personne ne peut se plaindre de bonne foi qu’un Chef de l’État descende dans l’arène pour se préoccuper de revendications syndicales et parler au monde syndical et ses syndicalistes. En la matière, qui veut du bien, fait du bien. La grande difficulté au Togo est que les gouvernants sont rarement à l’école du sangfroid et de l’écoute pour que tout se déroule, autant que faire se peut, dans les règles de l’art et de droit, sans aucune violence, ni physique ni verbale, y compris celle dont le Chef de l’État lui-même et son administration seraient comptables, sans répression, de quelque nature que ce soit, sous la forme de licenciement de rétorsion ni de diabolisation des porteurs de messages en direction des pouvoirs publics etc.
C’est infiniment plus difficile mais plus pertinent de gouverner avec le verbe convaincant, comme signe de compétence et appel à la réflexion contradictoire, qu’avec le bâton et le tout-répression dans l’espace public qui paraphent trop souvent des mœurs de prédation. Il faudra pourtant se résoudre au Togo à user notoirement du verbe au détriment du bâton, sous toutes ses formes parmi les plus insidieuses, convaincre à la tribune plutôt que vaincre dans les vestiaires, pour donner une réelle chance à la pertinence de l’action syndicale au service du développement et à l’avènement durable de la paix sociale.
Bonne fête de l’indépendance aux syndicats d’enseignants et à tous.
Vilévo DÉVO