Le code électoral togolais, ce sont tantôt des élections à un tour K.O., voire à candidat unique, tantôt à deux tours jamais effectifs, tantôt comme ci, tantôt comme ça avec toutefois les mêmes constantes, à savoir que ce sont toujours les mêmes qui gagnent et toujours les mêmes qui … boycottent tout à l’avantage de supplétifs et autres partis-charnière opportunistes.
Ce sont par ailleurs des moments de fragilité du vivre ensemble, de violences et diverses entorses à l’expression apaisée des suffrages etc. ; selon les formules officielles consacrées, nationales et internationales, plus diplomatiques que cousues de vérités, ces moments de pénibilités électorales ne remettent nullement en cause la sincérité des scrutins et a fortiori des résultats.
Le code électoral au Togo a assurément besoin d’autres lettres de noblesse.
1. Des problématiques poreuses toujours en relief
Les codes électoraux des Républiques sous les tropiques, comme le code électoral du Togo, montent récurremment en épingle des problématiques comme la multinationalité, l’obligation faite à qui sollicite un suffrage d’observer une durée minimale de résidence sur le territoire national avant la date des élections etc. et nombre d’autres sujets cosmétiques inutilement polémiques qui permettent aux tenants du pouvoir de noyer l’essentiel fondateur et consolidateur de la démocratie dans le vil accessoire.
Hormis au Sénégal des trente dernières années, les codes électoraux africains francophones sont a priori au service, non pas de l’électorat, mais des tenants du pouvoir dont ils reflètent vertement les aspirations profondes anti-alternance démocratique au sommet de l’État ; le code électoral togolais n’échappe pas à cette règle non écrite du “Quoi qu’il en coûte, j’y suis j’y reste“, en vigueur chez les francophones négro-africains.
D’une manière générale, les codes électoraux francophones africains sont rarement pertinents, en ce sens qu’ils sont outrageusement partisans puisque dépourvus de faculté de sanction des mauvais gouvernants ; ils sont d’une équité et d’un réalisme trompeurs. Sinon, comment expliquer que des tenants du pouvoir d’État dont la gestion des affaires publiques est marquée par une incapacité à contenir la pauvreté et le chômage, une visibilité préoccupante du tribalisme, des scandales de corruption et de concussion, un échec patent de la gouvernance macroéconomique dans certains cas, une paix civile rendue précaire par des revendications politiques et syndicales récurrentes et au final rien d’édifiant à leur actif sinon une gouvernance dangereuse, soient régulièrement réélus et confortablement !
En substance, le traitement des questions essentielles est bâclé dans les codes électoraux en cause quand ces questions ne sont pas érigées exprès en sujets qui fâchent pour dévider les réflexions opportunes de contenus promoteurs d’institutions républicaines impartiales, solides et crédibles. Ce sont toujours des problématiques qui n’en sont pas qui sont mises en avant et qui en réalité servent l’incurie de gouvernants à la recherche d’une présence pérenne au sommet de l’État.
- Des sujets préjudiciels éternellement en veilleuse
Les questions essentielles et préjudicielles, que suscite un code électoral au-dessus de tout soupçon, sont sans doute celles dont les réponses assurent un apolitisme univoque et vertueux de l’administration publique, ce qui suggère une séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et un exercice sans entrave de la réalité du quatrième pouvoir que représente la presse. Encore faudrait-il ensuite disposer d’une définition appropriée de l’électorat et son découpage, inclusif ou non de la diaspora ou des résidents d’origine étrangère, résolutoire ou non des questions tribales malheureusement encore vivaces ; il faudrait aussi garantir une fluidité de l’accès à l’urne et une transparence exempte de toutes zones d’ombre dans le traitement et la publication des résultats. Enfin, sont tout aussi contributives à l’expression d’un suffrage démocratique, les questions liées à l’équité dans les budgets consacrés aux campagnes électorales par les différentes parties intéressées, ainsi que la capacité d’une administration non partisane à les contrôler, pour limiter les achats de conscience etc.
À côté des questions essentielles, il y a aussi des questions secondaires non moins incontournables pour l’expression libre et sans entrave de tout suffrage ; les réponses opportunes qui leur sont traditionnellement apportées fondent une démocratie inclusive et de qualité. Au titre de ces questions secondaires, ce sont à tout le moins comment sont prises en charge les préoccupations ci-après : les nécessaires dossiers d’enquête de moralité, pour mettre au service de la République des politiciens intègres, les questions de transhumance politique avec en toile de fond les effets pervers des achats de conscience dans une démocratie multipartiste, les problématiques de conflits d’intérêts, les exigences le cas échéant de curriculum vitae etc.
Au final, nombreuses mais pertinentes sont les questions interlocutoires pour une transparence sans ambages du vote et de son expression dans les formes les plus apaisées. Il y a énormément matières à réflexion au Togo sur ces différents sujets essentiels et préjudiciels à la rédaction d’un code électoral qui promeut des lendemains apaisés d’élection.
- Des mises à l’écart de mauvaise inspiration
Préalables à l’élaboration d’un code électoral, les questions interlocutoires montrent que l’exclusion de la diaspora des enjeux politiques majeurs au Togo, que subodore la mise à l’écart des binationaux, est de bien mauvaise inspiration, surtout à l’heure où la mobilité des populations et le droit d’établissement sont servis à tout-va dans les discours des Chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) comme des crédos officiels de ladite organisation. En l’occurrence, écarter des enjeux électoraux un citoyen togolais pour sa binationalité, ou encore le contraindre à choisir entre la nationalité de son père et celle de sa mère le cas échéant, juste pour des préoccupations électoralistes, car au final c’est bien de cela qu’il s’agit pour certains, est en contradiction avec les velléités officielles d’appel à la diaspora pour qu’elle œuvre à l’édification de la nation.
Bientôt, à l’allure où va l’humeur du Chef, les binationaux de bonne foi, c’est-à-dire ceux dont la situation est connue, ne pourront plus entrer au Gouvernement ni être éligibles à la députation. C’est finalement ignorer que dans tout bi-nationalisme, il y a une nationalité-terroir et une nationalité-refuge ou une nationalité d’origine et une nationalité d’établissement qui n’ont rien d’antagonique. Pour l’exemple et il n’y a pas si longtemps, le ministre en charge de l’environnement du Sénégal était un syrolibanais d’origine établi de bonne date dans ce pays.
En définitive, il est regrettable qu’un sujet foncièrement national comme celui du code électoral se prive de débats élargis à toutes les forces vives et soit simplement traité comme une lettre à la poste rédigée uniquement par ceux qui ont tout à gagner et absolument rien à perdre dans la gestion de la République togolaise. In fine, à l’opposition politique et à la société civile togolaises ou ce qu’il convient de qualifier ainsi, un code électoral si partisan et si garant de statu quo propose ni plus ni moins d’aller à la soupe politique des tenants du pouvoir ou de périr car il est de faible épaisseur démocratique.
Vilévo DÉVO