La saison agricole 2022-2023 s’annonce beaucoup plus difficile pour les paysans togolais. Cette agriculture essentiellement familiale occupe 70% de la population active pour environ 41% du PIB depuis des décennies. En plus du manque chronique de la main d’œuvre agricole, de la cherté de la vie et de la rareté des intrants agricoles, en raison de la crise russo-ukrainienne, le paysan doit faire face aux impacts pervers liés au changement climatique. Face à tout cet imbroglio, les agriculteurs doivent désormais adopter des attitudes résilientes qui passent par la maîtrise de l’eau et les techniques idoines pour une agriculture saine.
Les premières pluies annonçant la nouvelle saison agricole ont mouillé les terres dans la Région des Plateaux, de la Kara et ailleurs en début du mois de mars mais de très courte durée. Ceci confirme les résultats issus des prévisions de la MÉTÉO TOGO qui dresse qu’au cours des mois de mars, avril et mai 2022, le pays connaîtra une situation pluviométrique déficitaire à tendance normale à l’exception du sud des Savanes où les précipitations normales à tendances excédentaires sont attendues. Pour la période allant d’avril à juin, il est prévu une situation déficitaire à tendance normale sauf dans la région des Savanes où les précipitations normales à tendances excédentaires sont prévues. Avec les changements climatiques, il peut donc pleuvoir dans un village, quartier et autre petit espace sans atteindre un autre. Et bien parfois il peut pleuvoir dans une zone donnée non prévue par les stations météorologiques.
La gouvernance approximative de l’agriculture togolaise
Après la glorieuse époque de la révolution verte déclenchée par feu président Gnassingbé Eyadéma dans les années 1975, suivra une chute emportant les structures comme Togo Grain, Togo Fruit et en dernier lieu l’OPAT. L’agriculture togolaise, quoique budgétivore ne cesse de plonger. Le peuple togolais a découvert le vrai visage de cette gouvernance de son agriculture au lendemain de la mort du Général. C’était la période caractérisée par une hausse exponentielle du prix des vivres et des céréales. Ainsi, pour la première fois au Togo, le bol du maïs avait franchi la barre de 1 000 Francs CFA. C’était l’époque de l’ancien Secrétaire Général de la Jeunesse du Rassemblement du Peuple Togolais (JRPT), le ministre M. Komikpim Bamnante. Les bruits ont couru que c’est la gestion calamiteuse des stocks agricoles au lendemain de la mort du Gal Gnassingbé Eyadéma, qui a plongé le ministre Bamnante dans les oubliettes du parti Etat. Or selon les informations, un réseau de gangsters s’était organisé autour de ce ministre pour dilapider les stocks de sécurité vers l’extérieur du pays. Un stock que le feu président avait l’habitude de constituer, à travers les grandes zones de production céréalières pour faire face à la pénurie.
Après suivront les ministres, Charles Kondi Agba, feu Kossi Ewovor et le redoutable cumulard Colonel-Ministre-Directeur, Ouro-Koura Agadazi au ministère de l’Agricole et de l’élevage. Le passage du Col. Agadazi a coïncidé avec la prolifération des nombreux bailleurs de fonds, dont le FIDA et la BM, à travers le Projet d’Appui au Secteur Agricole (PASA), le Projet d’Appui au Développement Agricole du Togo (PADAT) et le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO-TOGO). Le triste constat à la fin de la mise en œuvre desdits projets a révélé que tous ces programmes n’ont que servi des discours et des rapports mensongers sur de pseudos avancées dans le domaine agricole. Puisque la réalité sur le terrain a montré que la sous-production persiste et aussi la mécanisation et la maîtrise de l’eau pour l’agriculture sont toujours à l’étape embryonnaire. Ces milliards de FCFA semés dans du vent ont certes permis au Chef de l’État, Faure Gnassingbé de récolter de petites décorations à l’extérieur. La mécanisation tant vantée n’est que du pipo, car les engins sont insuffisants et inadaptés. Seule une minorité composée essentiellement des barons du sérail ont bénéficié des tracteurs qui sont parfois moins adaptés au sol togolais. Si bien que les vrais agriculteurs sont obligés de faire recours à la houe et à la machette avec une main d’œuvre rarissime. Plus grave, plusieurs agriculteurs se sont trouvés obligés d’utiliser les pesticides avec ses conséquences désastreuses sur l’environnement et la santé humaine. La majorité des jeunes étant attirée par l’exode rural ou au métier de taxi-moto. L’autre frange de la jeunesse sédentaire est pour la grande partie décimée par l’alcool et les stupéfiants de tout genre.
Les prévisions de météo et le dérèglement climatique
Les études des Services météo préviennent par rapport au risque de sécheresse cette saison. Selon les résultats obtenus pour la campagne agricole 2022-2023, les situations des cumuls pluviométriques moyens ont tendance déficitaire. En effet, elles annoncent des dates de début de saison tardives, des séquences sèches longues, des dates de fin de saison tardives à moyennes et des écoulements à tendance déficitaire. Ceci, laisse planer des risques de déficits hydriques pendant la grande saison des pluies de la bande bimodale du Togo. Cette situation présage des risques de sécheresse qui pourraient entraver la croissance des cultures et des plantes fourragères, favoriserait le développement d’insectes ravageurs des cultures et réduirait les volumes des eaux de surface pour les usages hydrauliques (barrages hydro-électriques, aménagements hydro-agricoles, …).
Pour vraiment y faire face, il est recommandé, entre autres, de veiller à la gestion rationnelle des ressources en eau pour assurer les besoins des barrages hydro-électriques et des aménagements hydro-agricoles, diversifier les pratiques agricoles, à travers la promotion de l’irrigation, du maraîchage, pour réduire le risque de baisse de production, adopter des techniques culturales de conservation des sols et de l’eau, promouvoir l‘utilisation des espèces et variétés de cultures tolérantes au déficit hydrique et à cycles courts, renforcer la vigilance contre les maladies fongiques/bactériennes et des ravageurs des cultures (chenille légionnaire d’automne et autres insectes nuisibles). Il faut également sensibiliser sur les maladies climatiques sensibles, en collaboration avec les Services de météorologie, d’hydrologie et de santé et aussi interagir avec les techniciens de la Météorologie Nationale, de l’Agriculture et de l’Hydrologie. Ceci pour des informations spécifiques et des conseils agro-hydro-météorologiques sur les conduites à tenir.
En dépit du caractère globalement moins pluvieux attendu pour la grande saison des pluies au sud du Togo, il n’est pas exclu l’observation des évènements de fortes pluies pouvant entraîner des inondations plus ou moins localisées.
Les résultats des différentes études sont mis à la disposition des structures, telles que ICAT, ITRA, DSID, etc. Ces structures ont des représentations dans toutes les préfectures du pays et les techniciens de ces structures sont plus proches des producteurs pour l’encadrement technique.
Comment valoriser les opportunités ?
Cette nouvelle campagne qui s’annonce critique avec de profondes anomalies dans les prévisions précédées d’une sécheresse sauvage doit inquiéter plus d’un. Au regard du caractère globalement moins pluvieux de la grande saison des pluies dans la zone bimodale, attendu pour 2022, il est recommandé aux agriculteurs, autorités, gestionnaires des ressources en eau et autres acteurs à soutenir le déploiement de techniques climato-intelligentes d’augmentation des rendements des cultures face à des risques climatiques, notamment celles liées à la sécheresse.
En fait, il est nécessaire que la terre soit bien mouillée avant de recevoir le semis. Et pour les zones où la pluviométrie ne pose pas de souci comme dans les plateaux, les paysans attendent que la pluie tombe pour réaliser les activités culturales. Par contre, au nord et souvent dans le Sahel, les précipitations étant plus ou moins rares et parfois insuffisantes, ces derniers développent des techniques alternatives pour s’adapter aux conditions pédoclimatiques de leur milieu. Par exemple, faire les buttes en fin de saison des pluies pour les ignames ou bien enrôler les semences et faire les semis à sec pour profiter des premières pluies dans les zones sahéliennes.
Chaque zone pédoclimatique a donc sa spécificité et les peuples développent des aptitudes pratiques qui leur permettent de s’adapter. Il est également impérieux de renforcer les dispositifs d’encadrement et d’assistance agro-hydro météorologiques des producteurs et faciliter aux producteurs l’accès aux semences améliorées et aux techniques adaptées.
Généralement au Nord du Togo, les premières boutures rentrent dans les buttes déjà à partir de fin décembre pour les bas-fonds et les mises à terre finissent en février. Selon les planteurs, c’est la chaleur qui fait germer et dès les premières pluies l’on plante les tuteurs. Mais au Sud, sauf les bas-fonds, l’on attend mars voir avril pour faire les buttes et planter. C’est dire qu’au sud, c’est la pluie qui fait pousser… Il faut vraiment un travail propre pour partager les bonnes pratiques. Tout se fait dans un art et le choix des variétés également entre en jeu. Cependant, le grand retard de pluies observé au nord l’an dernier et qui a occasionné la destruction des plans d’igname a conduit les paysans cette année à faire un décalage dans la mise en terre. C’est ainsi que dans ces zones, on trouve encore des paysans qui n’ont pas encore fini de mettre des boutures dans les buttes. On peut dire que l’on s’achemine vers une même période agricole.
Le producteur c’est le premier chercheur. C’est ce que nos parents au village font chaque jour. Nous apprenons d’eux et améliorons juste ce qu’ils font déjà pour rendre plus performant l’agriculture. Pour sortir de ces effets, il faut juste passer à la maitrise de l’eau afin de produire à tout temps. C’est le grand défi qui doit être relevé pour éviter le désastre et le désarroi que vivent nos producteurs chaque année.
Bref, le monde paysans aujourd’hui à besoin des techniques de résilience au changement climatique. Pour avoir accès à ces bonnes pratiques, il faut que les paysans s’organisent en groupements et s’approchent des Services techniques de l’agriculture tel que l’ICAT.
Francisco NAPO-KOURA