Extrait de Nakpane LABANTE, 2012 « Nicolas GRUNITZKY, un des pères méconnus du monopartisme au TOGO (1963-1967). »
Le Togo, qui se dota à la veille de son indépendance d’une constitution de type parlementaire, a paradoxalement constitué le “territoire pilote” en matière du déclin des principes démocratiques. En effet, l’élite politique togolaise a été toujours tentée par l’expérience unipartiste. Dès 1951, la JUVENTO avait prôné la création d’un parti unique. De même, le 13 janvier 1962, le président Olympio avait imposé le Parti de l’Unité Togolaise (PUT) comme parti unique de fait. Enfin, à l’issue des événements du 13 janvier 1963, l’idée unitaire avait fait son chemin, avec lenteur mais non sans assurance auprès des partis politiques, des syndicats et des organisations de jeunesse. C’est ainsi que la conférence des quatre partis politiques (JUVENTO, UDPT, MPT et UT), tenue en septembre 1963 à Kara, s’était prononcée pour la création d’un « mouvement unifié de masse » qui devait prendre la dénomination de « Rassemblement du Peuple Togolais ». Pour donner un écho solennel à cette volonté, Barthélemy Lambony, président de l’Assemblée nationale de 1963 à 1967, s’était lui aussi prononcé, le 1er octobre 1963, en faveur d’un mouvement de masse qui porterait la même dénomination. Le dernier indice de la détermination des responsables politiques d’alors d’écrire une nouvelle page de l’histoire du pays était le rassemblement, le 4 décembre 1965, au stade municipal de Lomé des représentants des quatre formations politiques qui jadis s’entre-déchiraient. L’objectif de cette rencontre était de définir les bases d’une éventuelle unification des partis politiques. A travers donc de patientes démarches, le président Grunitzky avait recherché les bases d’une coexistence pacifique et de coopération entre les partis.
L’idée d’instauration du monopartisme ayant traversée la tête de tous les courants de l’époque, la question qui se pose est dans quelle mesure les différentes actions posées par Nicolas Grunitzky et ses collaborateurs ont créé un terrain favorable à l’institution d’un parti unifié, projet politique détourné par leurs successeurs ?

Le contexte de l’accession au pouvoir de Nicolas Grunitzky : la chute du régime Olympio
Après l’assassinat du Président Sylvanus Olympio dans un coup d’Etat le 13 janvier 1963, sur conseil de la France, et pour marquer la fin de la phase militaire de l’insurrection, le 16 janvier 1963, un gouvernement provisoire a été constitué et conduit par Nicolas Grunitzky. Il s’agit d’un gouvernement d’union nationale, dont la moyenne d’âge très jeune, comprend, en plus du président, 7 ministres dont 1pour UDPT, 1 pour MPT, 1 pour PUT, 1 pour JUVENTO et 3 indépendants.
Dès sa prise de fonction présidentielle, Nicolas Grunitzky s’efforce de créer des conditions qui ont permis au dialogue et à la coopération entre partis politiques de triompher.
Le gouvernement provisoire et le triomphe de la coopération entre partis politiques (16 janvier-5 mai 1963)
Le président Nicolas Grunitzky, dès la formation de ce gouvernement, a précisé ses missions. Sur le plan intérieur, il doit pratiquer une politique de réconciliation et d’union nationale. « Aucune vengeance, aucune représailles », a-t-il déclaré. Sa tâche essentielle doit être la préparation d’élections libres à une date très rapprochée. Après accord entre les partis, la constitution d’une liste unique est souhaitable. A ce propos, Noé Kutuklui, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Fonction publique d’alors, avocat, ancien président de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) et secrétaire général adjoint du PUT, a déclaré le 22 janvier que son parti est « pour l’unité nationale, mais pas dans la confusion». « Je suis pour l’union nationale et non avant », a-t-il conclu. Sur le plan économique, le chef du gouvernement provisoire a notamment laissé entendre que son équipe doit veiller à la poursuite de l’industrialisation en donnant des facilités à ceux qui veulent investir leurs capitaux au Togo. Enfin, au plan extérieur, vis-à-vis des étrangers, la politique du gouvernement provisoire doit être celle de la coopération amicale et confiante, et vis-à-vis des pays africains, celle de la poursuite avec une détermination inébranlable de la coopération en vue de l’unité africaine.
Les toutes premières décisions prises par ce gouvernement s’inscrivent dans le cadre de cette politique. En ne se limitant à celles prises sur le plan intérieur, on constate que la première ordonnance de ce gouvernement dissout l’Assemblée nationale et abroge la constitution du 14 avril 1961. Une amnistie générale est proclamée le 23 janvier. De même, les anciens partis politiques, précédemment dissous, ont été rétablis. Enfin, plusieurs cérémonies de réconciliation entre membres du PUT et de l’Union Démocratique des Populations Togolaises (UDPT) se sont déroulées, notamment à Tsévié.
Quelques mois après la formation du gouvernement intérimaire, on observe une certaine réalisation des objectifs qu’il s’est assignés. Les consignes de paix et d’union nationale, données d’abord par des groupes de militaires envoyés par l’armée, puis par les chefs de circonscriptions ont porté leurs fruits. Malgré des motifs légitimes de ressentiments chez les uns et les autres, la compréhension, le souci de justice et de réconciliation ont prévalu et prédominé. La réorganisation administrative a aussi contribué à cette évolution. De nouveaux chefs de circonscriptions ont été désignés : ils ont été choisis en raison de leur compétence administrative et de la connaissance qu’ils ont de leur circonscription. Les conseils de circonscription ont été dissous, parce qu’ils ne sont composés que de membres d’un seul parti politique et ne peuvent, par conséquent, représenter l’ensemble de la population. Il convient, en outre, de sortir du provisoire et de permettre à tout le pays de se prononcer sur son sort. C’est alors que pour préparer cette consultation, le gouvernement a proposé aux différents partis politiques de se réunir en une Table Ronde pour établir les grandes lignes de l’action à mener en commun. La JUVENTO, le Mouvement populaire Togolais (MPT), l’UDPT et l’UT ont envoyé chacun trois délégués à cette Table Ronde qui a tenu cinq séances plénières du 26 février au 2 mars 1963, sous la présidence du Dr Jean-Richard Johnson. Les représentants de toutes les forces vives de la Nation (syndicats, communautés religieuses, armée) ont été conviés à participer comme observateurs à ces séances. Les membres du corps diplomatique, de hautes personnalités togolaises et la presse ont été également invités à assister aux séances solennelles d’ouverture et de clôture de la Table Ronde. Les mandataires de ces partis sont : UDPT : Fousséni Mama, Georges Apédoh-Amah, Emmanuel Awokou. -MPT : Samuel Aquéréburu, Charles Domlan, Dr Pédro Olympio. -JUVENTO : Firmin Abalo, Emmanuel Nubukpor et Cosme Kovi Dotsey.
Tous les partis politiques sans exception ont approuvé le programme de réconciliation et d’union nationale présenté par le gouvernement provisoire. Ils ont été tous d’accord sur le principe de la constitution d’une liste d’union nationale les regroupant en vue d’une consultation électorale. Tous les partis ont été unanimes pour demander au gouvernement de préparer un projet de constitution à soumettre à l’approbation populaire. Cependant, sur un point, un accord complet n’a pu être réalisé : la répartition des sièges au sein de la liste d’union nationale. Seule l’égalité du nombre des sièges paraît acceptable. Elle respecte les droits de chacun et évite toute querelle inutile. Mais l’Unité Togolaise n’a pas voulu admettre cette proposition et a réclamé une part prépondérante dans la représentation nationale. En fait, cette exigence ne se justifie par aucun argument probant et elle établit entre les partis une inégalité contraire aux principes mêmes de l’union et de la réconciliation. Il n’est donc pas surprenant que les autres partis politiques aient rejeté cette demande. Bien que la bonne entente réalisée n’ait pu être complète, on peut constater l’accord de tous sur les points suivants : union et réconciliation nationales, constitution d’une liste d’union nationale pour les élections, préparation d’une nouvelle constitution.
Un projet de constitution élaboré par le gouvernement est soumis, le 29 mars 1963, à l’examen de la conférence de la Table Ronde. Les travaux de cette conférence se sont terminés de façon que, compte tenu des diverses dispositions d’ordre administratif et réglementaire, les Togolais ont été appelés aux urnes le 5 mai 1963 pour approuver ou rejeter le projet de constitution, désigner leurs représentants à l’Assemblée nationale et permettre ainsi la mise en place de nouvelles institutions.
Le 5 mai 1963, la nouvelle constitution recueille 568 312 voix contre 8 484, soit 91 % des inscrits et 98 % des votants. Le nouveau texte établit un équilibre entre l’exécutif et le Parlement ; en cas de conflit, l’arbitrage est confié à une Cour suprême. Le président est élu pour cinq ans. Il est assisté d’un vice-président, auquel il peut déléguer une partie de ses fonctions. L’Assemblée, qui comprend 56 membres, peut voter une motion de censure à la majorité des 2/3. Quant à la liste unique d’union nationale, elle est désignée par 568 893 suffrages. Le 6 mai au matin, la République togolaise a retrouvé la légalité. Entre-temps, une fraction de l’Unité Togolaise menée par Me Kutukuli qui s’est rallié et a participé aux travaux préparatoires de la constitution, décide le 8 avril 1963 de boycotter les élections. Le lendemain est découvert un complot ourdi par Théophile Mally, depuis le Nigeria, et par Me Kutuklui. Cela n’entame en rien la volonté inébranlable du président Grunitzky à poursuivre la recherche de la cohésion nationale.
Des initiatives du gouvernement légal pour consolider la politique d’union et de réconciliation nationales (6 mai 1963- 1965)

Au lendemain des scrutins du 5 mai 1963, Grunitzky constitue un nouveau gouvernement avec cette fois dix ministres, au premier rang desquels le vice-président Méatchi qui conserve les finances, tandis que le président lui-même s’occupe de la défense et de l’intérieur. L’Unité Togolaise réapparaît dans cet exécutif avec un représentant moins combatif que Noé Kutuklui, Pierre Adossama. Dans le discours programme prononcé par le président Grunitzky le 15 mai 1963 devant la nouvelle Assemblée nationale, il lance un appel à la véritable paix intérieure, celle qui résulte de la concorde des esprits et non pas de l’effacement des personnes.
Les débuts de la Deuxième République ont été mis à profit pour jeter les bases d’une véritable politique d’union nationale.
Les allocutions mensuelles du président à la nation du 24 août et du 24 novembre 1963 : écho de la politique d’union et de réconciliation nationales
Ces deux adresses du président de la République au cours de l’année 1963 constituent en quelque sorte le point de départ de cette politique. Ainsi, dans celle du 24 août, où il fait le point de l’action gouvernementale depuis son entrée en fonction, on peut lire : « […] Le substrat sur lequel reposent nos efforts et qui, seul, conditionne leur plein succès, je l’ai dit et redit, c’est la Réconciliation et l’Union nationales. Je n’ai pas pensé et voulu cette politique de Réconciliation et d’Union Nationales comme un moyen détourné de parvenir au parti unique au profit d’un seul individu ou d’un groupe d’individus, et de museler le reste de la nation. Nous savons tous qu’un régime basé sur la dictature, l’arbitraire et l’injustice ne dure qu’un temps. J’ai voulu et je veux de toute la force de mon âme que les Togolais, au lieu de se combattre et de s’entredéchirer sans savoir au fond pourquoi, se tolèrent, se coudoient fraternellement pour mieux se connaître et mieux s’apprécier. Que tous, unis dans le même amour de la patrie commune, joignent leur énergie, leurs efforts dans l’intérêt majeur de notre pays à tous. […] Mes chers compatriotes, je vous adresse ce soir encore un appel pressant pour que nous tous, nous luttions courageusement et remportions une victoire définitive sur nos propres rancœurs promptes à revenir en surface, et que nous nous unissions tous pour œuvrer à la paix et au bonheur de notre pays. La politique de Réconciliation et d’Union Nationales, par définition, exclut tout ostracisme. Je désire qu’elle soit largement sinon unanimement acceptée et appliquée, parce qu’elle ne peut léser aucun intérêt légitime ; je désire que tous les Togolais, quels qu’ils soient, la fassent leur, par une adhésion spontanée, joyeuse et sincère. Et dans ce cadre, le Gouvernement envisage de prendre très prochainement des mesures de grâce, des mesures de clémence en leur donnant le sens d’un appel à un certain nombre de nos compatriotes et d’une possibilité qui leur serait donnée de s’associer librement à notre politique de Réconciliation et d’Union Nationales qui bannit la haine et la rancœur ; qui ne connaît pas non plus ni ostracisme ni exclusive, je viens de le dire. Nous ne devons pas, mes chers compatriotes, avoir peur d’être généreux, à plus forte raison de rechercher la générosité ; ce serait indigne de la cause que nous défendons.
Mais, je me dois de donner cet avertissement : nous combattrons avec la dernière énergie ceux qui voudront saboter ou compromettre la Réconciliation et l’Union Nationales. Les laisser faire serait nous rendre nous-mêmes complices des ennemis de notre pays et vider de tout son sens notre appel.»
C’est une lapalissade, cette mise en garde du président est lancée aux dirigeants de la branche radicale de l’Unité Togolaise qui subordonnent leur participation à la politique de réconciliation nationale au châtiment des meurtriers de Sylvanus Olympio. Du reste, dans son allocution du 24 novembre 1963 consacrée à l’examen de la situation intérieure, tant dans le domaine politique que dans le domaine économique, Nicolas Grunitzky a encore une fois insisté sur l’impérieuse nécessité de l’union de tous les Togolais. Il déclara à cet égard : « Enfin, il nous faut absolument écarter les dangers qui nous menacent encore : je veux parler du Régionalisme et des luttes politiques qui ne peuvent que conduire le pays au chaos. Lors de ma prestation de serment, je vous demandais instamment de renforcer l’Union nationale, et je vous disais que, comme un nouveau-né, elle était encore fragile et avait besoin de soins attentifs et constants. Aujourd’hui encore, je vous dis que c’est seulement dans la compréhension, la Paix, et l’Amitié que nous pourrons bâtir notre pays. Le Togo du Sud au Nord, doit former une Nation unie, parfaitement consciente d’elle-même. Toutes les politiques régionales doivent être bannies. Il n’y a pas, au Togo, entre les diverses régions du pays, d’intérêts divergents, car il n’échappe à personne que les conditions de vie de nos masses paysannes sont identiques du Nord au Sud. J’avais aussi parlé de réconciliation : c’est pour la concrétiser que j’ai pris les mesures de grâce annoncées. Mais quelle contradiction absurde et douloureuse pour nous si nous étions contraints de faire arrêter d’autres compatriotes dont la seule mission est de bafouer la volonté nationale. Nous n’agirons que dans la légalité, en évitant l’arbitraire qui a tant nui à ce pays. Mais tout ceci n’est pas pour nous de vains mots. Nous venons, dans le procès que vous savez, de donner des preuves de notre souci de légalité : les débats judiciaires se sont déroulés dans une atmosphère d’absolue liberté, les droits de la défense, soutenus aussi bien par des avocats étrangers que par des avocats togolais, n’ont subi aucune restriction et la liberté d’expression des accusés et de leurs conseils n’a été soumise à aucune entrave.
…Mes chers Compatriotes,
La course au pouvoir, comme les luttes politiques, sont stériles. Nous avons mieux à faire. C’est le sous-développement qu’il faut vaincre : c’est cette vraie victoire qu’il nous faut remporter.»
Ces deux adresses constituent le mur de soutènement de l’entente nationale réalisée par l’UDPT, le MPT, l’UT et la JUVENTO (Mouvement de Jeunesse Togolaise) qui a lancé le mot d’ordre : « S’unir pour bâtir dans l’ordre, par le travail et pour la paix ». C’est ainsi que du 20 septembre au 30 novembre 1963, une délégation nationale de membres influents des quatre partis a organisé, sur toute l’étendue du territoire, une tournée de conférences publiques en vue d’informer largement la population sur les mesures d’application de la politique de réconciliation et d’union nationales préconisée par le gouvernement.
Au demeurant, le changement de régime provoque une certaine détente. L’atmosphère de crainte pendant la présidence de Sylvanus Olympio, en raison notamment des pratiques policières du ministre de l’intérieur, disparaît peu à peu. Cette ambiance ne peut que susciter une adhésion à la politique préconisée par le gouvernement.
Le plein soutien de la branche de l’Unité Togolaise favorable à la politique du président Grunitzky
Après la commémoration du premier anniversaire de la formation du gouvernement provisoire le 16 janvier 1964, le chef de l’Etat rencontre, le 21 janvier, au palais de la présidence, le groupement de l’Unité Togolaise favorable à la politique d’union et de réconciliation nationale. Au cours de cette rencontre, l’honneur échoit au chef Toyo d’Agoméglozou de prendre la parole pour exprimer l’indéfectible attachement de son groupe au gouvernement Grunitzky. Il déclare qu’après les événements du 13 janvier 1963, ils n’espéraient plus en la clémence du président Grunitzky. Il poursuit en concluant : « Mais, à notre grande surprise, c’est un appel à la réconciliation qu’il a lancé. Nous proclamons donc notre entier soutien au gouvernement d’union et de réconciliation du président Grunitzky, et nous lui souhaitons une heureuse continuité dans la politique de justice, qu’il a entreprise ».
Les chefs Gbadégbé d’Amou-Oblo et Kpégba d’Agou ont, l’un après l’autre, pris la parole pour appuyer les déclarations de leur prédécesseur. Puis, vient le tour du député Emmanuel Gbédey de lire la résolution qui réaffirme l’attachement indéfectible de son groupement au gouvernement Grunitzky. Avant que le chef de l’Etat n’intervienne, Pierre Adossama, Ministre de l’Education nationale, représentant de l’Unité Togolaise au sein du gouvernement, a exprimé sa joie pour l’initiative de son parti et a profité de l’occasion pour témoigner sa reconnaissance au président. « Il n’est pas nécessaire que je vous retrace les raisons qui ont amené l’écroulement de l’ancien régime. Mais, il est impérieux que chacun de nous se mette au travail, pour que notre pays vive. Tous les enfants d’une famille ne peuvent pas avoir la même opinion », a-t-il poursuivi. « Cependant, a dit pour terminer Adossama, en confrontant leurs points de vue différents, ces enfants peuvent parvenir à des résultats positifs ». Comme on le sait, ce n’est pas l’état d’esprit qui régnait au sein de l’Unité Togolaise, parti profondément divisé en deux clans dont les points de vue étaient diamétralement opposés. Dernier orateur au cours de cette rencontre, le président Grunitzky a prononcé une laconique allocution dans laquelle il a notamment déclaré : « Il ne faudrait plus vous faire un long discours sur les circonstances de notre avènement au pouvoir. Mais ce qui compte, ce qui permettra un meilleur devenir de notre pays, ce n’est ni les haines tribales, ni les calomnies, mais le travail. Il est vrai qu’avant n’importe quelle élection, il y a des remous. Mais après le référendum, il devenait impérieux que tous se rassemblent derrière le gouvernement élu, pour travailler harmonieusement. Ce pays n’appartient à personne, mais à tous les Togolais, donc c’est aux Togolais de le bâtir. L’ablodé que nous désirons pour ce pays, c’est un ablodé dont tout le monde, jusqu’aux plus petits puisse profiter. Nous ne voulons pas d’ablodé individuel »
Le chef de l’Etat termine ainsi son discours en égratignant le régime Olympio dont le règne n’aurait pas été profitable à l’ensemble des Togolais. D’autre part, le président Grunitzky adopte une attitude d’équilibre et de conciliation et s’attache à rassurer les populations de l’intérieur. C’est dans cette perspective qu’il se rend, au cours du mois de février 1964, dans la région septentrionale pour marquer ainsi tout l’intérêt qu’il porte à toutes les régions du pays
La tournée présidentielle au Nord-Togo en 1964 : la recherche d’une adhésion populaire à la politique du gouvernement
Blitta a été, le 5 février, la première étape de cette tournée dans les circonscriptions administratives du Nord-Togo. Souhaitant la bienvenue au chef de l’Etat, le chef de poste administratif, Joachim Akouvi, a brièvement retracé les horreurs que la ville de Blitta a vécues sous l’ancien régime et a affirmé que la population de sa circonscription était heureuse de constater que la politique d’union et de réconciliation nationales prônée par le gouvernement n’était pas un vain mot. « En un an, a déclaré Joachim Akouvi, la preuve a été faite que votre appel du 17 janvier 1963 a été entendu. La confiance renaît, vous avez conquis les cœurs ». Dans sa réponse, le président Grunitzky s’est réjoui de se retrouver à Blitta pour la première fois depuis son accession à la magistrature suprême avant de déclarer que son gouvernement est celui d’union nationale. Il a affirmé que la ligne politique de son gouvernement, celle de l’union et de la réconciliation, est largement suivie par toutes les populations du Togo.
Le même jour, le président et sa suite ont visité Sotouboua, Tchamba et Sokodé, où un accueil triomphal leur a été réservé. Le chef de la circonscription de Sokodé, Jean Rinkliff, a, dans une brève allocution, souhaité la cordiale bienvenue au président Grunitzky et à sa suite. Après avoir exprimé la volonté de la population de Sokodé de travailler pour que se réalise le mot d’ordre lancé par le gouvernement, union et réconciliation, le chef supérieur des Cotocoli, Issifou Ayéva, a pris la parole pour exhorter ses administrés à faire confiance au gouvernement Grunitzky. Comme à Blitta et à Sokodé, le chef de l’Etat a repris les mêmes thèmes d’union et de réconciliation. Il a aussi fait appel à la population de Sokodé pour qu’elle contribue à la réalisation des objectifs économiques et sociaux du gouvernement.
Le 6 février, l’honneur revient à la circonscription de Bassar d’accueillir le président et la délégation qui l’accompagne. Après les formalités d’accueil, le chef de circonscription, Bonfoh Bassabi, s’est déclaré très heureux d’avoir le privilège d’accueillir le président de la République dans sa circonscription. Evoquant ensuite les circonstances qui ont conduit au nouveau régime, il a témoigné : «Répondant héroïquement présent à l’appel de l’armée, à travers son chef prestigieux, le commandant Bodjollé, vous vous êtes fait le maître de la situation, non seulement comme un simple chef d’Etat, mais en prenant la fraternelle initiative de préconiser une politique d’union et de réconciliation nationales qui permet d’ores et déjà, à tous les fils sortis de prison comme revenus d’exil, de se retrouver ensemble pour bâtir notre commune patrie, le Togo. Cette réconciliation préconisée par votre Excellence a porté ses fruits dans toute l’étendue de la circonscription de Bassar.» Prenant la parole à son tour, le chef de l’exécutif a remercié la population pour l’accueil chaleureux dont il a été l’objet. Puis il a évoqué très rapidement les circonstances qui l’ont amené au pouvoir et a fait appel à tous pour l’union et le travail. Remerciant ensuite le peuple d’avoir écouté l’appel du gouvernement, le président a souligné un point essentiel qui est d’oublier le passé et de se regrouper pour travailler en commun, la main dans la main, pour bâtir un Togo uni et fort.
Bafilo a également accueilli, le 7 février, le président de la République dans le cadre de sa grande tournée dans le Nord du Togo. A l’instar des autres villes qui ont reçu le chef de l’Etat, c’est le premier responsable de la circonscription de Bafilo, Pascal Sanson, qui a pris la parole pour lui souhaiter la bienvenue. Dans le discours qu’il a prononcé, celui-ci a rappelé les événements du 13 janvier 1963 et déclaré que c’est grâce à l’armée togolaise et au dynamisme du chef d’état-major, le commandant Bodjollé, que le Togo a pu être sauvé. Abordant le mot d’ordre du gouvernement, union et réconciliation, Pascal Sanson a dit : «En prêchant l’union et la réconciliation, nous avons compris combien vous défendez l’Etat, ses institutions, constitution et en même temps ses intérêts permanents.» L’allocution du président Grunitzky a été chaleureusement applaudie. Il s’est réjoui de l’accueil triomphal qu’il a reçu à Bafilo : « Cet accueil honore mon gouvernement et la ville de Bafilo ». « C’est grâce à l’action de l’armée nationale que nous respirons librement dans le pays », a déclaré le chef de l’Etat qui fait ainsi allusion au coup d’Etat du 13 janvier 1963. Il a également souligné : «Partout où je passe, j’ai mis l’accent sur l’union et la réconciliation, c’est une vérité que je dirais biblique, mais cette vérité prend un sens beaucoup plus aigu s’agissant de notre pays et s’agissant surtout des événements qui s’y produisirent depuis les événements du 27 avril 1958.» Après avoir évoqué brièvement les événements qui ont secoué Bafilo sous l’ancien régime, le président Grunitzky a lancé un vibrant appel à tous les habitants pour qu’ils taisent leur rancœur et s’unissent dans le travail au service de leur patrie commune. Il a dit pour terminer son discours : « Le rôle de notre gouvernement est d’appeler tous les citoyens à des responsabilités marquées dans la voie du progrès et de l’intérêt national. Le gouvernement doit respecter la constitution, les lois et les règlements, il ne s’agit pas d’agir comme on veut. Sans doute, comme on le dit dans l’armée, les textes sont des points d’appui et non des obstacles pour agir. Mais lorsque délibérément un gouvernement ne connaît plus ni constitution, ni lois, ni règlements, et se livre à des actes abominables dans tout pays de démocratie, nous sommes obligés de reconnaître que ce gouvernement a perdu la tête, ce gouvernement s’engageant dans la voie de la folie.»
Comme on le voit, la tournée du chef de l’Etat dans la région centrale a été un succès total caractérisé par une adhésion massive des populations à sa politique d’union et de réconciliation nationales. Si à Sokodé, à Bassar et à Bafilo, le président Grunitzky a été accueilli avec allégresse, c’est à Kara que son accueil a été remarquable. Arrivé dans cette ville le 8 février, le cortège présidentiel a assisté à une prise d’armes et au salut des couleurs togolaises avant d’entendre le discours du chef de circonscription, Alexandre Télou. Celui-ci a d’abord souhaité la bienvenue au chef de l’Etat. Il a ensuite fait allusion au coup d’Etat du 13 janvier qui a permis, grâce à l’action de l’armée togolaise, et surtout de son chef d’état-major, le commandant Bodjollé, de sauver le Togo de l’anarchie et des horreurs de l’ancien régime. Alexandre Télou a promis l’appui total de la population de la circonscription à la politique d’union et de réconciliation pratiquée par le gouvernement. Pour sa part, le député Albert Kpatcha a développé le même thème que celui du chef de circonscription et a souligné l’attachement sincère que porte la population de sa région au chef de l’Etat en personne et à son gouvernement. Bannissant le régionalisme, le racisme et les querelles inutiles, il a appelé tous ces concitoyens à s’unir derrière le digne chef d’Etat, le président Grunitzky et de faire confiance à sa politique de sagesse. A son tour, le chef supérieur des Kabiyè a prononcé un discours dans lequel il a affirmé que tous ses administrés approuvent pleinement la politique du gouvernement. La jeunesse de Kara s’est fait remarquer dans un discours sobre où les multiples problèmes qui préoccupent le gouvernement ont été soulevés. Dans sa réponse, le chef de l’Etat s’est réjoui de l’accueil si cordial, si affectueux et si amical qui lui a été réservé. Evoquant les événements qui ont mis fin à l’ancien régime, le président Grunitzky a déclaré : « Le 13 janvier 1963 restera comme une date sans précédent dans l’histoire de la nation, comme dans l’histoire tout court de l’Afrique Noire : Le 13 janvier 1963 un coup d’Etat militaire courageux venait de balayer un régime de honte, un régime inqualifiable par sa tyrannie.» Toujours à Kara, le chef de l’Etat a invité la population à faire une rétrospective du passé chargé de sévices, de brimades qu’a connus Kara et l’a exhorté à oublier ce passé, à faire taire les rancœurs et les rancunes pour que puisse se réaliser pleinement la politique d’union et de réconciliation, politique de sagesse et de salut. A ce propos, il a laissé entendre : « Mais cette politique prend pour nous un sens après tant d’années de souffrances. Il faut que notre pays désormais ne connaisse qu’une chose : la fraternité. Mon gouvernement est venu ici pour vous voir et vous entretenir des problèmes qui nous préoccupent, c’est-à-dire des problèmes économiques et sociaux».
Dans l’après-midi du 8 février, le président et sa suite se sont rendus à Pagouda. Après avoir inauguré le pont de Pagouda, le cortège présidentiel est accueilli en triomphe à l’entrée de la ville. Escorté par une double rangée de cyclistes, le président en costume local qui lui a été offert à l’entrée du lieu de réception, s’est rendu sur la place publique où le même accueil sympathique, chaleureux lui a été réservé. Des discours, où les mêmes thèmes ont été développés, ont été prononcés par le chef de circonscription Alphonse Bodjona, le député Méatchi et le chef de canton. Comme partout ailleurs, le président a répondu avec les mêmes exhortations à l’union et à la réconciliation. Le lendemain, le cortège présidentiel s’est rendu au centre pilote de Tchitchao, dans les villages de Pya, de Kouméa et dans la ville de Niamtougou. A Niamtougou, ce furent la même réception et la même organisation que dans les autres localités visitées.
Avant de prendre, le 10 février, la route pour Mango, le cortège présidentiel a visité la circonscription de Kandé où il a reçu un accueil aussi chaleureux et aussi triomphal que dans les autres circonscriptions. Le chef de l’Etat a inauguré dans cette ville le centre culturel et a pris part à un déjeuner offert en son honneur. C’est en début d’après-midi du 10 février que le cortège présidentiel a fait son entrée dans la ville de Mango. Accueilli sur la place publique, devant les bureaux de la circonscription, le chef de l’Etat a été reçu en grande pompe. Il a eu à écouter les discours du chef de la circonscription, Kouassi, du député de la région et du chef supérieur des Anoufom. Ce dernier a évoqué les souffrances qu’a connues Firmin Abalo, incarcéré à la prison de Mango pour avoir condamné dans une lettre alors qu’il était député et président d’une importante commission à l’Assemblée nationale, la politique néfaste de l’ancien régime. Le chef supérieur des Anoufom, qui a été contraint à l’exil, a offert trois chevaux aux honorables visiteurs qui sont le président, le vice-président et le chef d’état-major.
Le chef de l’Etat achève sa tournée dans la région des Savanes par la visite de la ville de Dapaong le 11 février. Le pays moba-gourma s’est réjoui de recevoir le chef de l’Etat qui a bravé la fatigue en franchissant plus de 700 km pour se rendre dans cette ville à l’extrême nord du Togo. Par un discours très apprécié, le chef de la circonscription de Dapaong, Joseph Bagna a souhaité la bienvenue au chef de l’Etat. Il lui a dit que la population attend depuis sa venue à Dapaong. Faisant allusion aux réalisations que le président Grunitzky a entreprises dans la circonscription, il a déclaré : « Les menaces sous toutes leurs formes n’ont pas réussi à éteindre l’amitié et l’estime qui vous lie à la population. Après la chute du gouvernement de honte par le coup d’Etat militaire du 13 janvier 1963, tout était à refaire et le pays tout entier tournait ses regards vers vous. Après ce coup d’Etat et l’instauration du gouvernement légitime, les chances de convaincre les autres chefs d’Etat africains étaient minces parce qu’ils regrettaient la disparition de leur collègue. Mais vous avez su par votre sagesse, votre expérience, les convaincre. A l’intérieur, les marchandages et les tractations des partis politiques ont failli perdre votre politique. Mais toutes les énergies du pays sont pour vous avec le mot d’ordre : union et réconciliation».
Répondant au chef de la circonscription, Nicolas Grunitzky s’est déclaré très sensible à l’hommage qui lui a été rendu ainsi qu’à son gouvernement. Après avoir fait remarquer que l’époque des troubles qu’a connue Dapaong est sans doute celle où la ville recherchait sa cohésion, le président de la République a déclaré : « La date du 13 janvier peut être considérée comme celle de la libération du Togo. La politique que nous pratiquons, cette politique qui doit rassembler tous les fils de ce pays, est une politique d’union nationale qui doit, comme un creuset, rassembler les citoyens. Ce n’est pas la politique d’un parti mais la politique de tous les partis, la politique de tout le Togo».
Rendant hommage à l’armée togolaise et à son chef, le président a lancé à la population un appel au travail dans la paix et à l’effort quotidien. Il faut souligner que dans toutes les circonscriptions du nord, les populations ont soumis des doléances au président de la République. Bien que spécifiques à chacune d’elles, elles se résument essentiellement aux problèmes de routes, de l’eau, de l’enseignement et de la santé. A chaque fois, il a promis aux populations que ces doléances devaient être satisfaites. Au terme de sa tournée dans le nord du pays où il a été l’objet d’un accueil chaleureux, le président de la République est rentré à Lomé le 12 février. Dans une interview qu’il a accordée à la presse peu après son arrivée, le président Grunitzky a particulièrement mis l’accent sur la chaleur de l’accueil amical et sympathique que les populations de la région septentrionale lui ont réservé. Après avoir adressé ses sincères remerciements à ces populations, il a souligné que cet accueil a été si chaleureux et spontané qu’il a été pour le gouvernement et le pays tout entier un grand réconfort moral. De plus, le chef de l’Etat s’est déclaré convaincu que la politique d’union et de réconciliation, préconisée par son gouvernement, se pratique réellement dans les circonscriptions qu’il vient de visiter. « Nous avons été heureux, a-t-il ajouté, de voir que des adversaires d’hier œuvrent dans le même sens pour la prospérité de notre cher pays ». Il a enfin exprimé le souhait qu’il en soit de même dans toutes les régions du Togo pour que le pays connaisse une véritable paix dans l’union et la réconciliation.
Au lendemain de son retour à Lomé, le président de la République a adressé aux chefs de circonscription de Sokodé, de Kara, Bassar, Kantè, Niamtougou, Bafilo, Pagouda, Mango et Dapaong ses sincères remerciements pour leurs efforts quant à l’adhésion de leurs populations à la politique de réconciliation et d’union nationales du gouvernement. Un télégramme présidentiel a été envoyé à ces chefs de circonscription. Le président Grunitzky peut se targuer d’avoir réussi à faire partager ses idéaux d’union et de réconciliation avec la majorité de ses compatriotes.
Evidemment, les Togolais ont compris que cette politique est nécessaire pour écrire une nouvelle page de l’histoire de leur pays. Un exemple, parmi tant d’autres, prouve que le peuple togolais, dans sa grande composante, manifeste son attachement à la politique préconisée par le chef de l’Etat.
Après cette tournée nationale, Nicolas Grunitzky était en France et à son retour au palais présidentiel, il a assisté à une cérémonie de libation. Le chef traditionnel Peby IV d’Agou Nyogbo a déclaré à l’adresse du chef de l’Etat, avant le début de cette cérémonie, que tous les Togolais le soutenaient et lui faisaient confiance : « Vous n’avez rien à craindre dans la poursuite de la politique humaine de réconciliation de tous les enfants de notre pays que vous avez toujours préconisée et que vous continuez de défendre.»
Le président de la République, entouré du président de l’Assemblée nationale, des membres du gouvernement et du chef d’état-major de l’armée, s’est ensuite adressé à la foule depuis le perron du palais. Il a tenu à remercier chaleureusement tous ses compatriotes de leur accueil inoubliable et leur a rendu compte de sa visite en France. Puis, le chef de l’Etat a déclaré que le Togo était trop petit pour que ses enfants se permettent de luttes intestines inutiles qui ne conduiraient qu’à la ruine de la nation : « Nous avons besoin de nous rassembler pour travailler avec détermination en vue du relèvement économique et social de notre cher pays que nous avons tous le devoir de servir de toute notre âme.» Par ailleurs, il a fait remarquer que l’accueil des autorités françaises n’aurait été possible sans la politique d’union et de réconciliation prônée et soutenue par son gouvernement après les événements du 13 janvier 1963. A ce propos, il a réaffirmé que son équipe ministérielle n’entend en aucune manière gouverner le pays dans l’arbitraire. Il a poursuivi en disant : « Il nous faut pour ce faire que nous nous sentions entourés de l’affection de toute la population qui doit nous démontrer constamment son action convergente pour la réalisation d’un objectif commun à nous tous, qui est de combattre la misère, la faim, la maladie et l’ignorance. Il faut que tous les Togolais se rassemblent dans le même creuset national pour agir efficacement dans ce sens.»
Le chef de l’Etat a d’autre part souligné avec force la nécessité pour tous les Togolais de sortir de leurs cœurs la haine dont certains ont essayé de les remplir, afin de combattre sous toutes ses formes la misère qui ne cesse d’étouffer les populations de l’intérieur du pays.
A cet effet, il a affirmé : « Désormais, il ne s’agit plus de se battre pour l’indépendance, celle-ci étant acquise d’une façon définitive et sans retour. Il faut que nous travaillions dans la fraternité et que les partis politiques abandonnent la conquête de la primauté dans le pays et soient solidaires les uns les autres, car le peuple attend de nous les efforts indispensables pour sa promotion sociale. Après l’indépendance, nous n’avons plus le droit de continuer à vivre dans la division. Nous sommes tous des Togolais et un originaire du Sud n’a aucun droit de travailler contre le Nord et vice versa. Dans un pays, une seule chose compte : c’est l’unité. Il faut donner à la nation sa vitalité patriotique. L’unité doit servir de base avant tout. »
Le président Grunitzky a conclu en substance : « C’est parce que nous avons su nous discipliner lors de la crise du 13 janvier qu’il nous fallait nous rassembler dans une même nationalité pour agir dans la concorde ».
Incontestablement, l’union et la réconciliation nationales étaient en bonne voie. Mais il n’était pas superflu d’y insister à chaque fois que des situations opportunes se présentaient. C’est ainsi que dans son adresse à la nation du 4 novembre 1964, après avoir présenté les lignes directrices du plan de développement économique et social, le président de la République a subordonné la réussite de ce plan à l’adhésion massive du peuple togolais.
A cet égard, il s’exprima : « Notre programme est tracé et il ne laisse nulle place aux intégrités ou aux rivalités personnelles. Plus que jamais, l’Union Nationale apparaît comme le nécessaire soubassement de l’édifice que nous tentons de construire. Il serait absurde de nous diviser puisque nous tous, sans exception, aurions à souffrir de nos inconséquences. Les partis politiques doivent eux-mêmes donner l’exemple et coopérer loyalement, sans esprit de domination. Notre pays a trop souffert de l’intrigue, de l’arbitraire ou de l’illégalité, pour que nous n’en tirions pas profit pour l’avenir. Le respect de la légalité à tous les échelons et sous toutes ses formes, est un devoir impératif pour chaque Togolais et demeure le seul garant d’institutions durables et efficaces. C’est à ces conditions que nous réaliserons le total épanouissement de nos populations.»
Depuis la constitution du gouvernement provisoire le 17 janvier 1963, Nicolas Grunitzky ainsi que son gouvernement ont prôné une politique d’union et de réconciliation. A travers plusieurs actions et démarches, le président s’est attaché à convaincre ses compatriotes de la nécessité de cette politique. Une frange importante des Togolais a sans doute compris son message puisque certaines forces vives du pays, partis politiques, armée, confessions religieuses, lui ont apporté leur concours. Au cours de l’année 1965, le président de la République, fort de l’audience dont bénéficie son programme politique, s’est engagé dans une autre étape de ce programme : l’institution d’un parti unifié.
L’unification des partis politiques, bouquet final de la politique d’union et de réconciliation nationales (1965-1967) ?
Le projet de création d’un parti unifié au Togo a fait l’objet de nombreuses discussions entre les différentes formations politiques qui ont participé au gouvernement d’union nationale. Ces discussions ont été menées dans le cadre d’un comité national des partis politiques que le président a évoqué dans son allocution devant l’Assemblée nationale le 6 mai 1965 : « […] A l’intérieur, nous poursuivrons le même idéal : consolider la paix des cœurs et des esprits, fortifier la coopération des partis, en un mot permettre à toutes les énergies et les compétences de se consacrer entièrement à des tâches de mise en valeur ou de promotion humaine. C’est dans ce dessein que fonctionne un Comité National des Partis, qui regroupe les principaux responsables politiques. Il est chargé d’harmoniser les points de vue et de définir la stratégie commune nécessaire à tout gouvernement d’Union Nationale. Le gouvernement souhaite aussi que chaque citoyen prenne davantage conscience de son appartenance à la Communauté Nationale, qui, je le rappelais dans mon message du 26 avril, transcende les intérêts régionaux ou politiques »
La tenue des élections locales au cours du mois d’octobre 1965, sur la base des listes nationales, constitue un signe tangible qui conforte l’aspiration à l’institution d’un parti unifié.
L’heureux déroulement des élections locales, une confirmation de l’avancée significative de la politique d’union et de réconciliation nationales ?

A l’issue de ces élections qui ont permis de mettre en place les conseils de municipalités et de circonscriptions, rouages essentiels de la vie administrative, le président de la République a profité de l’heureux aboutissement de ces scrutins pour insister encore une fois sur les avantages de sa politique d’union et de réconciliation. Ces consultations s’étaient faites avec des listes d’union nationale qui ont eu l’immense avantage d’éviter les heurts inutiles, d’éviter aussi que ne ressurgissent des querelles stériles. Elles se sont déroulées dans le calme, avec tout le sérieux qui sied à un peuple conscient des responsabilités qui lui incombent. Le Togo venait, selon les propres termes du président de la République, de faire preuve de sa maturité politique. Tirant les leçons de ces élections, il déclara : « Certes, des difficultés ont surgi, notamment lors de la confection des listes des candidats. Mais ne sont-elles pas inhérentes à toute vie politique ? Seuls les régimes totalitaires peuvent se vanter de n’en pas connaître. Mon gouvernement, pour sa part, demeure foncièrement attaché au dialogue, dont les vertus sont l’essence même de la démocratie. La confrontation des opinions qui suppose évidemment au préalable la liberté d’expression est, en soi, une chose excellente lorsqu’elle se fait loyalement, sans arrière-pensée et sans sectarisme. Mais, pour être positif, l’échange d’idées suppose aussi, chez les uns et les autres, que ne soit jamais perdu de vue l’intérêt national. […]
La suspicion entre partis politiques existe encore et l’esprit partisan nuit quelque peu le plus souvent à une collaboration cependant nécessaire. Pourtant, l’essentiel n’est pas, pour chacun d’eux, comme certains le pensent, de tenter par des moyens plus ou moins avouables, d’asseoir une suprématie contestable, dont le seul résultat serait de transformer une coexistence qui devrait être fructueuse en affrontements où les querelles de personnes le partageraient aux querelles d’influences, sans que soient pour autant améliorées, et peu s’en faut, les conditions d’existence du Peuple Togolais. Que dire aussi du régionalisme ou du tribalisme dont certains tentent d’entretenir le feu au cœur d’une fraction de Togolais, pensant qu’en soufflant assez fort les flammes se propageront et consumeront, avec notre unité nationale, nos espoirs de réussite. […] La politique du Gouvernement, en ce qui la concerne, n’a qu’une seule ambition : rassembler toutes les forces vives pour améliorer, grâce au travail de tous, le niveau de vie de chacun. Soucieux au plus haut point de justice sociale, nous avons fait du développement harmonieux de notre pays un principe fondamental, ce qui implique que nous avons conscience du retard pris par certaines régions. Nous tenons à le combler et savons que nous y parviendrons grâce à des efforts constants. […]
Pour que notre élan soit vraiment national, pour que notre marche au progrès ne soit pas en réalité la marche de quelques isolés vouée dans ces conditions à un inexorable échec, mais celle de tout un peuple, il faut que nous ne formions qu’une seule et même communauté. Un seul esprit doit nous animer et la confiance entre hommes politiques, syndicats de toutes sortes, agriculteurs, artisans, militaires, doit être la règle. Il est évident que cela n’est possible que si chacun fait consciencieusement son devoir dans le respect des lois… »
Au cours de la même année, l’armée togolaise est sous le feu des critiques de la part des responsables de l’Unité Togolaise, qui arguent que les cadres de celle-ci s’immiscent trop dans la vie politique. Ce qui ne manque pas de les inquiéter quant à un second coup d’Etat. Le président répond à ces critiques dans son allocution du 13 octobre 1965 en ces termes : « Notre armée l’a compris et les officiers de notre état-major savent désormais que leur honneur est de servir : pourtant, certains Togolais croient faire preuve de civisme en tentant de la discréditer et d’en faire un épouvantail, plus tourné vers la politique et la gestion des affaires politiques que vers le métier des armes. S’il est vrai que notre armée a traversé des moments difficiles, il n’en demeure pas moins vrai qu’aujourd’hui, elle a su trouver son équilibre interne. Son chef d’état-major et les officiers qui l’assistent dans sa tâche, s’emploient à la consolider, aidés par le gouvernement qui n’a pas hésité à prendre, lorsqu’il le fallait, les décisions qui s’imposaient. De nombreuses mesures d’organisation, dont nous nous réjouissons sont aussi intervenues en son sein, soit pour combler des lacunes inévitables pour une aussi jeune armée, soit pour mettre fin à des pratiques incompatibles avec les principes d’ordre et de discipline dont elle doit être totalement imprégnée. Nous rendons hommage à notre chef d’état-major qui fermement et avec soin particulier, combat, et à quelque échelon que ce soit, toute mesure d’inspiration régionaliste ou tribaliste, ou s’oppose à tout favoritisme pour que notre armée soit vraiment nationale. Cette égalité, partout respectée, consolide notre unité nationale et ne peut manquer de fortifier entre nos soldats et le peuple togolais dont ils sont issus, un esprit de confiance et de coopération. ». Ce message fait allusion sans doute au petit duel entre Bodjollé et Eyadéma qui se déroula en dessous de celui opposant Grunitzky et Méatchi. En effet, en mai 1964, sans doute encouragé par Méatchi, Bodjollé tenta une petite mutinerie militaire en faveur du vice-président. Il fut contré avec succès par le nouveau capitaine Eyadéma.
A la fin de l’année 1965, les échanges de vue au sein du Comité national des partis ont favorablement avancé. Les discussions ont finalement débouché sur une éventuelle unification des partis politiques. Il a été donc convenu de porter ce projet politique à la connaissance du peuple afin de solliciter son accord total. Des dispositions conséquentes ont été prises pour que la rencontre soit un événement qui devait faire date dans les annales de l’histoire du Togo.
Le congrès des quatre formations politiques, une étape décisive vers la constitution d’un parti unifié?
Le 4 décembre 1965, des milliers de Togolais, membres de l’un des quatre partis politiques du pays, se sont retrouvés en une grande famille au stade municipal de Lomé, décidés les uns les autres, à effacer les mauvais souvenirs et à se tourner résolument vers l’avenir après s’être réconciliés. Ils s’étaient fait leur une vérité de toujours consacré par un poète français bien connu : « L’union fait la force » . Les délégations se signalaient partout par les mêmes mots : «Union et Réconciliation nationales », « Réconciliation, paix, union », « Fusion des partis », «Vive le président », « La haine ne peut rien, l’amour peut tout » ou encore « Un seul peuple, un seul parti, un seul combat, une seule nation ». L’événement, qui réunissait une véritable marée humaine, était le congrès des quatre partis politiques du Togo qui ont décidé de s’unir d’abord en un Comité national de coordination, avant d’envisager leur fusion en un seul parti, c’est-à-dire de former, par étapes, un parti unique. A ce parti, tous les Togolais devaient adhérer non pas de force, mais de leur propre gré. Plusieurs orateurs se sont succédé à la tribune pour rendre un hommage à la politique d’union et de réconciliation préconisée par le gouvernement Grunitzky et pour lancer un vibrant appel à y adhérer à la fraction irréductible de l’Unité Togolaise qui ne participe pas à cette politique. Le premier de ces orateurs a été Jean Djissodé de la JUVENTO. Celui-ci a fait l’historique de ce parti et souligné les difficultés qui ont surgi entre la JUVENTO et le CUT, quelques mois après les législatives du 27 avril 1958. Le porte-parole de la Juvento a déclaré que l’union et la réconciliation ont été de tout temps l’esprit de sa formation politique. « C’est d’ailleurs, a-t-il précisé, cette politique que le CUT n’a pas voulu admettre, ce qui a valu la prison aux principaux dirigeants de la JUVENTO ». Pour terminer son propos, Jean Djissodé a exhorté tous ceux qui s’écartent de la ligne de conduite de la politique d’union et de réconciliation à revenir dans le droit chemin afin que tous les Togolais puissent bâtir la nation dans l’unité. Succédant au député Napo Badji (JUVENTO) qui est allé dans le même sens que Jean Djissodé, François Adoté-Akué (Mouvement Populaire Togolais, MPT) a dit que l’avènement de la deuxième République du Togo a marqué un tournant dans la vie des populations. Cet événement a mis fin, a-t-il souligné, à toutes les formes d’oppression sociale et nationale. Il a continué en affirmant : « Ce passé étant révolu, c’est une ère nouvelle qui a commencé, l’ère de la joie, de la paix, c’est la politique d’union et de réconciliation qui règne à présent et qui nous a placés sur le chemin radieux de la liberté et du bonheur.»
Quant à Charles Domlan (MPT), il a notamment fait comprendre que l’expérience a prouvé qu’un seul parti ne peut pas construire le Togo. Aussi a-t-il vivement invité tous ceux qui n’ont pas rejoint le grand rassemblement des quatre partis politiques à venir aux côtés de leurs frères pour bâtir le pays. Après les représentants du MPT, vient le tour de ceux de l’Unité Togolaise de prendre la parole pour livrer leur message. Les chefs Toyo et Johannes Kpégba, tous deux appartenant à la fraction de l’UT qui participe au gouvernement d’union et de réconciliation, ont reconnu que l’union de tous les Togolais est nécessaire afin d’éviter les erreurs du passé. Ils ont alors lancé un appel à l’autre fraction de l’Unité Togolaise à rejoindre la coalition gouvernementale. « Ne repoussez pas la main qu’on vous tend, devait dire le chef Toyo, car si vous ne l’acceptez pas, vous risquez fort de récolter les fruits de votre refus. ». « Unissons-nous pour faire de notre pays le Togo un pays pilote comme il l’a été durant la période coloniale. », a déclaré pour sa part le chef Johannes Kpégba. Le septième orateur, Emmanuel Fiawoo (Union Démocratique des Peuples du Togo, UDPT), a loué la sagesse du président Grunitzky qui a mis tout en œuvre pour réaliser sa politique. Il a souhaité que la compréhension qui a régné durant plus de deux ans entre le gouvernement et les partis se poursuive et que les mots d’ordre « union et réconciliation » servent de guide à tout le monde.
Après ces orateurs, Antoine Méatchi, vice-président de la République, a, dans une intervention très remarquée, condamné le régionalisme, le tribalisme et la division interne. Il a exhorté toutes les populations à une union constructive autour du président Grunitzky. L’intervention du vice-président a été suivie de celle du régent d’Aného, Raphaël Lawson. Ce dernier a lu, au nom de la population d’Aného, une résolution dans laquelle un appel solennel a été lancé à tous les citoyens togolais pour qu’ils disent « non » à l’anarchie et pour qu’elles s’unissent pour servir derrière le gouvernement Grunitzky. La résolution déclare : « Nous avons trop parlé d’union et de réconciliation. Nous avons trop parlé de solidarité. Nous avons trop parlé de coordination entre les partis. Tout le monde sait désormais que les partis politiques veulent s’unir pour coopérer et pour être solidaires. Maintenant il faut agir. Les sections UDPT, CUT, MPT et Juvento, lasses des querelles politiques stériles, lasses aussi, pourquoi ne pas le dire, des palabres de familles, soucieuses de promouvoir l’essor économique et social de la région, ont créé à partir du 26 novembre 1965, un mouvement politique, autonome dénommé : Comité Régional de Coordination ».
Le Comité Régional de Coordination appuie avec chaleur l’heureuse initiative du président de la République dans ses efforts pour promouvoir la vraie union des cœurs. « Il se fixe pour rôle d’informer, de former et de mobiliser la masse pour la réalisation et la réussite de la politique d’union et de réconciliation nationales. Il condamne le régionalisme, la politique des clans, le racisme et la démagogie. Le Comité Régional de Coordination se prononce absolument contre toute tentative de division des forces vives qui militent déjà en vue de la prospérité de la patrie. Il espère devenir au contraire le ciment des forces qui s’expriment déjà dans les partis et l’un des foyers de vigilance et de réflexion pour la sauvegarde des objectifs du plan quinquennal ». « Citoyens togolais, le temps est révolu. Répondez NON à l’anarchie ; unissez-vous pour servir derrière le gouvernement de son Excellence Nicolas Grunitzky, pour que vive en paix notre chère patrie. ».
Une seconde résolution, émanant des différentes collectivités des circonscriptions de Sokodé, Bafilo et Bassar, est également lue à l’assistance. Ces populations affirment, dans cette résolution, leur approbation totale au gouvernement et à sa politique. Elles demandent par ailleurs au gouvernement de reconsidérer le cas des régions du Nord du Togo qui ont été défavorisées par la nature et l’histoire. Voici in extenso la teneur de ladite résolution : « Les comités régionaux des partis politiques et le groupement des chefs de circonscription administratives de Sokodé, de Bafilo et de Bassar, – Conscients des conséquences désastreuses nées de la politique du précédent régime, tant sur le plan humain, qu’économique ou social,
– Conscients des méfaits de la politique de contrainte et de destruction menée par le gouvernement défunt, – Constatant les succès enregistrés depuis 1963 par le gouvernement actuel solidement appuyé par les partis politiques et les masses populaires, – Constatant que ces succès procèdent de la sage politique d’union et de réconciliation, – Constatant enfin l’heureuse concrétisation de cette ligne politique par la création du Conseil National des partis et des comités régionaux, Adressent leurs vives félicitations et leurs encouragements au gouvernement et en particulier à son chef, Nicolas Grunitzky, ainsi qu’à l’Assemblée Nationale et les invitent à œuvrer toujours dans la même voie. Font appel au chef de l’Etat, au gouvernement, à l’Assemblée Nationale et aux représentants des partis politiques. Demandent au gouvernement d’accentuer exceptionnellement son effort national vers la promotion économique et éducationnelle accélérée des régions septentrionales du pays défavorisées par l’histoire et la nature. En vertu de l’égalité de tous les citoyens de toutes les régions devant les droits et charges publics, demandent au gouvernement de tout mettre en œuvre afin que le recrutement dans la fonction publique, la distribution des bourses, l’implantation des projets économiques, etc. s’effectuent judicieusement en tenant équitablement compte de toutes les circonscriptions du pays. Demandent enfin au gouvernement de tout mettre en œuvre pour la bonne réussite du plan quinquennal.»
Après la lecture de ces deux résolutions, l’honneur revint au président Grunitzky de monter à la tribune pour prononcer un discours magistral en français et en mina, entrecoupé d’applaudissements frénétiques, soulignés par le tam-tam. Dans ses propos introductifs, le président a tenu, en son nom personnel, au nom des membres du gouvernement et surtout au nom des membres du Conseil de Coordination, à adresser un salut cordial surtout aux personnalités étrangères qui ont bien voulu honorer de leur présence cette manifestation qui devait prendre date dans l’histoire du Togo, parce absolument unique. Il a ensuite souligné l’importance du congrès en ces termes : « C’est en effet, la première fois dans l’histoire du Togo que les partis politiques qui s’entredéchiraient, le cœur plein de fiel et de haine, c’est la première fois qu’ils se rassemblent en vue de la construction de leur nation ; c’est la première fois que faisant équipe, ils s’adressent au pays en invitant toutes les délégations comprenant les membres de tous les partis à assister à un Congrès National. Nous ne pouvons que nous en féliciter. » Il a enfin précisé le but de ce congrès qui était de constituer un front uni et unique : « Pourquoi ce congrès ? Ce congrès, parce que les partis associés au pouvoir ont pleinement conscience que la division ruinera à jamais ce pays et qu’il était indispensable que ces partis fussent unis dans une même action d’intérêt national, et alors ce congrès aura également comme objectif plus tard lorsque la compréhension sera totale, lorsqu’il n’y aura plus de suspicion (d’ailleurs se dessine qu’il n’y en aura plus, nous sommes conscients des efforts qu’il faut fournir pour sauver la nation) eh bien ! Plus tard il faut que ces partis fusionnent dans un seul front, un front uni et unique. Voilà le but que nous poursuivrons. »
Dans sa version mina encore plus applaudie, le président est revenu sur un thème qu’il avait déjà développé dans son message à la nation à la veille du congrès : « Notre main tendue fraternellement n’est pas signe de faiblesse ou l’aveu d’une quelconque impossibilité de gouverner sans ceux-là qui se croient indispensables.» A la suite du président, un projet de résolution pour un parti politique unifié a été lu par le ministre Kuévidjen, puis adopté par acclamations. Voici certains extraits saillants de cette résolution : « Le Congrès de l’Union et de la Réconciliation Nationales groupant les partis politiques : la Juvento, l’UDPT, le MPT et l’UT réuni à Lomé le samedi 4 décembre 1965, « Répondant au mot d’ordre du chef de l’Etat, « Après examen approfondi de la situation et considérant l’œuvre incontestablement accomplie par le gouvernement depuis 1963, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur et sous la sagesse éclairée de son prestigieux président, Nicolas Grunitzky ; […] « Considérant que la voie de l’union nationale est la seule conduisant à la tranquillité publique, à la stabilité politique, au progrès et au bonheur du peuple togolais, unité qui ne peut jamais se réaliser pleinement sans la suppression totale du régionalisme, du tribalisme et de la démagogie sous toutes leurs formes ; « Considérant que tout citoyen togolais a le droit de s’épanouir librement dans une société démocratique ; « Considérant enfin la parfaite identité de but et d’action des partis politiques ; « Félicite le gouvernement et les partis politiques togolais pour leurs efforts ayant abouti à la constitution d’un Conseil National de Coordination présidé par le chef de l’Etat ; « Demande au gouvernement et aux dirigeants des partis politiques d’étudier activement la possibilité de création d’un parti politique unifié regroupant la Juvento, l’UDPT, le MPT et l’UT » .
Le congrès est clôturé peu avant midi par une prière et l’exécution de l’hymne national. Il est le témoignage vivant de l’adhésion de la grande majorité des Togolais à la politique d’union et de réconciliation prônée par le gouvernement Grunitzky depuis 1963. En se référant aux résultats de la coexistence pacifique des quatre formations politiques, ils admettent que le moment est venu de joindre les efforts de tous dans un élan de solidarité librement consentie. Comme pour répondre au vœu populaire, le président a remanié, en janvier 1966, son gouvernement. Bien avant la tenue du congrès du 4 décembre, il y avait des rumeurs concernant ce remaniement. Seulement, on ne s’attendait pas à une simple modification, mais à l’entrée de nouvelles personnalités dans le gouvernement. Interrogé sur l’attribution des deux portefeuilles qui restent à pourvoir, à des membres de l’opposition, le président a répondu : « Il faut voir et attendre »
La rentrée parlementaire devient une solide tradition pour le président et une occasion pour lui de dresser le bilan de sa politique. C’est ainsi qu’à l’occasion de la session ordinaire de l’Assemblée nationale le 3 mai 1966, Nicolas Grunitzky a déclaré : « Six années d’indépendance ! Qui songerait à nier les changements intervenus depuis et le prix que nous avons dû payer pour cela ? L’important est que, dans notre vie nationale, s’est produite une profonde mutation qui représente ce que peut être, pour peu qu’on le désire, la fraternisation de tout un peuple. Quoi qu’il en soit, la barre du navire a été redressée à temps, grâce aux efforts, à la compréhension et à la solidarité de tous les citoyens. Le 5 mai de cette année marquera le troisième anniversaire des élections générales : présidentielles, législatives et référendum constitutionnel. Ainsi, dans quelques jours, nous entrerons dans la quatrième année de la législature. Les augures avaient prédit trois mois de vie à notre gouvernement. Si la population ne manque pas, dans toutes les manifestations de nous apporter ses encouragements, c’est que notre politique d’Union et de Réconciliation nationales a conquis les cœurs et supprimé la haine. Ceux qui ont prédit l’avenir se sont trompés, grâce à la sagesse politique de tous les partis. Nous nous sommes résolument engagés sur le chemin du développement économique gagé par la paix intérieure et nous avons travaillé inlassablement pour renforcer notre participation à la vie internationale, domaine particulièrement délaissé, comme vous le savez, par l’ancien régime. […] Mais notre interventionnisme serait incomplet sans le prolongement qu’il trouve sur le plan intérieur. Et là encore, nous sommes persuadés que le succès de notre développement économique est conditionné par la paix intérieure et l’Union de tous. Dans l’élaboration et le début d’exécution de notre plan quinquennal, dont je vous ai tracé l’année dernière les grandes lignes, nous avons gardé à l’esprit cette nécessité impérieuse qu’est le travail de tous, dans l’union de tous. Nous pouvons, je crois, penser que nous sommes en train de récolter les fruits de trois années de patience. En effet, grâce à nos efforts conjugués, le démarrage du premier plan quinquennal s’annonce plein de promesses, mais aussi de réalisations pratiques. »
Bien des mois après le congrès des quatre partis politiques, le président Grunitzky a estimé qu’il était impérieux qu’il retourne au nord du pays pour solliciter le suffrage des populations, suite à la nouvelle orientation de son projet politique.
La seconde tournée présidentielle dans les circonscriptions septentrionales du Togo en juin 1966 : la quête du soutien à la création du parti unifié
Comme au début de sa politique d’union et de réconciliation, le chef de l’Etat a, au cours du mois de juin 1966, effectué une tournée dans la région septentrionale pour expliquer aux populations les nouvelles orientations qu’il entendait donner à sa ligne politique, à l’issue du congrès du 4 décembre 1965 : l’institution d’un parti unifié. Le président a eu l’oreille des populations. C’est ainsi qu’il rend lui-même compte de cet accueil chaleureux et enthousiaste :
« Comme vous le savez, je suis rentré, il y a peu, d’un long périple à travers les circonscriptions du Nord. J’en ai tiré un grand réconfort moral et des forces nouvelles pour poursuivre la tâche entreprise. La chaleur et l’enthousiasme des populations, les marques touchantes de sympathie, voire d’affection dont j’ai été partout l’objet, me font penser que nous n’avons pas en vain, depuis plus de trois ans, travaillé fermement pour que les Togolais retrouvent leur équilibre politique et le calme dans leur vie de tous les jours. Dans toutes les villes et tous les villages traversés, j’ai constaté l’adhésion massive des populations à la politique d’union et de réconciliation que je préconise depuis toujours. Tous sont conscients de ce que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de formations politiques rivales ne cherchant bien souvent qu’à se combattre plus qu’à travailler pour le progrès du Togo. La lutte des partis est la plus stérile qui soit : c’est pourquoi l’accord que j’ai réalisé entre eux est le gage de notre succès et de notre marche en avant. Plus d’égarement, plus de palabres, plus de violences mais un travail acharné pour le bien de tous : voilà ce que j’ai constaté pendant une semaine. Pour toutes ces raisons, je ne peux qu’inviter, une fois encore, les quelques récalcitrants nostalgiques du passé, à nous rejoindre sur le chemin de l’union. C’est la seule voie qui mène à la paix et au progrès, si nous voulons bien tirer les leçons du passé. Lorsqu’au cours de ma tournée, j’ai, à plusieurs reprises, déclaré que les partis politiques étaient dépassés, ce n’est pas pour chercher à les éliminer, mais bien plutôt pour leur faire sentir l’impérieuse nécessité d’une solidarité agissante, d’autant que leur clientèle électorale, parfois déroutée et toujours désabusée, tend désormais à se consacrer à l’œuvre d’enrichissement national. Sans doute on ne peut faire du social et de l’économique sans faire de politique. L’originalité de notre action est précisément d’avoir su taire nos querelles sans pour autant avoir supprimé le dialogue. Les partis conservent leur entière indépendance et leur libre expression, mais ils ont tous la volonté inébranlable de ne pas rompre l’harmonie qui existe. Sans doute les querelles de personnes peuvent naître ; elles sont partie intégrante de la vie politique. L’essentiel reste les intérêts supérieurs de la Nation qui ont toujours prévalu. Je ne puis d’ailleurs que féliciter des efforts que les responsables des quatre partis font en ce sens. Je les remercie ainsi que tous les responsables et leurs adhérents. ».
Par ailleurs, le président n’avait pas eu l’outrecuidance de prétendre que tout est parfait dans le pays. Il reconnaît qu’il reste énormément à faire d’autant qu’à ressources très faibles, correspondent des besoins considérables. Nicolas Grunitzky sait pertinemment que la jeunesse, avide d’apprendre et de s’élever, éprouve de sérieuses difficultés à s’épanouir et à réussir. Il a souligné les difficultés des paysans qui n’obtiennent pas une juste rémunération de leurs efforts très souvent à cause de l’effondrement des cours mondiaux. N’ont pas été enfin oubliés certains problèmes déchirants comme ceux de l’alimentation en eau des centres très déshérités qui se posent avec une acuité grandissante. Les populations attendaient donc de leurs dirigeants un relèvement plus rapide de leur niveau de vie. Le président Grunitzky y répond ainsi : «Comment régler tout cela si ce n’est en coordonnant nos efforts pour ne pas les gaspiller, en industrialisant notre pays autant que faire se peut. C’est pour toutes ces raisons que nous avons mis sur pied un plan quinquennal. Mais il importe que vous ayez tous à l’esprit, mes chers compatriotes, que ce plan n’est rien sans votre adhésion massive, sans votre participation active et efficace. Le temps passe. Si nous voulons sortir du sous-développement qui est le nôtre, cause première de la plupart des maux dont nous souffrons, il faut travailler sans relâche, avec la ferme volonté d’aboutir. Pour cela, il est indispensable que rien ne vienne nous détourner de l’œuvre entreprise et surtout pas les luttes politiques qui sont synonymes de troubles, de haines et aussi d’inefficacité. Avant mon départ, je vous invite une fois encore à poursuivre sans relâche notre politique d’entente et d’union nationale, parce que c’est la seule-je dis bien la seule-qui nous permettra d’améliorer notre niveau de vie et d’être partout considérés dans le monde pour ce que nous sommes : une Nation digne de ce nom, un peuple uni, travailleur et fier de l’être.»
Quelques mois après ce discours plein d’optimisme, vont se produire des événements qui ont mis en péril le régime Grunitzky.
Le coup d’Etat avorté du 21 novembre 1966 : compromission du gouvernement Grunitzky, mais pas de sa politique d’union et de réconciliation
La nature bicéphale du pouvoir était une source de tensions entre le président et le vice-président. Ces tensions ont conduit Nicolas Grunitzky à mettre fin aux fonctions de ce dernier. Comment en est-on arrivé là ? Antoine Méatchi profite, en novembre 1966, d’un long voyage en Europe du président pour, dans le cadre de ses pouvoirs constitutionnels, révoquer Mama Fousséni le ministre délégué à la présidence chargé de l’intérieur, dont les enquêtes quelques semaines plus tôt tendaient à soupçonner le vice-président d’être le principal instigateur des tracts antigouvernementaux qui circulaient à Lomé. En effet, Méatchi n’avait jamais dissimulé ses ambitions de jouer le premier rôle au niveau de l’Etat, alors que la constitution de mai 1963 le confinait dans un second rôle, car si Bodjollé avait fait appel à lui, c’était pour succéder à Sylvanus Olympio. Ne pouvant pas sanctionner Méatchi, personne constitutionnelle, Nicolas Grunitzky fit adopter, après son retour, un amendement constitutionnel qui supprime le bicéphalisme. Le vice-président redevient ministre de l’agriculture. Cette mesure ranime les préventions du nord. Cependant, l’Unité Togolaise, sous l’impulsion de Me Noe Kutuklui, voulut profiter de cette désunion pour prendre sa revanche. Le 21 novembre 1966, elle en vient à tenter de s’emparer du pouvoir par la force. Des manifestations ont eu lieu à Lomé, dont les organisateurs demandaient la démission de Grunitzky. L’armée se porte au secours du gouvernement établi. Le président sort momentanément victorieux de la crise, mais très affaibli et très dépendant de Gnassingbé Eyadéma.
Après avoir dissous le Parlement, le chef de l’Etat forme avec difficulté un nouveau cabinet, dont les divisions apparaissent aussitôt. Mais Nicolas Grunitzky est plus que déterminé à poursuivre sa politique d’union et de réconciliation. Ainsi, dans son message du 31 décembre 1966 à la nation, après avoir rappelé les événements qui ont failli provoquer la fin du régime, il ne manque pas d’exhorter le peuple togolais à l’entente et à l’union. Ce qu’expriment les extraits de ce message :
« Dans un instant, en ce 31 décembre 1966, les cloches sonnant à toute volée, appelleront les fidèles à la prière, des tam-tams résonneront ; la joie éclatera sous toutes les formes pour saluer l’année nouvelle. Nous pourrons, comme nous le faisons chaque année, échanger des vœux de santé, de bonheur, de paix et de prospérité.
Nous le pourrons et nous le ferons avec d’autant plus de ferveur qu’il y a moins de six semaines, le 21 novembre, car nous avons échappé à un grave complot qui tendait à renverser le Gouvernement. Mais grâce à la vigilance de l’Armée, à sa fermeté et à son courage, l’ordre a été vite établi. C’est elle qui assure et continuera d’assurer la sécurité de la Nation. Pourquoi voulait-on renverser le Gouvernement ? Ce n’est pas l’intérêt national qui était recherché, mais c’était la soif du pouvoir pour le pouvoir qui poussait les meneurs. Dieu seul, sait exactement les épreuves que nous aurions dû alors affronter. Je ne veux pas me livrer, une fois encore, à la genèse des événements, mais il faut répéter que nous aurions subi un sanglant règlement de comptes, avivé bien sûr, par les interventions extérieures. […] Les conséquences de tout cela se résument en deux mots : guerre civile, marasme économique ; autrement dit, régression. A ces deux axiomes, j’ai toujours opposé- et aujourd’hui plus que jamais- la paix intérieure et la recherche du développement. C’est pourquoi je me dois d’appeler à la raison tous ceux qui, par rancœur, par ambition et usant de toutes les formules démagogiques imaginables, ont tenté de vous abuser. Je ne suis pas un bourreau et n’ai jamais pratiqué la vengeance pour en avoir trop souffert moi-même. Aussi, n’est-il pas question de châtier les coupables aveuglément. »
Alors qu’au même moment, deux autres ministres, Benoit Malou (Education nationale) et Pierre Adossama (Affaires sociales), ont démissionné par solidarité avec ce dernier. A en croire de Menthon cite Afrique nouvelle du 18 mars 1967, c’est sans doute à ce moment que la France prit contact avec ce dernier. D’après les propos qu’il tint plus tard, Etienne Gnassingbé Eyadéma aurait ainsi eu, après le 21 novembre, des conversations avec l’ambassadeur de France.
N’ayant pas conscience que le sursis qui lui est accordé sera de courte durée, Nicolas Grunitzky a tenté de faire le bilan de l’année 1966 en montrant que celle-ci a été rentable, même si certaines réalisations tardaient plus qu’il ne l’aurait voulu. Après avoir passé en revue les réalisations qui ont été enregistrées, le président peut formuler ses vœux au peuple togolais en ces termes : « En tout état de cause, nous ne cherchons que le bien du pays, sans autre considération que ses intérêts supérieurs et vitaux. Ce que je souhaite au Togo pour 1967, c’est le travail et la paix, comme je ne cesse de le répéter sans cesse afin que dans quelques années ce pays soit sans doute prospère et en tous les cas, heureux. Malgré les événements, la politique d’union nationale doit continuer car, quoi qu’on fasse ou quoi qu’on dise, elle est la seule qui puisse sauver notre pays. Pour chacun d’entre vous en particulier, je forme des vœux de paix, de bonheur et de santé. Que la fraternité nous rassemble tous pour atteindre ce noble idéal qu’est celui d’un Togo paisible et prospère dans un continent africain libre et uni. »
Le président Grunitzky ignorait que son régime était en train de vivre ses derniers jours. En effet, le 13 janvier 1967, les cadres de l’armée sont intervenus à nouveau en vue de « mettre fin à la confusion politique, qui créait une véritable psychose de guerre civile imminente », selon leurs propres termes. L’opération est dirigée par le lieutenant-colonel Etienne Eyadéma. Mais, à bien des égards, la politique d’union et de réconciliation entreprise par Nicolas Grunitzky a été continuée par Eyadéma, qui, deux ans et demi après, crée le Rassemblement du peuple togolais (RPT), finalité du Conseil national de coordination des partis politiques institué depuis 1964.
En définitif, Nicolas Grunitzky sur la scène politique le 16 janvier 1963, suite à l’appel qui lui a été fait de constituer un gouvernement d’union nationale. Celui-ci œuvre pour l’avènement d’un climat de paix et de stabilité, concrétisé par les élections générales de mai 1963. Il a amorcé une grande entreprise de réconciliation et d’unité nationale. Evidemment, la grande majorité des Togolais avait compris ce message d’union et de réconciliation du président Grunitzky. Ils ont manifesté leur adhésion totale à travers les actes et les paroles. Nicolas Grunitzky a parfaitement raison lorsqu’il déclare, au moment où il abandonne de son plein gré la présidence : « Je pars la tête haute parce que j’ai servi une politique de réconciliation et d’union.»
Quoi qu’il en soit, le président Grunitzky, par ses faits et gestes, reste manifestement le père, sinon l’un des pères du monopartisme au Togo, mais un père méconnu du grand public puisque ce rôle ne lui a jamais été reconnu par son successeur, qui s’est ainsi octroyé le titre de père fondateur du RPT. C’est dire donc que Gnassingbé Eyadéma n’a fait qu’entériner le projet politique de ses prédécesseurs en tirant parti du terreau qui était favorable à sa réalisation. Il a assuré à cet égard la continuité entre eux et lui, même s’il semble le récuser en prétendant vouloir instaurer un Etat d’une exceptionnelle originalité, en rupture totale avec le passé politique du Togo. Le président Gnassingbé Eyadema (décédé en février 2005) avait convié les forces vives du pays à s’unir dans un creuset national. Cet appel devait conduire à la naissance du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT).
L’essayiste Evalo Wiyao, dans son ouvrage intitulé L’étude historique du multipartisme togolais 1945-196, portant sur une importante étude sur le multipartisme togolais, n’a même pas consacré une seule page à cet épisode de l’histoire du Togo. Il s’est tout simplement attaché à montrer que l’idée de création du parti unique remonte à l’avènement du général Gnassingbé Eyadéma au pouvoir et surtout après la suspension des activités des partis politiques intervenue le 13 mai 1967.
S’il est vrai que Faure Gnassingbé qui a succédé à son père à la suite d’un coup d’Etat constitutionnel en février 2005, puis légalisé à travers une élection présidentielle contestée, ayant entrainée des morts, se dit faire les choses autrement, la création de son propre parti politique l’Union pour la République (UNIR) en 2012 a été sous le vocable « Dissolution-Fusion-Création ».
Le pays se trouve toujours à la croisée des chemins !
La Rédaction