Qui est le Professeur Charles Kondi AGBA ?Le Professeur Charles Kondi Madjome AGBA est né d’un père vétérinaire, plus connu à Bassar sous le nom AGBA Doodoo, le nom Doodoo étant synonyme de « homme fort, celui qui n’est pas n’importe qui, un homme qui respire la puissance financière ». Ce sobriquet a été attribué à son père suite à un geste qui a marqué tout le milieu bassar. Son père a servi le Togo comme fonctionnaire à Bassar et à Sokodé. Il a beaucoup marqué les deux milieux.
Du Professeur AGBA, on peut dire, et sans se tromper, « Tel père, tel fils ! » : en effet, comme son père, le trait de caractère du Professeur AGBA était marqué par la rigueur, la perfection et la droiture. Dans chaque acte qu’il pose, le Professeur AGBA voit les conséquences à court, à moyen et à long termes.
Le prédestiné Professeur Kondi Charles Madjome AGBA, eut son baccalauréat en Sciences Expérimentales (série D aujourd’hui). Après son Baccalauréat, il a été envoyé au Zaïre (actuelle RDC) pour des études vétérinaires. Pendant les premiers 8 mois de sa scolarité, ce pays était en grève. La première année de ses études supérieures étant blanche (selon le jargon académique), l’étudiant AGBA profita de ce temps pour apprendre le lingala; ce qui, entre autres, a contribué à faire de lui un polyglotte. Polyglotte, il l’a été et, pendant des années, il a été le traducteur tant apprécié de la chanson congolaise à Radio LOME et radio DAWUL à Bassar, entre autres.
Il en était là quand l’Ecole inter-états de Sciences et médecine vétérinaire (EISMV) a vu le jour à Dakar. Le Gouvernement togolais décida alors d’envoyer, à Dakar, lui et ses compatriotes, pour suivre leur cursus universitaire en médecine vétérinaire.
Déjà, en troisième année, le surdoué Charles Kondi AGBA, que nous pleurons, était déjà moniteur de ses camarades étudiants de première année. Rapidement, il domine toutes les matières et obtint son Doctorat en Médecine vétérinaire. Ses brillants résultats qui jalonnent son parcours estudiantin dans cette école lui ont permis, par la suite, d’être titulaire de la plus grosse chaire de cette école, à savoir la chaire d’ANATOMIE, HISTOLOGIE et EMBRYOLOGIE à l’EISMV.
L’Enseignant Kondi Charles AGBA se révèle aussi être un dessinateur hors pair : une fois qu’un croquis est dessiné de sa propre main, l’effaceur ne suivait jamais pour corriger son ouvrage : tout est parfait !
C’est donc sans surprise que le Docteur Kondi Charles AGBA franchit les grades du CAMES. En octobre 1983, alors qu’il avait 35 ans il était déjà agrégé des Ecoles nationales françaises de Nantes.
Commence alors pour le jeune professeur, une brillante carrière universitaire qui rayonne au-delà de son Sénégal d’adoption, car il commença à intervenir dans plusieurs universités africaines et européennes, notamment au Cameroun, à Nantes, à l’Université de Kara et à l’Université de Lomé.
Le Professeur Kondi AGBA avait une mémoire d’éléphant !
Le Professeur AGBA est caractérisé par une mémoire d’éléphant : au premier contact, il retient votre nom et fixe votre faciès ; et c’est pour toujours ! A partir du nom, il était capable d’identifier le pays de provenance de ses étudiants, la région, etc.
Coacher, faire évoluer ses disciples et faire éclore l’excellence, étaient les préoccupations du Professeur AGBA. Il n’enseignait pas pour gagner de l’argent, mais pour faire passer le savoir. Enseigner était donc un don pour le Professeur Kondi Charles Madjome AGBA, un don qu’il a su transformer en passion, une passion qui l’a suivi jusqu’à son dernier souffle.
Dès la première année de chaque cycle, il s’impose à ses étudiants, à travers ses trois enseignements fondamentaux : l’Anatomie, l’Histologie et l’Embryologie. Tout médecin ou médecin vétérinaire vous dira que les cours d’Anatomie sont les plus difficiles au début du cursus médical. La difficulté venant du fait qu’il faut non seulement maîtriser les cours, parfois assez rébarbatifs, mais en plus, être un bon dessinateur, comme le maître AGBA Kondi !!!
En sciences vétérinaires, l’anatomie l’anatomie porte sur chaque espèce animale, prise isolément. L’anatomie du bœuf étant différente de celle du cheval ou de celle du singe. C’est uniquement chez l’espèce humaine, en effet, que l’anatomie est la même pour tous les êtres humains, indépendamment de la couleur de leur peau. Le Professeur AGBA était capable de vous faire l’anatomie de toutes ces espèces, en toute aisance. D’ailleurs, une formule le dit si bien : « le médecin soigne l’homme ; mais le vétérinaire soigne la population », entendons bien les êtres humains, car les maladies humaines viennent pour la plupart des animaux.
Charles Kondi AGBA, l’homme politique
Alors qu’il assumait brillamment sa carrière d’universitaire à Dakar, le Professeur AGBA fut nommé 1er Ambassadeur du Togo au Sénégal ; c’était à juste titre, car l’homme disposait d’une popularité et d’une réputation établies auprès de la colonie togolaise au Sénégal.
Dans les années 90, alors que notre pays était en pleine crise socio-politique, il fut nommé Ambassadeur du Togo en France
L’ambassadeur AGBA était en poste à Paris lorsqu’il fut nommé, le 5 juillet 2002, Ministre de l’éducation nationale et de la recherche.
Le 29 juillet 2003, il devient le premier titulaire du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y travailla, aux côtés du Président GNASSINGBE EYADEMA, à l’ouverture de l’Université de Kara, le 21 janvier 2004, une Université créée par Décret cinq ans plus tôt !!!
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Ce retour au pays natal fut le début d’une longue carrière d’homme d’Etat qui l’a conduit à occuper plusieurs fonctions politiques ou publiques importantes, à savoir, plusieurs fois Ministre, Député à l’Assemblée nationale, Président du (Mouvement africain d’évaluation par les pairs (MAEP), Président national des Sages du parti UNIR, pour ne citer que ces hautes fonctions.
Il savait marquer les étudiants dès le premier cours
Le Professeur AGBA arrivait en salle de classe en chantant des chansons lingala, un petit bâton en main, non pas pour taper les étudiants, mais pour des monstrations sur les croquis qu’il dessine impeccablement devant ses étudiants. A partir de ces chansons qu’il sifflait, il entrait subtilement dans le cours. Les premiers cours commençaient par l’ostéopathie (en abrégé Ostéo).
A la première séance, des os de toutes sortes d’animaux sont présentés aux étudiants, dans des sacs qu’il prépare. Les contenus sont montrés aux étudiants pour leur donner une idée sur le domaine dans lequel ils s’engagent. La complexité dans l’identification des animaux concernés a suffi à certains étudiants pour renoncer de s’inscrire à l’école rouge. Mais il prenait toujours le soin de leur dire : « c’est beaucoup, mais c’est rien ! », une façon de les rassurer et de leur faire comprendre qu’ils peuvent réussir comme lui. Qu’ils peuvent s’approprier tout, tout comme lui. Qu’ils peuvent maîtriser comme lui.
Les qualités intellectuelles du Professeur AGBA font de lui également un polyglotte. Il savait parler non seulement un nombre important de langues togolaises, mais également le haoussa, le djerma, le lingala, le ouolof, pour ne citer que celles-là.
Nous le connaissons également pour sa parfaite connaissance de la langue de Molière et aussi par ses publications:
Le commandant de cercle à Bassari,
Kabou, terre de légendes,
Ministre avec Eyadéma.
Son français châtié, nous amène à dire du frère Kondi Charles qu’il était notre Birago DIOP, ce dernier étant vétérinaire comme lui, ou notre Amadou Hampaté BÂ, pour son amour à écrire l’histoire des sociétés africaines.
Le Professeur Kondi AGBA et le social
Malgré l’intensité de ses activités intellectuelles, le Professeur AGBA savait appliquer à la lettre cette sagesse selon laquelle : « Un esprit sain dans un corps sain ». C’est ainsi qu’il a créé à Dakar, une équipe de football constituée essentiellement d’étudiants et fonctionnaires togolais, et dont il était le Président. Cette équipe sera engraissée plus tard par des étudiants d’autres nationalités.
Le Professeur Charles aimait aussi inviter les étudiants togolais pour partager des repas avec eux.
Mais ces instants gastronomiques étaient vécus avec une certaine anxiété par nos compatriotes. Il était capable, en effet, en milieu de repas, de sortir de son plat un os, et demander à l’un de ses convives : « c’est l’os de quelle partie de quel animal ? » Du coup, du repas, le menu se muait en un cours d’anatomie comparée ! L’homme vivait la matière de ses enseignements, jusque sur la table à manger ! Cela rentrait dans une forme d’évaluation continue de ses disciples.
Que dire encore, sur Lillustre personnalité qui nous quitte brusquement ?
Les mots nous manquent. Nous dirons, en toute humilité, que la vie est comme un marché. Sur terre, nous partons un à un ; chacun a son tour. Paix à son âme ! Que son âme repose en paix ! Nos condoléances les plus sincères et les plus attristées à toute sa famille !
Les cadres filles et fils du Grand Bassar