Pas une seule autorité étatique pour se prononcer sur les files de camions stationnés depuis la frontière Cinkassé allant au-delà de la ville de Kanté, soit sur plus de deux cent kilomètres à l’intérieur du territoire Togolais. C’est aussi le même phénomène qui est décrit du côté du Burkina-Faso de la frontière Cinkadouri jusqu’au-delà de Bitou. Et pourtant, la raison est toute simple. En effet, le gouvernement du Capitaine Ibrahim Traoré a mis en exécution son nouvel Arrêté N°2023/0520/MEFP/SG/DGD du 25 octobre 2023 « fixant modifications de délivrance et les montants des liquidations du passavant descriptif, de la Carte Jaune et des Laissez-Passer ». Cet acte de l’Etat Burkinabè fait monter le tarif du laissez-passer à 30 000 FCFA (EUR 47,74) par passage sans compter les frais annexes de 5 000 FCFA (EUR 7,62) au même poste. Cette taxe qui n’est applicable qu’aux camions étrangers devient le double lorsque le camion va au-delà de territoire burkinabè pour revenir. L’article 7 de ce nouvel arrêté vient abroger la décision administrative n°96-756/MIEF/SG/DGD du 31 octobre 1996 qui fixait le prix de « laissez-passer à 2000 FCFA (EUR 3,05) ».
Les camions du Burkina-Faso ne sont pas concernés par ce laissez-passer. Car chaque pays fixe le tarif de son « laissez-passer » qui tourne autour de 7000 FCFA (EUR 10,67). Ce que déplore les conducteurs togolais, béninois, maliens, nigériens, et autres nationalités est non seulement le taux est très élevé, soit une augmentation (1400%) mais aussi, le manque d’information préalable avant la mise en exécution de ce nouveau tarif.
Pour marquer leur mécontentement, les transporteurs ont d’abord mis un siège sur le poste frontalier et réclament l’annulation pure et simple de cette décision. Selon nos informations, les camions étaient stationnés depuis le vendredi 03 novembre dernier et rien n’entame la détermination des conducteurs.
L’attente aux frontières et les longues queues de camions vont engendrer de plusieurs maux dont les accidents avec éclatement des pneus, la dégradation de l’hygiène de vie, la débauche, etc. Les répercussions sont systématiques sur les activités au Port Autonome de Lomé avec des effets néfastes notamment : la pénurie des camions de transport car ceux qui devraient descendre à Lomé pour charger sont bloqués en territoire burkinabè et la cherté du fret terrestre. Car, la loi de l’offre et la demande vont s’imposer et à terme la congestion de l’espace portuaire d’où le ralentissement des activités. Et tout ceci, va se rejaillir négativement sur les recettes tant publiques que privées.
Plusieurs autorités ministérielles et administratives que nous avions interrogées toute la journée du lundi 06 novembre n’étaient pas au courant de ce phénomène qui a démarré le vendredi 03 novembre et s’est amplifié à partir du samedi. Étant absent du pays, le ministre Affoh Atcha Dedji en charge des Transports Routiers, Aériens et Ferroviaires, la rédaction a pu joindre l’un de ses collaborateurs le mercredi 08 novembre qui rassure « …le ministre gère ce dossier avec son collègue du Burkina car, c’est un arrêté pris par le ministre burkinabè chargé des finances qui est la source du problème. Les concertations se poursuivent pour trouver une solution. Mais si le Togo fait pareil ce sont les transporteurs qui vont subir la double peine ».
Les dommages sont déjà très énormes avec des camions sur plus de 200 km depuis plus de quatre jours d’interruption et le nombre peut déjà dépasser 3000 l’ensemble routier en stationnement.
Au cinquième jour de cette grève, beaucoup de transporteurs déclinent déjà les offres de transport ou hésitent à charger les marchandises au port de Lomé. Sur les marchés, les spéculations et le risque de pénurie des denrées alimentaires et autres marchandises sont à craindre.
Au niveau des conteneurs, le ralentissement va occasionner des frais supplémentaires de détention, surestaries et d’entreposage pour les opérateurs portuaires.
Rappelons que suite à l’embargo de la Cédéao, le corridor Togolais est redevenu la voie par excellence de transport de marchandises depuis le port de Cotonou vers le Niger. Les camions chargent du Bénin au port de Cotonou, traversent la frontière Tohoun pour rejoindre la Nationale n°1 par la ville de Notsè ou soit, ils montent par la frontière nord de Kétaou et rentrent par la ville de Kara pour continuer sur Cinkassé.
Voilà malheureusement, une décision prise ailleurs, dans un autre pays, qui a des répercussions fâcheuses au Togo. Selon un observateur, souvent dans de pareilles circonstances trois options peuvent s’imposer au Togo et aux autres pays touchés : il s’agit: d’appliquer la réciprocité en instaurant aussi un laissez-passer de 30 000 FCFA, de demander aux transporteurs des pays victimes qui ne peuvent ou ne veulent pas payer et qui ne souhaitent pas répercuter cette somme sur le coût du transport de ne plus se rendre à destination, (perte sèche pour eux et activité ralentie avec difficulté de rembourser les emprunts ayant servi à acquérir les camions aux banques). Egalement, une autre alternative serait d’aller négocier avec les autorités burkinabè pour suspendre ou diminuer le coût de ce laissez-passer et trouver un mécanisme afin que in fine les 30 000 FCFA (EUR 45,73) soient supportés par le client final.
Les tracasseries pour résoudre ce type de problème peuvent prendre beaucoup de temps avec un pays comme le Burkina-Faso qui est en crise sécuritaire aggravée et qui appelle ses citoyens à la solidarité financière.
C’est aussi sans compter sur la solidarité des syndicats de transporteurs qui ne transigent par sur leurs intérêts. Mais au départ, cette situation ayant conduit à cette rupture surprise de la circulation des hommes et des biens a failli porter un coup dur aux relations cordiales qui existaient entre les syndicats frères du Burkina et du Togo. Car le côté Burkina avait voulu faire croire que ce sont leurs homologues togolais qui avaient décidé seuls de bloquer la circulation et que les maliens, béninois et nigériens n’en étaient pour rien. Mais la solidarité est vite revenue pour l’intérêt de tous. Dans la réalité, les transporteurs n’en ont que dalle dans cette situation. Ils ne sont pas en principe redevables de cette charge. Hormis quelques exploitants de camions et importateurs qui rechignent à payer ces types de frais supplémentaires. Ces montants sont à répercuter aux destinataires de la marchandise et au bout du circuit, c’est le consommateur final qui supporte la charge.
Toutefois, ces routiers estiment que les frais de routes pour traverser les pays de la sous-région sont déjà trop énormes pour en créer d’autres. En effet, pour boucler le voyage aller-retour Lomé-Ouagadougou (1307 km), excepter les rackets des Forces de Défenses et de Sécurités (FDS), les chauffeurs doivent s’acquitter sur le tronçon Lomé-Cinkassé long de 657 km, cinq postes de péage à 3500 FCFA (EUR 5,34) par passage soit 35000 FCFA (EUR 53,36). Ensuite, sur l’axe Cinkadouri-Ouagadougou (650 km) en territoire Burkinabè, quatre postes de péage pour un montant total de 20000 FCFA (30,49) et la taxe de supercherie de l’UEMOA qui est collectée depuis 2005. Chaque camion qui traverse les frontières doit payer cette taxe d’un montant total de 35000 FCFA au poste juxtaposé. La taxe dénommée UEMOA est payée comme suit: à l’aller 25000 FCFA et 10000 FCFA au retour. Que fait-on avec tout cet argent qu’on collecte au nom d’une union qui divise ? Il faudra supprimer cette taxe dont personne ne sait la destination.
Chose très utile à préciser. Il faut tout de même reconnaitre que dans la réalité, l’Etat burkinabè a parfaitement raison de percevoir des taxes supplémentaires pour assurer continuellement les convoyages militaires des camions de marchandises sur son territoire et à destination de ses voisins. Il s’agit aujourd’hui de grosses dépenses que l’Etat du Burkina-Faso supporte seul. Mais c’est ensemble avec les autres Etats bénéficiaires de ces services et en collaboration avec les chambres de commerce et aussi bien les syndicats de transporteurs qu’il faut trouver une entente. Tous les pays et chambres du commerce dont les marchandises traversent le Burkina-Faso devraient être solidaires à cet effort de guerre. L’intégration sous-régionale ne doit pas s’arrêter à la création des concepts.
Sinon tous les acteurs ont compris qu’il faut soutenir le Burkina-Faso. Et d’ailleurs les syndicats des transporteurs prévoient d’entreprendre des actions pour mettre fin à la perception de la fameuse taxe UEMOA de 35000 FCFA. Ceci au profit du laissez-passer dont les autorités du Faso viennent de réévaluer le montant.
Pour atténuer les conséquences sur l’économie, il faudrait que déjà au Togo, les ministres du transport, de l’économie maritime, du commerce et de la sécurité se concertent pour rapidement juguler la situation en interne. C’est souvent rarissime que les autorités togolaises militent pour la cause des secteurs d’activité dans de pareilles situations. Sinon, une réunion de concertation devrait déjà avoir lieu avec les acteurs portuaires, notamment les lignes maritimes pour parler des allègements au niveau des détentions et des surestaries des conteneurs. Pour le cas présent, il faut négocier une remise sur les pénalités pour tous les conteneurs victimes de cette situation. C’est ce que les nigériens ont pu obtenir avec les compagnies installées au Bénin après le blocage de la CEDEAO. Sinon, ce sera la faillite totale pour les entreprises de transit et les importateurs de l’Hinterland qui vont tout répercuter sur le panier de la ménagère.
Les dirigeants togolais doivent apprendre à servir les citoyens et il y va de même pour les syndicats de la plateforme maritime de savoir réagir promptement pour mériter respect et confiance.
Un début de reprise a été constaté la matinée du samedi et on espère que la leçon est bien pigée.
La rédaction