Le nœud du problème qui fâche entre la France et le Niger, où des militaires putschistes anciennement promus à la sécurité du Président de la République nigérienne goûtent aux délices du pouvoir d’État, ne semble relever ni du juridique ni lier à la définition de l’État. Il pourrait s’agir de qui est habilité à s’exprimer au nom de celui-ci, toutes choses étant égales par ailleurs. Est-ce celui qui détient la réalité du pouvoir, y compris par voie de duperie ou de force, celui légitimé par les textes constitutionnels ou celui à même de protéger et de pérenniser les intérêts bassement acquis ? Les chinois eux par contre considèreraient que ce débat n’est qu’élucubrations relevant d’affaires intérieures aux États, notamment négro-africains : ils traiteraient avec qui est en mesure de traiter avec eux aux conditions bien comprises entre les Parties.
Le Président de la République française dit ne pas reconnaitre les putschistes au pouvoir à Niamey parce qu’ils ne sauraient représenter l’État du Niger. À ceci, perçu comme une outrecuidance, les militaires putschistes rétorquent : de quoi se mêle-t-il ce Président français Macron qui ne saurait leur donner d’ordre.
Du sans foi ni loi à la sauce nigérienne
On peut comprendre qu’à Niamey les nouveaux maîtres étalent naïvement leur incompétence et zèle, de nouveaux promus immérités aux plus hautes fonctions de l’État, avec une brutalité qu’excuse leur CV, de faible teneur d’hommes d’État, eux dont on sait par ailleurs qu’ils puent comme leurs prédécesseurs Bazoum et Issoufou de perverses rétrocommissions financières à faire vomir à mille lieux. Et si dans cette affaire c’était l’ex Chef de l’État Mahamadou Issoufou, le mentor du déchu Bazoum, qui au final tourne tout le monde en bourrique ! C’était suffisamment suspect et loufoque qu’il quitte ses fonctions présidentielles en y plaçant un obligé, le bien nommé malheureux Bazoum tenu de garder aux affaires (du pétrole) le fils et le Général, garde du corps de son prédécesseur notamment.
En effet à Niamey, le Général putschiste, ancien petit pote de l’ex Président Mahamadou Issoufou, donne l’impression de ne même plus savoir ce qu’il doit faire après avoir exécuté et réussi la basse besogne du coup d’État de trop dans son pays ; à part s’en prendre à la France et à la Cedeao. Il aurait au moins rusé en recevant les délégations de la Cedeao, de l’Union africaine etc. en clamant haut (et mensongèrement) qu’il ne compte pas garder le pouvoir, au lieu d’opposer une puérile fin de non-recevoir à leur demande d’audience ; il aurait pu également promettre cyniquement une brève période politique intérimaire pour rendre vertueuse la gestion de la République, jurer une libération du Président déchu sans condition mais au bon moment pour sa propre sécurité selon le langage convenu en ces circonstances de hold-up du pouvoir d’État etc. Après, il pourra tranquillement faire du dilatoire et compter sur la lassitude de ses pairs et de la communauté internationale etc.
Il est assez évident qu’à Niamey, les nouveaux maîtres en uniforme sont incapables, totalement incapables de produire un programme de gouvernement qui rassure et dame le pion à celui du régime renversé et rabatte le caquet à tout le monde ; alors, ils sont et font dans la diversion, passant leur journée à manipuler et à distraire, de manière cavalière en meetings et rassemblements, une jeunesse désœuvrée qui, une fois le rideau tombé, va prendre le chemin chaotique de l’émigration vers les autres pays de la sous-région, notamment côtiers, à défaut d’émigration clandestine vers … la France.
Mais c’est surtout la France diplomatique de Macron qui étonne dans cette querelle de charretiers, car elle abuse des mêmes méthodes brutales et frontales, inutilement polémiques des nouveaux maîtres de Niamey, aux manières de gangsters parce que preneurs du Président Bazoum et de sa famille en otage. La France, à l’opposé des États-Unis notamment, est souvent induite en erreur par la corrompue, l’insincère et incompétente Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté Économique Des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dépourvue de leadership crédible et tortionnaire de ses propres textes, très mal inspirée dans ses œuvres politiques depuis le double coup d’État du malien Assimi Goïta. La France de Macron ne peut ignorer, qu’avant de mettre en avant de quelconques dispositions relatives à la légitimité et à la légalité, elle a surtout affaire aujourd’hui à des Chefs d’État de la Cedeao devenus tous ou presque de redoutables affairistes, sans foi ni loi, à cause surtout du pétrole et des contrats d’armement aux rétrocommissions à faire perdre la raison à plus d’un.
Aaah la France diplomatique !
Pour le citoyen francophone africain lambda, la difficulté avec les autorités françaises est que tantôt elles adoubent ceux qui détiennent la réalité du pouvoir, y compris obtenu de façon indue, et tantôt laissent à leur sort de déchus ceux qui peuvent se prévaloir d’une certaine légitimité constitutionnelle. Ainsi, les coups d’État sont à un moment perçus salutaires et à un autre jugés iniques. La seule constance est que les autorités françaises regardent prioritairement laquelle des deux interprétations arrange la France dans l’immédiateté ; et puis elles se croient obligées de produire à chaud une déclaration publique officielle très engagée (à géométrie variable) ! Il en résulte du deux poids deux mesures ou encore cette diplomatie du copinage ou du libertinage qui finit indubitablement par agacer l’opinion publique africaine et desservir l’influence française en Afrique et dans le monde.
À l’inverse des autres puissances, les positions officielles de la France, lorsqu’il y a putsch, suscitent toujours des polémiques et font pschitt parce que le ton est inutilement condescendant. Il serait temps que la diplomatie africaine de la France soit moins paternaliste et moins ostentatoire et tienne compte du fait qu’aujourd’hui, quasiment tous savons en Afrique, que nos Présidents de la République, y compris surtout du Niger de l’uranium et dorénavant du pétrole, sont davantage de véreux affairistes pourris de rétrocommissions que des hommes d’État soucieux de l’intérêt général.
Vilévo DEVO