Ces incongruités qui brisent l’espoir des vaillants paysans
La gouvernance des affaires publiques au Togo n’en finit pas de montrer ses contradictions. Et comme les gouvernements successifs ne tirent jamais des leçons du passé pour ne plus tomber dans les mêmes travers, le pilotage automatique continue de faire échec à l’idée d’une vraie émergence économique. Le pays va mal pratiquement dans tous les secteurs d’activité. L’argent ne circule pas dans le pays. Tout est morose et il est difficile de faire des prévisions dans un pays où l’on a l’impression que même les commis de l’Etat roulent à contre-courant de la logique du vivre ensemble.
Les premières industries au Togo
L’historien grec Thucydide traite de l’histoire humaine comme un éternel recommencement en prévision des crises. Sauf qu’à la lecture des crises socioéconomiques au Togo, l’on constate avec regret qu’il s’agit d’une suite d’événements orchestrée et entretenue par les sommités. Le Togo a connu sa première industrie textile (ITT- Datcha et TogoTex Kara) déjà en 1970 soit 10 ans après son indépendance. Tout ceci a été accompagné par l’installation de plusieurs usines, notamment des unités d’égrenage du coton (Dapaong, Blitta, Tsévié…), des premières industries agroalimentaires TOGO-FRUIT et l’huilerie d’Alokoégbé, la révolution verte et son TOGO GRAIN avec ses silos installés dans presque toutes les régions du pays…OPAT pour la filière café-cacao… Bref, tous ces projets ambitieux sont morts par le fait de la mal gouvernance pour ne pas dire des géants au pied d’argile.
Depuis 2020, le pays enregistre l’émergence des filières anacarde et soja. Au même moment l’or blanc connait une baisse vertigineuse de 43% au niveau de la capacité de production, en seulement deux campagnes. La production a chuté de 116000 tonnes (2019-2020) à 66000 tonnes (2020-2021). Cela est consécutif à la suite de plusieurs facteurs qui ont démotivé les producteurs sur une décennie. Cette baisse qui continue a été accentuée par l’entrée du Groupe Olam dans le capital de la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) qui, la campagne dernière a préféré le soja-bio au coton, à travers une opération lourdement financée et renchérissement du prix en défaveur du premier. Ainsi, la tendance de la pratique des prix du coton graine relativement peu attractif face au soja très compétitif plombe encore le moral du cotonculteur qui voudra d’abord voir un meilleur avenir du coton, avant de revenir à une production soutenue de l’or blanc.
L’essor du soja au Togo
Bien avant l’année 2019, le Togo n’était pas connu en occident pour ses productions biologiques. Selon un rapport de la filière soja, le Togo occupait la 31ème place des pays exportateurs vers l’UE avec seulement 22123 tonnes, tous produits confondus. Cette montée en flèche, soit 42300 tonnes en 2019, 51000 tonnes en 2020 et l’an 2021 à 63300 tonnes d’exportation du soja-bio Togo, soit 60% du soja-bio importé du monde entier par l’UE. Le Comité de Coordination de la Filière Soja (CCFS-Togo) et les experts estiment pour la période 2021-2022, une campagne record de 300 mille tonnes de soja au Togo.
Cette performance du soja Togolais n’est pas tombée comme une manne du ciel. C’est un travail qui avait débuté depuis des décennies avec des initiatives privées à l’instar d’une coproduction radiophonique intitulée « La culture du soja, une manne pour le paysan ». Le magazine de 14’09’’ réalisé dans le cadre des activités du Réseau des Radios Rurales, Locales, Communautaires et Associatives du Togo (ReR-Togo), avec l’appui de son partenaire Jade Production- CAN du Burkina et la Francophonie. Cette production, dont la Coordination a été assurée par M. Francisco Napo-Koura, le 18 septembre 2009, et diffusée sur une vingtaine de radios de proximité sur l’ensemble du territoire. Cette émission décrit, non seulement, le processus cultural du soja mais aussi la récolte au stockage et fait distinguer deux variétés de soja. Elle met l’accent sur la valeur pécuniaire que le soja procure aux paysans et son rôle de fertilisant pour la terre.
La promotion du soja-bio connaîtra son véritable essor lorsque le Ministre Noël Koutéra Bataka était aux commandes du département stratégique de l’agriculture, ainsi que la décision de la Commission de l’Union Européenne de centraliser de façon numérique toutes les importations du soja-bio en provenance de l’extérieur. Alors un certificat d’inspection (CoI) est émis de façon électronique pour tous les produits entrants. Cela permettait d’avoir des chiffres vérifiables et facilitait la traçabilité des produits venant des « pays du tiers-monde.
Tous ces efforts ont été portés plus haut avec la création de l’Interprofession de la Filière Soja (CCFS-Togo). Une structure dotée d’un Conseil Interprofessionnel en interaction avec les services administratifs et étatiques dans le but de promouvoir le soja-bio d’origine togolaise au-delà des frontières.
Le soja, une manne qui redonne la vie à la jeunesse et aux paysan.es
La culture du soja présente plusieurs avantages pour les producteurs et les consommateurs. Pour les paysans, le soja, en dehors de sa facilité de culture,
ne nécessite pas des intrants et les graines sont riches en protéine avec une forte contenance en huile. Le soja constitue également une véritable source financière pour les paysans vue la demande et le prix sur le marché. Cela fait bientôt cinq (05) ans que la culture du soja confère aux paysans leur dignité comme c’était le cas au moment du boom du café-cacao, du coton et tout récemment de la noix de cajou. Ces produits permettaient aux vaillants paysans d’avoir des revenus plus ou moins conséquents. Les sojaculteurs, en un lapse de temps ont renoué avec la joie de vivre en construisant (rénovant) leurs habitats dans les villes et villages, se dotant des moyens de locomotion, investissant dans les soins de santé et l’école de leurs enfants. Ces deux derniers domaines que la gouvernance à tristement abandonné. La filière soja, en quelques années draine du monde et beaucoup d’investissements directs de l’étranger pour le financement de la production. Beaucoup de jeunes, femmes et hommes se sont lancés dans la culture du soja, dont le marché dépend plus de la qualité biologique que du classique offre-demande.
Les faits et actes qui tirent la filière soja vers le bas
C’est la manne qui attire également les réseaux mafieux, dont certains fonctionnaires véreux de l’Etat et aussi des étrangers comme indiens et pakistanais. Et c’est sur ces deux derniers que le Togo de Faure Gnassingbé veut s’appuyer pour l’industrialisation du pays. Ils ont l’appui et la protection no-limit du Ministre Sévon-Tépé Kodjo Adedze qui rechignait à lancer la campagne d’achat 2022-2023 par la fixation du prix planché. Mais, dans les coulisses, l’on nous apprend que son collègue Antoine Lekpa Gbegbeni aurait, lui, donné son accord. Évidemment, c’est à partir de la campagne 2021-2022, que les choses ont commencé par se compliquer pour les acteurs du soja. Avec les indiens du Groupe OLAM, à qui tout le monde est désormais astreint de vendre les produits sous le prétexte d’une usine de transformation qui n’a même pas encore vu le jour. Pour tout cela, tous les moyens roulants (moto et véhicules) de la SOTOCO et du MIFA ont été mis à en branle. Pour les moyens financiers, il ne faut pas en parler. La précédente campagne avait un prix planché aux producteurs à 205 FCFA le kilogramme. Et par rapport à ce prix, les négociants avaient signé des contrats autour de 225 FCFA. Mais, dans la réalisation, MIFA, NSCT et OLAM signaient des contrats à 300 FCFA. Même les concurrents asiatiques (chinois et pakistanais) et une société nommée SAM avait dû démissionner. Entre temps, OLAM avait remonté la barre à 350 FCFA le kilo. Ce qui devrait constituer une aubaine si cet argent rentrait en possession des producteurs. «Je suis revenu négocier mes contrats, mais à chaque fois, ceux-ci remontent aussi les enchères et ça créé une spéculation monstre », a confié M. Aminou Mamam, un négociant privé. Selon aussi certains observateurs, ce n’est autre chose que du blanchiment d’argent clair et net. Une façon de recycler l’argent volé dans le circuit pour le récupérer à l’extérieur. Il suffit de rapprocher les prix d’achat du kilo de soja aux paysans (275 FCFA) et le prix rendu entrepôt à Lomé (350 FCA) comparés au prix sur le marché international (250 FCFA) pour voir les écarts. S’il faut ajouter à ce prix d’achat, le transport, magasinage, la mise à FOB jusqu’au frais de transit et le fret maritime qui a pratiquement triplé depuis un moment, l’on constate aisément qu’aucun commerçant au monde voir capitaliste ne peut être aussi généreux vis-à-vis des paysans togolais. Pour l’acheteur Tchilalo que nous avons rencontré lors de notre visite de terrain le 26 novembre 2021 à Sotouboua (284 km au Nord de Lomé) « Au fait j’étais déjà sur le terrain début novembre. La prospection a été bien faite et j’ai élargi ma zone d’Atakpame jusqu’à Kaboli, passant par Bassar, Tcharekpanga et la zone Dapaong. Durant ce périple, j’ai eu à mettre en place un vrai réseau de collecte d’informations et d’achats de soja avec négociants et producteurs. C’est une prospection qui m’a pris plus de 9 000 000 FCFA ». Notre interlocuteur, très en colère était vraiment convaincu que certains barons du régime sont derrière cette campagne lorsqu’il dit « Ce gouvernement de Faure veut nous gâcher aussi la filière soja. Qu’allons-nous devenir si cette filière aussi tombe ? ». A cette allure, il va sans nul doute que le soja-bio du Togo va subir le même sort que le coton togolais qui avait plongé des agriculteurs dans le cauchemar au point où certains s’étaient suicidés. Selon un rapport de la CCFS-Togo « Une activité, aussi bien rôdée devrait être entretenue et valorisée. Cette activité ainsi que ses acteurs devraient même être protégés. Une négligence sur cela risque de rétrograder carrément la tendance et rendre nulle les efforts faits jusqu’à aujourd’hui.» Il faut également dénoncer tous ces escrocs qui se sont mis dans le soja, depuis que l’exclusivité a été donnée à OLAM. Les fameux agrégateurs et leurs mentors qui travaillent dans les sociétés MIFA et OLAM…
Tout le stock de l’année dernière que la société OLAM avait acheté a été exporté sans aucune transformation. Cette affaire de transformation est un canular. Encore une concession gratuite accordée à un réseau pour préserver des intérêts au culte, car l’unité de transformation de la PIA, dont on fait la propagande depuis quelques semaines ne pourra transformer les 300 milles tonnes de soja qui découleront de la nouvelle campagne. Cela va être le même scénario pour cette nouvelle campagne avec un gros volume de soja qui sera simplement exporté à l’état brut. Où se trouve la NIOTO SA dans cette affaire si tant est que la transformation du soja en huile est une priorité pour l’Etat togolais ? La NIOTO SA étant une société de droit togolais qui opère depuis 1975 dans la production des huiles alimentaires, de farine de soja, et autres produits à base de beurre de karité. Sinon, les sojaculteurs excellaient bien dans leur domaine avant l’arrivée du groupe OLAM. Ils sont bien organisés au sein du CIFS-TOGO; depuis la distribution des semences, la mise à terre, la récolte jusqu’à la commercialisation. Bien-sûr que l’Etat doit jouer sa partition en accompagnant chaque secteur d’activité pour la rendre plus dynamique et non devenir un frein pour son essor. Il y a beaucoup de défaits ailleurs comme la redynamisation du secteur fruitier dont le pays est actuellement dépendant du Bénin. La filière café-cacao et le coton qui faisaient la fierté du paysan est aujourd’hui relégué au second plan. C’est plutôt vers ces dernières filières que le gouvernement devrait se tourner pour une véritable politique de relance.
B. Douligna
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