La restriction des libertés publiques est le nouveau mode de fonctionnement de ce Comité de Direction en fin de mandat depuis fin 2023, et qui refuse de vider les planchers. Il n’a trouvé autre maraudage que de placer des caméras de surveillance avec micros dans les lieux de massification des étudiants ; blocs administratifs et pédagogiques pour traquer les voix discordantes. Que devient alors la liberté de franchises universitaires à l’EAMAU ?
En principe, la restriction des libertés publiques constitue une problématique majeure dans toute société démocratique ; on l’admet de façon ponctuelle quand elle représente une mesure spéciale. Mais elle prend une dimension particulièrement inquiétante lorsqu’elle touche, et encore de façon permanente des institutions académiques censées être des bastions de la liberté d’expression et de pensée critique. Il est établi que l’espace universitaire est un temple sacré, et qu’à ce titre il ne saurait faire l’objet d’aucune forme de censure.
À l’École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (EAMAU) on ne l’entend pas de cette oreille ; on surveille tout le monde et en permanence. Cette situation prend une allure terrorisante alors que le Comité de Direction, en fin de mandat, refuse de céder la place. Comme pour occulter son illégitimité notoire, le club de Moussa Dembele instaure un climat suffoquant marqué par une surveillance oppressive généralisée au sein de l’établissement.
Cet architecte malien Moussa Dembele a succédé à l’ex-intérimaire, le Togolais Mawuéna Kodjo Tchini, à la tête de du prestigieux établissement de formation universitaire en architecture, urbanisme et gestion urbaine en septembre 2015, à l’époque pour un mandat de 04 ans renouvelable une seule fois. Le second mandat devrait donc prendre fin en 2023.
Tout comme la gestion qualifiée de scabreuse de l’ivoirien, ex-DG Kouadio N’Da N’Guessan et son DAF Idrissa Galbane, accusés de détournement de 213 millions FCFA entre 1997 et 2013, celle du comité conduit par Dr Moussa Dembele (DG) ne reflète pas non plus de l’orthodoxie. Il est aidé dans sa tâche par le togolais M. Apeto Dzulamedji Magloire (DAF), l’ivoirien Yavo Yapi Philippe (DAAS) et le camerounais Ndongo Achille (DDR). Et bien évidemment l’EAMAU a pour Président de Conseil d’Administration d’office, le Ministre de l’Enseignement Supérieur du pays hôte. Donc depuis 2020, le prestigieux institut a comme PCA, le professeur Majesté Nazoba Ihou Wateba.
Cette mauvaise gestion de la chose inter étatique a été décriée en 2019 et tout dernièrement par les étudiants et enseignants dans leur ensemble qui ont manifesté pendant des jours au cours de l’année académique 2023-2024. Ainsi, la fameuse maxime tend à se confirmer : « là où Majesté s’agrippe, c’est qu’il y’a l’odeur de l’argent sale ».
Alors que depuis octobre 2023, le malien Moussa Dembele a dit son aurevoir à l’académie lors de ce qui devrait être sa dernière réunion du Conseil d’Administration (CA) où l’on devrait connaître son successeur, mais près de dix mois après l’équipe s’accroche toujours. Et pour cause le terrain est très bien huilé pour les magouilles.
Ceux qui se souviennent encore des scandales de détournement à la société TELECEL, actuelle MOOV AFRICA peuvent avoir encore en mémoire le nom du comptable-financier. Il s’agit, sauf s’il a un sosie, de l’un des cerveaux de ce passé sombre de la société de téléphonie. Ce dernier est enfin de retour de sa cachette gabonaise. Et c’est lui qui gère aujourd’hui la trésorerie de l’EAMAU. C’est des oiseaux de même plumage qui se retrouvent dans l’affairisme. Le successeur du Prof Akpagana a retrouvé un partenaire au sein d’un comité de direction dont les membres sont également avides d’argent.
Pour tout camoufler et faire perdurer le comité dont le mandat est obsolète, un processus de nomination du nouveau Comité de Direction avait bien démarré à l’issue de la réunion du Conseil d’Administration de décembre 2023. Un cabinet a été recruté et a lancé les candidatures qui ont abouti à collecter les nouveaux prétendants. C’était depuis le premier trimestre 2024, mais après silence radio. Car le Conseil d’Administration tarde à publier les résultats des consultations pour le remplacement de l’ancienne équipe du Dr Moussa Dembele.
C’est dans cette ambiance délétère qu’un étudiant de nationalité ivoirienne a été retrouvé pendu dans sa chambre. Personne n’est encore arrivé à connaître les raisons de ce suicide alors que l’étudiant en question devrait soutenir son Master juste le lendemain de l’acte fatal. Il est aussi très tôt de lier cette mort à l’état de terreur qui prévaut dans ce temple sacré.
L’EAMAU, cette institution de renom en Afrique, a toujours été perçue comme un espace où la créativité et la liberté d’expression sont encouragées, permettant ainsi aux futurs architectes et urbanistes de développer leur potentiel dans un environnement ouvert et démocratique. Cependant, la récente installation de caméras et de micros dans les blocs administratifs et pédagogiques met en lumière une dérive despotique qui menace ces principes fondamentaux.
Le but avoué de ces dispositifs de surveillance est de traquer selon leur propre propos, les « mauvais parleurs », c’est-à-dire ceux qui oseraient critiquer la direction en place, créant ainsi une atmosphère de méfiance et de peur parmi les étudiants et le personnel.
La mise en place du dispositif de surveillance par la clique Moussa Dembele s’inscrit dans une logique de maintien coûte que coûte d’un contrôle absolu sur l’institution. Une telle attitude, en plus d’être moralement répréhensible, va à l’encontre des valeurs que l’EAMAU devrait incarner. Le prolongement illégitime du mandat d’un organe dirigeant au sein d’une institution académique compromet non seulement le fonctionnement de cette dernière, mais aussi la confiance que la communauté universitaire et les partenaires extérieurs lui accordent.
L’installation des dispositifs de surveillance ne peut être interprétée que comme une tentative de museler toute forme de contestation. Elle envoie un message clair : toute critique à l’égard de la direction sera non seulement entendue, mais aussi potentiellement punie. Une telle politique est profondément contraire à l’esprit d’une institution académique, où les idées doivent pouvoir être débattues librement, sans crainte de représailles. Les caméras et micros, loin de garantir la sécurité ou l’amélioration du climat de travail, instaurent une dictature de la pensée unique, où toute divergence est considérée comme une menace à éliminer.
Les conséquences d’une telle restriction des libertés sont multiples et inquiétantes. D’abord, elle crée un climat de terreur psychologique parmi les membres de l’institution, qui, craignant d’être surveillés en permanence, n’osent plus exprimer librement leurs opinions personnelles. Ensuite, elle nuit gravement à la qualité de l’enseignement et de la recherche, car l’innovation et la critique, moteurs de progrès dans ces domaines, sont étouffées.
Enfin, elle entache la réputation de l’EAMAU, à la fois sur le plan national et international, la transformant en un symbole de l’arbitraire et de la répression, plutôt qu’en un phare de la pensée libre et éclairée.
Cette situation à l’EAMAU s’inscrit dans un contexte plus large de restrictions des libertés publiques dans de nombreux pays africains, où la peur du changement pousse certains dirigeants à s’accrocher au pouvoir, souvent au détriment des droits fondamentaux des citoyens. En agissant ainsi, le Comité de Direction de l’EAMAU s’éloigne des idéaux de transparence et de démocratie qui devraient être au cœur de la gouvernance de toute institution publique. Pire, il contribue à banaliser des pratiques autoritaires qui, si elles ne sont pas dénoncées et corrigées, risquent de s’enraciner durablement dans le paysage institutionnel africain.
Il est impératif que la communauté universitaire, les partenaires de l’EAMAU, et les autorités compétentes interviennent pour rétablir un climat de confiance et de liberté au sein de l’institution. Le mandat du Comité de Direction doit être strictement limité dans le temps, et tout prolongement illégitime doit être contesté. Par ailleurs, les dispositifs de surveillance doivent être immédiatement retirés, et des garanties doivent être offertes aux étudiants et au personnel quant à leur liberté d’expression. Il en va de la crédibilité de l’EAMAU et de la qualité de l’enseignement qu’elle dispense.
En somme, la restriction des libertés publiques à l’EAMAU par un Comité de Direction en fin de mandat est une dérive absolue qui doit être fermement condamnée. La surveillance généralisée et la répression des critiques sont incompatibles avec les valeurs d’une institution académique digne de ce nom. Il est temps que l’EAMAU retrouve son rôle de sanctuaire de la liberté académique et de la pensée critique, en respectant les principes de transparence et de démocratie qui doivent la gouverner.
La rédaction
« TAMPA EXPRESS » numéro 0063 du 16 août 2024