Plusieurs banques et institutions de microfinances sont en difficultés dans la sous-région ouest africaine et le cas togolais est plus qu’inquiétant. Les institutions financières dans leur ensemble sont confrontées à une crise de liquidité, exacerbée d’une part par leur exposition importante (banques) aux risques souverains en Afrique centrale et de l’Ouest et d’autre part, la proportion de prêts non performants très élevées.
Mais à SUNU BANK Togo, l’origine de cette crise semble lointaine. Un problème de stratégie et de gestion dans le passé qui rattrape cette banque aujourd’hui. Il est important de rappeler que SUNU BANK (Assurance) vient du rachat de la Banque populaire d’épargne et de crédit (BPEC) qui était anciennement la Caisse d’Épargne du Togo (CET). Cette dernière était gérée comme une administration…avec de lourds crédits en souffrance.
C’était la même cloche du côté de Oragroup qui a racheté la BTD. Le rachat de la Banque Togolaise de Développement (BTD) s’était opéré avec un très lourd passif en 2010. Et M. Patrick Mestrallet qui était aux commandes d’Oragroup avait procédé à la titrisation spectaculaire des crédits en souffrance. Ce dernier quitta le groupe bancaire Oragroup en 2016 avec tous les indicateurs au vert. Cependant, depuis le bilan 2023, cette embellie a totalement chuté au point où depuis fin 2024, le groupe a annoncé « avoir besoin de 273 milliards de francs CFA (environ 454 millions $) pour renforcer les fonds propres de ses principales filiales, conformément aux exigences réglementaires de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) ». Malgré sa position de leader sur le marché bancaire togolais, la filiale Oragroup a besoin de 80 milliards FCFA pour rétablir sa situation financière.
Alors qu’en sera-t-il de SUNU BANK Togo qui en plus des aléas du marché togolais est confrontée à trois maux majeurs notamment la mauvaise gouvernance, une transformation institutionnelle (passage CET à SUNU) non réussie et un syndicalisme accru couplé d’un népotisme accentué.
Le premier mauvais casting a été la nomination à la tête de SUNU BANK Togo, une première pour son entrée en tant que première banque du groupe SUNU, l’administrateur provisoire Tagba Abissi, un ancien cadre de la BCEAO pour transformer la Caisse en Banque. Il lui était reproché des décisions solitaires et outrageuse sans l’avis du Conseil d’Administration (CA). Il accordait des crédits de plus du milliard de FCFA alors qu’il était astreint à 100 millions FCFA.
C’est sous le sieur Tagba Abissi, en 2011, que les comptes des amis portaient des débits irrécouvrable de centaines de millions FCFA et c’est son administration qui avait rénové le bâtiment. Des rumeurs disaient qu’il y avait des malversations ayant conduit à un audit général, suivi de licenciement de certains cadres de la banque notamment le responsable comptable d’alors et bien évidemment le directeur général. On se rappelle également de ce scandale où une trieuse sortait de l’argent de la BEPEC pour aller jouer la Loto. Cette dernière aurait fait évaporer la somme estimée à plus de 65 millions FCFA selon le contrôle interne. La dame et son chef seraient déposés à la prison civile en ce temps… De plus certains accusaient la direction à l’époque d’un recrutement clanique. Cela avait amené à la suite des premiers licenciements, à faire adhérer beaucoup d’agent à la SYNBANK et le leader n’est que l’actuel chef du SYNBANK. C’est lui qui dirigeait les revendications…
Par la suite, le Conseil d’Administration (CA) de SUNU avait proposé un plan social, c’est-à-dire un licenciement collectif pour motif économique car, les fonds propres de la banque étaient dans le rouge. Sauf que cela n’a pas empêché les nouveaux venus de tomber dans les mêmes travers ou de faire pire ; importer la main d’œuvre étrangère qui est payée en expatriation, faire des crédits fantaisistes comme au temps des sieurs Lamboni Mindi, Yves Badohun et autres du temps de la CET et BPEC. Quand on évoque SUNU au départ, c’est plus l’assurance. Ceci dit qu’il y a eu un mariage d’une caisse d’épargne et d’une compagnie d’assurance, chacune avec ses réalités qui sont d’ailleurs bien différente de la Banque.
La transformation institutionnelle de la caisse d’épargne qui était destinée aux agriculteurs à l’époque avec l’Office togolais des produits agricoles (OPAT), a été un grand fiasco. Transformer une caisse d’épargne en une institution de crédit devrait être plus rigoureux. La stratégie devrait prendre en compte la mesure des enjeux dès le départ ; licencier une grande partie du personnel et recruter ou débaucher des cadres de banques pour cette mutation. Cela n’avait pas été fait et la conséquence devrait suivre indubitablement. De plus, étant une caisse d’épargne avec une grande couverture du territoire en termes d’agence pour servir la proximité, il était donc indispensable de fermer un bon nombre de ses agences et ne garder que quelques-unes.
La triste vérité c’est que ces employés des agences ne s’y connaissent pas en gestion des opérations bancaires. Alors un vaste plan social était nécessaire, mais à l’époque, les syndicalistes s’y sont opposés et en lieu et place avaient proposé des revendications à l’instar des promotions et augmentations de salaires, le CA et les représentants des employés étaient braqués sur le sujet.
Aujourd’hui, même ORABANK TOGO qui avait connu une rigueur dans la transformation de la BTD pour afficher une performance enviable, annonce encore la fermeture de certaines de ses agences, mais cela ne fait pas du brut. Notons qu’au départ ORAGROUP avait hérité des agences de la BRS, Financial Banque avant d’ouvrir de nouvelles agences à travers le pays. Mais depuis 2023, la filiale togolaise avait fermé des agences à Lomé dont celle en face de Sarakawa et le Grand Lomé et dans le Nord, dans la ville (présidentielle) de Kara et cela se poursuit avec la fermeture de l’agence de Kanté (chez l’ancien tout puissant ministre des finances Adji Otèth Ayassor) et cette année, c’est le tour de deux autres agences à Lomé et l’unique de la ville de Sotouboua.
Ce qu’il faut savoir de cette histoire d’implantation des agences est que souvent leur création n’est pas fondée sur la rentabilité ni calcul économique, mais sur le saut politique. Plusieurs agences de banques roulent à perte et représentent des coûts énormes en infrastructure, personnel et charges de fonctionnement pour les établissements financiers. Elles ne sont souvent pleines que lors des virements des salaires des fonctionnaires alors que normalement cela devrait plus servir aux opérateurs économiques.
Enfin, la mauvaise gouvernance a pareillement eu pignon sur rue lors de la gestion de dame Myriam Adotevi. Car entre temps la BCEAO avait fixé un nouveau plafond du capital social minimum des banques de l’Union à la hausse. SUNU aurait mis 20 milliards FCFA en apport pour faire venir cette dernière au poste de DG, mais le climat social ne s’était pas amélioré. Sous Myriam Adotevi aussi des cas de malversations avaient été signalés et des transactions hasardeuses à l’instar d’une caution d’un milliard qui avait nécessité leur interpellation à la commission bancaire.
Le confrère Ferdinand Ayité dans ses Lives des dimanches a évoqué plusieurs milliards de FCFA de malversations. La suite est qu’en toute impunité, la Directrice Générale a quitté Lomé pour un autre poste au sein du groupe et nommé son compatriote Benito Fado, un autre béninois. La situation se dégrade toujours et la solution envisagée est de mettre le plan social en exécution, environ 120 personnes à licencier et la fermeture de plusieurs agences.
Toujours il faut rappeler que dans le même rectangle (Togo), l’on dénombre plusieurs autres banques à l’instar de la Banque Sahélo-saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC), la Société Inter Africaine de Banque (SIAB), le Groupe BANK OF AFRICA (BOA)…qui ont moins d’agence à travers le pays, mais qui célèbrent les bilans et résultats positifs.
Que peut alors l’ancien DGA qui a pris le fauteuil de Mme Myriam Adotevi depuis janvier 2024 alors qu’il était censé être liés par l’échec de son prédécesseur ? De toute évidence une restructuration est le seul gilet de sauvetage actuellement. Le DG Bénito Fado est un ancien de ECOBANK Bénin. Il était DGA depuis deux ans avant de monter Directeur Général donc un homme de la maison. C’est lui qui succède directement à dame Adotevi. Alors SUNU BANK pourrait bénéficier des mêmes stratégies qui font qu’ECOBANK, un groupe panafricain dans lequel il y a plus d’étrangers que de nationaux, beaucoup d’anglophone d’ailleurs, mais qui sait où il va, à travers des politiques d’optimisation et de Réduction Des Charges (RDC, comme on le dit chez ECOBANK). Ce nouvel élan ne sera possible que si les acteurs lui laissent les manettes libres.
En espérant que très rapidement, la BCEAO et l’UEMOA se penchent sur la modification des dispositions qui permettent aux banques de la zone XOF de procéder à un geste collégial dans le top management (mixture nationaux et expatriés), comme c’est le cas depuis des lustres dans la zone CAMAC, que les institutions de surveillance également fassent Bien leur part en ce qui les concerne.
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0072 du 12 mars 2025
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