« Faire de l’aquaculture le future cacao de la Côte d’Ivoire », dixit Sidi Tiémoko TOURE. Et si le jeune Doyen (FEG) trichait positivement le Vieux jeune (ADO)? Il est de plus en plus urgent pour les États africains de protéger certains pans de leurs économies à l’heure du chamboulement où l’ordre économique international s’impose avec acuité. Et pour preuve « L’avenir du monde sera défini de façon très importante en Afrique », dixit Antony Blinken en Afrique ce mois août 2022, pour contrer l’influence russe, sur RFI. Autrement dit l’Afrique sera leur terrain de jeu, la bataille pour son contrôle ne fait que commencer. Une stratégie protectionniste de la chaîne de valeur de la production piscicole au Togo a non seulement, pour avantages de garantir une alimentation saine par le truchement du consommer local, mais aussi, assurer l’auto emploi et surtout apporter, un tant soit peu, de l’oxygène aux agrégats économiques.
En effet, selon les statistiques récentes et officielles, le Togo importe en moyenne par an entre 70 mille et 80 mille tonnes de poissons contre une production nationale de 25 mille tonnes, avec un besoin national annuel évalué à 100 mille tonnes. En terme économique, dépréciation occasionnée par cette importation sur la balance commerciale est de plus de 2,13 millions USD, soit à peu près 14 milliards de FCFA.
Le Togo peut investir dans la filière, afin de réduire cette dépendance et améliorer positivement et significativement sa croissance et sa balance des paiements. Pour l’instant, la production nationale en poisson ne représente qu’une infirme partie, soit environ 4,5% de la consommation locale. Tout est encore à l’étape embryonnaire au Togo et le pays n’est qu’à ses débuts dans la filière. L’importance de la chaîne de valeur (CV) du secteur poisson, avec son impact attendu sur la création d’emplois, de richesses et l’effet sur la balance de paiements (économie de devises pour les importations de poissons) en vaut la chandelle.
Les chaînes de valeurs de production agricole pour alimenter la CV de fabrication d’aliments, la CV de production piscicole, la CV de commercialisation, la CV de transformation du poisson… Autant de potentialités à développer pour l’économie
Pour faire découvrir l’immense richesse de la culture du poisson (carpe), nous allons vous faire voyager dans l’ivoirité du consommer local.
Il est important de préciser que la terminologie « tilapia » pour désigner ce type de poisson est d’origine chinoise. D’où la nécessité pour les africains de changer de vocable en désignant leur poisson local par « carpe » ou si l’on veut dans les langues nationales…
Le vieux Félix Houphouët-Boigny (1960-1993), le pionnier du consommer local en RCI
Fils de paysan, né en 1905, feu Félix Houphouët-Boigny, privilégiait toujours l’agriculture par rapport à l’industrie malgré un sous-sol riche (or, gaz, pétrole) et un littoral assez étendu. Il préfèrera la campagne plutôt que la ville et n’aura qu’un seul souci, « l’intérêt bien compris des planteurs africains, en l’occurrence ivoiriens. ». Il était le plus grand planteur dans son pays, en impliquant les institutions bancaires, les immigrés et bien évidemment la formation et le recrutement des manœuvres, ouvriers et cadres de l’agriculture.
Houphouët-Boigny, patron des syndicats agricoles est un bon exemple de la révolution verte basée sur la consommation locale.
Tout près, son homologue et cher ami Etienne Gnassingbé Eyadema (1967-2005), aussi fils de paysan, s’était quant à lui, muré dans le griotisme des slogans des animateurs et les (charmantes) animatrices. Il avait plus d’appétit pour les bijoux de famille dont cette Compagnie Togolaise des Mines du Bénin (CTMB) qui connaîtra beaucoup de transformations cosmétique passant par l’Office Togolais des Phosphates (OTP)… C’est ainsi que le Général Eyadéma avait délaissé sa politique de révolution verte à ses collabos qui en ont fait un échec total et cela continue ainsi même après sa mort. Pour Norbert Zongo de vénéré mémoire « Personne n’a un avenir dans un pays sans avenir ».
Alassane Ouattara, la continuité de son Père adoptif
Le cacao ivoirien demeure une source d’inspiration. Les différentes crises qu’a connues la RCI depuis la mort de Félix …n’ont nullement entamé la performance de l’agriculture du pays. La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, a vu sa production s’élever à près de 1,7 millions de tonnes pour la campagne 2013- 2014. La production cacaoyère de la Côte d’Ivoire a franchi la barre de 2 millions de tonnes depuis 2017.
Pendant que les Républiques sœurs de la Côte d’Ivoire et du Ghana fêtent la fève du cacao, avec une production dépassant respectivement 2 et 1 millions de tonnes, le Togo de Faure Gnassingbé régresse de 15 milles, précédemment de 9 mille tonnes, même avec les produits de contrebande venant du Ghana.
Depuis l’accession du président Alassane Ouattara au pouvoir, la production du riz en Côte d’Ivoire qui était de 1,4 millions de tonnes en 2016 est passée à près de deux millions de tonnes de riz en 2020. Et c’est un pari gagné pour Alassane Ouattara, pendant qu’au Togo, les rizières aménagées dans les localités de Djablé et d’Agomeglozou peinent à démarrer depuis près de 10 ans.
Immersion dans la chaîne de valeur de l’aquaculture ivoirienne
Le gouvernement ivoirien a lancé ce 1er août 2022, depuis la ville de Bouaké, son programme stratégique de transformation aquacole. A travers cet ambitieux projet, la Côte d’Ivoire projette de produire 500 mille tonnes de poissons à l’horizon 2030, avec une chaîne de valeur estimée à 825 milliards de francs CFA. La RCI dispose des plans d’eau à perte de vue pour produire du poisson sain et frais. A l’heure actuelle, le pays reste dépendant des importations de poissons car, les productions nationales ne couvrent que 14 % des besoins de la population.
Le déficit en production locale amène le pays à importer des poissons surgelés en provenance de l’Asie, avec un coût de plus de 200 milliards de francs CFA par ans, faisant du pays des Éléphants le plus gros importateur de tilapias congelés au monde. Alors, ce méga programme stratégique de transformation de l’aquaculture est la vision 2036 du président de la République Alassane Ouattara pour un pays prospère et solidaire. Avec le développement de la chaîne de valeur poisson, le pays va réduire significativement la dépendance extérieure en protéine.
Le Programme Stratégique de transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire (PSTACI) qui assure l’investissement et l’employabilité, le pays se projette très loin pour devenir le premier exportateur de poissons au monde. Pour le ministre des Ressources Animales et Halieutiques « Commencez à investir dans l’aquaculture, devenez des éleveurs de poissons, est une activité rentable qui vous rendra prospère, en d’autres termes, c’est le futur café cacao de Côte-d’Ivoire dans laquelle, il faut investir », a déclaré Sidi Tiomoko Toure. Il en appelle à ses compatriotes, adultes et jeunes à commencer à investir dans la filière.
En effet, la maîtrise parfaite de toute la chaîne de valeur de cette filière naissante de l’aquaculture est le gage de son émergence. Toujours selon ce dernier, « Pour faire l’élevage des poissons, il faut des alevins d’où les spécialistes pour leur production locale, il faut également des spécialistes pour les mettre dans un étang d’eau qui doit être aménagé». Puis, Il faut fabriquer localement des provendes pour nourrir l’élevage. Cette nourriture des poissons sera fabriquée localement à partir des aliments que le pays produit sur son sol. Voilà la véritable chaîne réformatrice du secteur de l’aquaculture ; installation des usines pour la production des alevins et la provende, avec en exigence, en amont, le développement de culture vivrières comme le soja, du maïs, le manioc…les déchets issus de l’agriculture. La chaîne de valeur se poursuit avec l’installation des agro-industries et des centres de formation d’excellence.
Enfin, les effets positifs sur la balance commerciale et la balance des paiements seront très prolifiques pour le pays d’ADO. Produire 500 milles tonnes de poissons dégagera un fort excédent pour une valeur de 825 milliards de FCFA. Cela dépasse largement la mobilisation annuelle des ressources propres du Togo pour le financement du budget de l’Etat.
Qui sabote la consommation locale au Togo ?
Au Togo, les enjeux sont énormes. Car, les adeptes du gain facile brassent de gros sous, en défiant la politique du « consommer local » de Faure Gnassingbé. Et le hasard a voulu que ce soit son beau-frère chéri Antoine Lékpa Gbégbéni, ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et du Développement Rural et son homme de main Dr Komlan Batawi, à la tête de la Direction de l’élevage, qui s’est incrusté au poste, depuis plus d’une décennie et ce malgré son admission à faire valoir ses droits à la retraite en début de cette année 2022. Que peut alors le pauvre Kodjo ADEDZE, Ministre du commerce, de l’industrie et de la consommation locale devant le duo qui délivre des autorisations d’importation du tilapia chinois au mépris des dispositions gouvernementales ? La description suivante discrédite le fonctionnement de l’Etat togolais. Pour paraphraser les ivoiriens « …les moutons se promènent ensemble mais ils n’ont pas le même prix». Il y a donc à un côté ceux qui sont dans l’intimité du Roi et qui sont des affranchis et de l’autre côté les ministres de second rang.
Alors revient la question du poids politique et le rôle des Premiers Ministres dans les Etats dictatoriaux. Les présidents Patrice Talon et Macky Sall, respectivement du Bénin et du Sénégal ont, peut être bien fait, en se débarrassant de leur garçon (dame) de chambre pendant leur mandat et les résultats sont significatifs sur le terrain lorsqu’on voit les réalisations au cours de leur mandat.
Ainsi, la responsabilité de Victoire Sidomeho Tomegah-Dogbé serait-elle dégagée ? Car pour cette affaire de tilapia, la primature actuelle ne réagit pas malgré les nombreuses sollicitations des pisciculteurs locaux. Pas parce qu’elle est à ce poste de garage, mais certainement parce que Mme Tomegah-Dogbé, aussi entretient bien son réseau au cœur de l’Etat. Elle est aussi bien entourée par les siens dans des conflits d’intérêt pas possible. On se rappelle qu’à l’origine, la psychose « Tilapiagate» ou «Chinalapiagate » en novembre 2015 qui a été mis au grand jour par le confrère l’Alternative lorsqu’une cargaison de 2295 cartons équivalent à un conteneur de tilapias suspecté depuis l’origine par l’Unité mixte de contrôle des conteneurs(UMCC) avait été saisie par les Douanes togolaises. Au cœur de ce trafic, la belle-sœur de Mme Dogbe, alors ministre du Développement à la base. Malgré la dangerosité de cette marchandise, cette dernière s’était évertuée personnellement pour libérer ce poisson déclaré impropre à la consommation. Les togolais sont devenus des otages d’une oligarchie, dont nul ne sait à quand la fin. Sinon une volonté politique et même une prise de conscience des citoyens sur leur propre santé peut damer les pions au tilapia d’Asie au profit des carpes bio produit localement. Car, selon les statistiques de la douane togolaise, les importations des produits halieutiques importés pour la consommation, venant de l’Asie…et même de la Mauritanie, de Janvier à Juin 2022 dépassent 34000 tonnes. Cependant, les textes en vigueur demandent aux importateurs d’acheter seulement 10% des importations soit 3.400 tonnes de produits locaux. Mais la mauvaise foi du réseau mafieux n’a permis d’en acheter localement qu’environ 1000 tonnes en juin 2022. Vous comprenez aisément que le gap des 400 tonnes couvrent entièrement les 200 tonnes de stock de poissons actuellement en mévente sur le site de Nangbéto.
Forte potentialités de la chaine de valeur des ressources halieutiques togolaises
Le secteur de l’aquaculture est un secteur porteur dans le monde. Selon les projections mondiales, la production halieutique et aquacole mondiale devrait croître à un rythme de 1.2 % par an, contre 2.1 % par an la décennie précédente. Les principaux freins au développement des secteurs sont maniables pour dépasser la barre des 2,1%.
Pour preuve, selon les données officielles, la production halieutique sur le Lac Nangbéto, a connu une hausse de 433% en 07 ans, passant en effet de 600 tonnes en 2012, à 3 200 tonnes en 2019. La tendance est toujours à la hausse. Mais jusqu’à présent, la plupart des échecs s’expliquent par le manque de personnel qualifié, les carences de l’infrastructure et l’absence d’une politique gouvernementale expressément orientée vers le secteur. Et c’est les maux dont souffrent le Togo et les autres pays africains ; le virus de la mal gouvernance et sabotage économique.
Tout comme la Côte d’Ivoire, le Togo dispose de tous les atouts pour émerger dans le développement des chaînes de valeur en ressources halieutiques. Pour l’instant l’on ne parle que du lac de Nangbeto et quelques piscicultures ici et là. Le Mono, l’Oti, la Kara et la possibilité de faire de la pisciculture hors sol avec ses apports en fertilisant pour la production maraichère.
La plus grande inquiétude vient du fait que c’est le Chef de l’État Faure Gnassingbé en personne qui a arbitré entre les importateurs et les pisciculteurs. C’est à cet instant que le Président de la République Togolaise avait décidé et demandé au Ministre Kokou Tengue de retenir ce taux de 10% à faire appliquer par l’administration publique. Alors toute attitude contraire venant de certains hauts fonctionnaires de la république en total déphasage avec les lois, au-delà de l’indélicatesse, peut être qualifiée de sabotage économique ou simplement la pure trahison.
Bref, tous les ingrédients sont sur place, tant en ressources humaines qu’en matières premières. Il suffit d’avoir une gouvernance responsable qui respecte ses propres règles, d’accompagner les institutions financières et aussi d’une dose de patriotisme de la masse populaire.
Francisco NAPO-KOURA