Cet audio est un coup de gueule d’un goût douteux, notoirement infantilisant et sans base ni scientifique ni pragmatique. Il faut espérer qu’il ne s’agit pas d’extraits d’une de ces thèses de doctorat de nos universités en veux-tu voilà qui diabolisent l’Occident, tellement c’est léger de bout en bout en raisonnements et références historiques.
Quelques contre-exemples suffisent pour infirmer à plate couture les quatre (4) axes définis par l’auteur de l’audio comme étant des axes d’un “modèle imposé par l’Occident pour paralyser l’Afrique (sic)”.
1er axe et premier contre-exemple
Le 1er contre-exemple de cette analyse totalement émotive qui présente le contrôle des naissances (planning familial) comme une stratégie suspecte pour retarder l’Afrique est le couple Ghana et Chine.
En Afrique, le Ghana a appliqué une politique délibérée de planning familial dès les premières années des indépendances, sans que Kwame Nkrumah son Président panafricaniste y ait été contraint par qui que ce soit. Ce pays fait partie aujourd’hui des plus performants et est exemplaire du point de vue rayonnement culturel en Afrique.
En Asie, la Chine de Mao, sans y être contrainte par les occidentaux, a contrôlé elle-même la natalité de sa population et de manière radicale lui permettant de s’autoriser une croissance économique et sociale phénoménale en un peu plus d’un demi-siècle. Elle n’en serait pas à son niveau de 2e puissance mondiale sans la maîtrise de l’évolution de sa population, une discipline individuelle et collective de fer et surtout, une gouvernance politique exempte de corruption. Ce n’est pas l’occident qui par duperie a imposé le contrôle des naissances en Chine ou plus généralement dans l’Asie qui gagne.
2e axe et deuxième contre-exemple
Le 2e axe déstructurant selon l’auteur de l’audio est la promotion par les occidentaux d’un “entreprenariat de survie” en Afrique en lieu et place d’une industrialisation via de méga unités de production. L’auteur, qui prend en grippe au passage les Bolloré, devrait apprendre que la plupart des multinationales ont commencé “familial et petit”. Bolloré, Ford, Samsung, Peugeot, Citroën, De Beer et bien d’autres ont commencé familial et petit.
Ou bien on dénonce le capitalisme et le modèle de croissance/développement qu’il prône, ou on fait avec ; il n’y a pas de juste milieu, car même les chinois, les soviétiques et consorts ne se posent plus cette question : ils sont tous de nos jours au capitalisme pur et dur après avoir été d’irréductibles tenants du communisme. Ces anciens pays socialo-communistes ont réussi leur reconversion en capitalistes et produisent des opérateurs économiques milliardaires du secteur réel mondial, contrairement à l’Afrique qui produit surtout des milliardaires en deniers publics à haute dose de corruptions et conflits d’intérêt.
3e axe et troisième contre-exemple
Le 3e axe du modèle occidental présenté par l’auteur comme avilissant, embrigadant et paralysant pour l’Afrique est l’architecture financière mondiale.
L’auteur assimile les compagnies d’assurances et les banques étrangères à des agences de renseignement et l’ingénierie financière, à la première arme mondiale et force intellectuelle (contre l’Afrique). L’auteur regrette l’absence de véhicules pour canaliser les ressources financières vers l’investissement en Afrique.
Bien entendu, tout ceci manque d’argumentaire probant et l’auteur lui-même avoue la complexité du sujet et le peu de développement qu’il y consacre. Un constat est au moins certain et infirme les dires de l’auteur : ce ne sont ni les compagnies d’assurances ni les banques qui détiennent les informations sur nos vies publiques et privées mais les géants du net et, pour faire court, les GAFAM (Google, Apple et compagnies).
Au demeurant, l’architecture financière mondiale est un sujet sérieux et complexe depuis que le monde à tendance à devenir unipolaire sous la coupe des États-Unis. Les faiblesses du modèle ne jouent pas contre l’Afrique seule : ce serait une erreur de présenter la problématique d’une façon qui pénalise l’Afrique car c’est une préoccupation mondiale de tous les instants, y compris pour le roi dollar et les politiques américains qui n’entendent pas se faire détrôner de la conduite des affaires du monde.
L’architecture financière mondiale à beau valoir ce qu’elle vaut, elle n’a guère handicapé l’essor des pays asiatiques, ni certains pays du Golfe, ni le Mexique, ni le Brésil et ses alliés du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Sud-Afrique), ni la Suisse, Singapour et plusieurs petits pays du nord de l’Europe pour ne citer que ceux-là.
4e axe et quatrième contre-exemple
Le 4e axe consiste selon l’auteur à présenter la démocratie, la gouvernance et les programmes du Fond Monétaire International (FMI), de la Banque Mondiale et des multilatéraux ainsi que des ONG comme des pièges pour paralyser les administrations “noyées de textes et modèles mentaux qui paralysent sur le long terme (sic)”.
Ce quatrième axe du modèle occidental, présenté comme paralysant, est un comble de dérisions qui travestissent ce qui est vertueux au profit de ce qui ne l’est pas, c’est-à-dire la mal-gouvernance. Ce quatrième axe, supposé paralyser l’Afrique, n’en est pas car il est juste démagogique et inutilement polémique.
Profondément en crise économique et financière dans les décennies 1970/1980, avec une grave famine à la clé, le Ghana, une fois de plus à citer en exemple, est aussi le pays qui a su brillamment s’en sortir grâce à une politique du Président J.J. Rawlings de tolérance zéro à la corruption, faisant fusiller dans ce cadre d’anciens Chefs d’État corrompus, d’une part et d’autre part, des programmes de rétablissement des grands équilibres macroéconomiques du FMI et de la Banque mondiale mis en œuvre avec rigueur : ceci n’est pas suffisamment dit et connu. Contrairement à ce qui se raconte à-tout-va, les programmes du FMI et de la Banque Mondiale n’ont pas échoué partout.
En conclusion sacraliser la bonne gouvernance en Afrique noire. Le maître-mot encore et encore et toujours, c’est la bonne gouvernance et toutes les bonnes thèses qui vont avec. Qu’on soit trop nombreux ou pas assez en Afrique, notre bien-être dépend de la qualité de la gouvernance en place. Que les moteurs de croissance soient l’agriculture, l’industrie des biens ou celle des services etc., c’est toujours la bonne gouvernance le préalable à la réussite. À ce sujet, combien l’Afrique met dans l’éducation et la recherche et avec quelle rigueur combat-elle la corruption des Chefs d’État et hauts dirigeants pour être performante comme la Corée du Sud qui était au même niveau de développement que le Ghana dans la décennie 1950 ? Référence pour référence, nos parents et grands-parents qui ont participé à la guerre de Corée ont pu “ramener” des épouses coréennes et “fabriquer” des métis dans le microcosme africain, faiblement différent par son niveau de vie de l’époque du microcosme coréen. Entre temps, par l’acharnement au travail, la Corée c’est Samsung, Hyundai, LG et bien d’autres multinationales par paquets etc. Dans le même temps, l’Afrique, ce sont des théories de victimisation en pagaille, la corruption et le boulot qui attend d’être accompli. Nul doute que cette Corée du Sud n’aurait pas bougé d’un iota en plus d’un demi-siècle si ses fils et filles avaient passé leur temps à pleurnicher l’omniprésence des américains sur leur territoire ou regretter la colonisation japonaise ! Chez Samsung du reste, où 150.000 téléphones portables produits par l’entreprise ont été jugés de piètre qualité par le PDG et détruits par le feu à coup de com, c’est-à-dire “autodafé” au vu et au su de ses différentes usines, ça se raconte que la stratégie c’est “zéro défaut” et la “culpabilisation des travailleurs” comme preuve de dévouement.
Cessons de nous infantiliser et sacralisons le travail et la discipline en Afrique comme le font les chinois, les coréens et plus généralement les asiatiques. Le facteur travail, doublé d’une lutte acharnée contre la corruption des Chefs d’État africains, pour disposer de dirigeants intègres, reste l’unique voie de salut de l’Afrique.
Succession chez les Bolloré personne morale
C’est rare en Afrique de voir les entreprises survivre à leur fondateur comme c’est le cas depuis plus d’une génération chez les Bolloré. Le sujet de la succession/transmission dans le monde des entreprises interpelle au Togo aussi où tout semble aller à la casse dans le secteur privé à l’instar du secteur public, en l’espace d’une génération pour des raisons différentes toutefois ; à l’image des roses et des humains, les personnes morales togolaises vivent l’espace d’un matin.
Le père Vincent Bolloré, qui cède la place au fils Sébastien à la tête de l’entreprise familiale, est largement connu au Togo pour son activisme et ses succès en affaires d’une part et d’autre part pour avoir cité le Chef de l’État togolais devant les tribunaux comme étant de ceux qu’il a corrompus pour obtenir des marchés. Pour autant, le sujet de la succession chez les Bolloré ne manque pas d’intérêt quant au fond.
En effet, ce thème de la succession chez les Bolloré personne morale, au-delà de son aspect médiatique, pourrait être l’occasion de réflexions à l’initiative du ministère de l’économie et des finances du Togo pour arrêter l’hécatombe dans le monde des entreprises privées au moment de la succession/transmission qui d’ordinaire n’intervient qu’au décès du fondateur et rarement avant. Le fondateur, tel Jupiter sur son trône, n’admet nullement avoir fait son temps, n’autorise guère de partenariat avec des tiers sous forme de vision nouvelle ou de partage de pouvoir, n’envisage de son vivant personne d’autre que lui dans la fonction de décideur en chef etc., soit un ensemble de réflexes négatifs pour la pérennité de l’entreprise.
Le sujet de la revalorisation des SMIG dans l’Umoa
La revalorisation des SMIG dans l’Union monétaire ouest africaine (Umoa), que suggère les résurgences de l’inflation, y compris surtout l’inflation sous-jacente qui ronge sournoisement le pouvoir d’achat, n’est pas un sujet facile en dépit du vivre ensemble monétaire soixantenaire que s’imposent les États-parties au traité Umoa.
En substance, les niveaux d’inflation demeurent encore très différents dans les pays membres, à l’instar de la situation des finances publiques, des politiques fiscales et des situations de la dette publique ou plus généralement, des politiques macroéconomiques et fiscales. En outre, ce n’est pas rare d’entendre parler de méga projets à plus de cent milliards de francs CFA en Côte d’Ivoire et au Sénégal où un projet du genre, déjà opérationnel, est bouclé à plus de 700 milliards. Ailleurs dans l’Uemoa, il arrive que dans certains pays les projets à seulement un milliard ne soient pas légion. Dans ces conditions, le marché de l’emploi, adossé à celui de la production, ne saurait être le même en termes d’opportunités ni de pouvoir d’achat d’un pays-membre à l’autre. En somme, les États-membres sont ensemble en union monétaire solidaire mais sont loin d’avoir le “même prix” 60 ans après la mise en production de ladite union.
Il se trouve donc que même si chaque pays a envie de mettre le SMIG au niveau approprié, tous n’en ont pas les moyens. En effet, au plan macroéconomique, le SMIG doit être financé sinon bonjour les destructions de petits emplois. S’y ajoute que les pays qui sont sous un programme de rétablissement des grands équilibres accompagné par le FMI ne sauraient de leur chef se lever pour relever leur SMIG. Ils ont bien envie de faire du social politiquement correct mais avec quel moyen ? Pas sur des emprunts de toutes les façons !
Il faudrait au préalable dégager des ressources résultant de la double conjonction d’une production (Produit intérieur brut ou PIB) en verve et de finances publiques assainies pour s’autoriser un SMIG qui tienne compte de la hausse de l’inflation sous-jacente. Autrement, les SMIG revalorisés en veux-tu voilà auront des difficultés à être financés, sans compter qu’ils seront de nature à entretenir une spirale inflationniste sans promouvoir ni l’emploi ni le pouvoir d’achat. C’est la quadrature du cercle pour les pays en mal ou en difficultés de gouvernance macroéconomique, contraints d’assainir les finances publiques avant de revaloriser le SMIG.
Vilévo DÉVO