La Guinée-Conakry entonne depuis peu un hymne en l’honneur de feu Ahmed Sékou Touré (AST), son premier Président de la République. Cet hymne, cousu de fausses et dangereuses notes, est écrit par Mamadi Doumbouya, le tombeur par coup d’État du Président Alpha Condé.
Quelle blague politique de mauvais goût des autorités putschistes de transition, ces vizirs d’un jour devenus califes des suites de failles dans le dispositif sécuritaire d’État ! In fine, il n’y a jamais de bons coups d’État ; il n’y a que des coups d’éclat d’État dont les conséquences sont souvent incalculables.
Premier président de la République de Guinée-Conakry
Ahmed Sékou Touré des années 1958 fut celui qui sut dire non à un De Gaulle condescendant sur la question de l’indépendance des colonies françaises d’Afrique (noire) versus un projet d’union entre la France et ses anciennes colonies dans laquelle l’indépendance politique ne revêtait aucune urgence. AST fut ensuite, mais de manière moins glorieuse et ce pendant plus de 20 ans, le premier président de la fraîchement indépendante République de Guinée avec Conakry pour capitale. Il sut également dire un non inutilement bruyant, épidermique et sans préparation responsable au franc CFA de l’époque, lui préférant un franc guinéen plus politique que monétaire. Ce franc guinéen fut ensuite débaptisé en syli guinéen pour finalement redevenir franc guinéen comme à l’origine, demeurant au fil des décennies l’ombre d’une monnaie en dépit de l’immensité de la richesse du pays. Enfin et surtout, Ahmed Sékou Touré fut celui qui manqua lamentablement de devenir un véritable héros, d’abord chez lui en Guinée et ensuite en Afrique par-delà les frontières de son pays. En effet, comme pris d’une folie inconnue du registre de la médecine moderne, il planifia avec cynisme l’élimination physique et systématique de ses contradicteurs ou supposés tels. Pour ce faire et ironie de l’histoire, il transforma un ancien camp de gendarmerie du colon français en sinistre camp de torture et de la mort ; plus de cinquante mille (50.000) morts sont inutilement au crédit dudit Camp Mamadou Boiro de très sinistre réputation. Il fut opportunément fermé en 1984 après la disparition du dictateur sanguinaire, soit après plus de vingt ans de macabres services. Ahmed Sékou Touré, Président de tous les Guinéens au moment de son historique non à De Gaulle, était devenu, Dieu seul sait par quelle alchimie, un assassin, tribaliste à souhait et génocidaire à l’endroit des peulhs de Guinée qui Page 2 sur 4 s’expatrièrent par milliers au Sénégal de Léopold Sédar Senghor. Senghor, mais aussi Houphouët-Boigny, était négativement présenté à l’époque en Guinée comme un suppôt de la France. Ahmed Sékou Touré aura vécu avec l’étoffe, non pas d’un chef d’État mais d’un assassin d’État.
Parcours macabre de Chef d’État et gouvernance calamiteuse
L’aéroport de Conakry baptisé aéroport AST ne peut que susciter moult questionnements eu égard au parcours macabre de son parrain, en substance celui dont il est appelé à porter le nom. Le parcours politique post indépendance en Guinée, indépendance à laquelle Sékou Touré œuvra passionnément, peut à cet égard se résumer en un déni de gouvernance politique, une ambiance de complots permanents, des pendaisons et humiliations publiques à la chaîne pour raisons politiques, une épuration de l’élite et de la classe politique, une totale absence de résultats macroéconomiques et au final, une faillite du démagogique slogan en verve « Nous préférons la pauvreté dans la liberté plutôt que l’opulence dans l’esclavage ». Sékou Touré échoua dans toutes ses initiatives nationales et surtout panafricaines dont certainement la plus spectaculaire fut l’union avortée Ghana-Guinée-Mali. Il isola politiquement et dommageablement son pays et ne se résoudra à une diplomatie de rapprochement avec la France, le Sénégal et la Côte d’Ivoire notamment que vers la fin de son règne. Ce despote résolu et obscurantiste, aux discours anti-impérialistes et anti-néocolonialistes lassants, aura en fin de compte laissé en héritage à ses successeurs l’art des échecs et brutalités politiques ainsi qu’une tradition de totalitarisme un zeste socialiste.
Sékou Touré versa abondamment dans l’émotion, la démagogie, l’oubli facile et calculateur, les conflits d’intérêts et le mensonge d’État ; tout ceci a été déconstructeurs de la nation guinéenne parce que promoteurs d’impunité, de clientélisme, de tribalisme, de viols, d’assassinats politiques, de concussion, de corruption et de népotisme pour au final asseoir la mal gouvernance.
Difficile de dire qu’Ahmed Sékou Touré fut méritant
Rebaptiser l’aéroport international de Conakry du nom d’Ahmed Sékou Touré, de même que tout symbole-vitrine de la Guinée, est un outrage aux esprits brillants de ce pays et de l’Afrique, torturés et tués pour des raisons politiques fallacieuses. C’est aussi un mépris porteur de germes de divisions ethniques à l’endroit des peulhs, particulièrement indexés par le défunt Président AST. C’est finalement un dangereux et démagogique pari-perdant pour la nation guinéenne. Ahmed Sékou Touré ne mérite nullement les honneurs de la République, même pas pour son non historique, au colon français De Gaulle, qui a ouvert la voie à une indépendance que finalement tous les autres pays ont eue sans coup férir et sans trop de pertes inutiles en vies humaines. Bien au contraire, Sékou Touré devra être inculpé post-mortem comme assassin et traduit devant les tribunaux de l’histoire. Sauf entrave à la justice, toute société normalement organisée s’émeut et juge tout présumé coupable d’homicide. Dans le cas d’Ahmed Sékou Touré, ce fut une folie homicide : un premier concitoyen, puis plusieurs et puis des milliers envoyés à l’abattoir comme du bétail pour un oui ou un non. Comment comprendre que celui qui ne fût pas moins qu’un Chef d’État assassin et un fou habillé fasse l’objet d’honneurs de la République là où des milliers de citoyens, victimes d’abus en tous genres de son régime et des régimes qui ont suivi sur son modèle, attendent d’être consolés ?
Honorer le mérite en Afrique et non le passage dans le fauteuil présidentiel
Bien sûr qu’il faut s’inspirer du registre des aéroports qui portent d’illustres noms comme JFK à NewYork pour John Fitzgerald Kennedy, du nom du très populaire Président des États-Unis d’Amérique assassiné en tournée à Dallas en 1963 ou Charles De Gaulle pour CDG-Paris, un des aéroports internationaux de la capitale française, pour perpétuer la mémoire des plus méritants. Dans ces pays évolués, c’est l’aboutissement d’une procédure qui fait consensus et surtout dépourvue de conflit d’intérêt. De tels baptêmes ne sont jamais anodins en raison de la lourde charge tant historique que nationale qu’ils résument. Bien entendu en Afrique au sud du Sahara, comme souvent le cas, la tentation n’est jamais loin de faire comme les autres mais sans la rigueur qui entoure et la forme et le fond de ces sujets sensiblessur le devoir mémoriel ; qu’importe les conflits d’intérêt souvent évidents, l’autorité en place y va en Afrique noire comme elle l’entend et de manière dictatoriale, rebaptise sans mettre de gants et parfois de façon incongrue. C’est ce qui s’annonce en Guinée-Conakry. Parce que les aéroports africains portent indistinctement des noms de Chefs d’État putschistes, Kotoka, Éyadéma, ou non putschistes, Houphouët-Boigny etc., la Guinée des autorités de transition choisit elle-aussi de rebaptiser l’aéroport international de Conakry, aéroport AST. Ce sera pour faire, non pas au nom d’une nation reconnaissante, mais comme certains autres Chefs d’État africains aux intérêts ouvertement liés à celui dont l’aéroport se drape de notoriété sur mesure et discutable. Qu’est-ce que le Sénégal est une fois de plus au-dessus du lot en traitant ces sujets politiques de devoirs mémoriels avec discernement et sans l’illettrisme ambiant de la sous-région ouest-africaine !
République en otage avec des sujets qui fâchent
Dans le cas de la Guinée-Conakry politique des prochains mois, débaptiser et rebaptiser sont loin de compter parmi les diligences les plus urgentes et les plus vertueuses. Il est opportunément attendu prioritairement du régime de transition l’organisation d’élections présidentielles transparentes, inclusives et fédératrices d’une nation en déliquescence du fait de l’incurie des gouvernants qui se sont succédés depuis le départ des colons. Mamadi Doumbouya, le jeune légionnaire putschiste et ses copains en treillis et godasses font lourdement fausse route de la manière dont ils remontent au-devant de l’actualité politique la chaotique mandature passée de feu Ahmed Sékou Touré. Il est impératif que ces gamins propulsés dans les plus hautes fonctions républicaines guinéennes soient moins clivants en affichant davantage de responsabilité et de crédibilité politique au lieu de s’aventurer dans des sentiers qui ont tout pour diviser que pour rassembler. La tragédie dans laquelle Ahmed Sékou Touré a durablement sombré la Guinée-Conakry post indépendance, en décimant notamment son élite, ne peut être abordée de cette façon simplette et dangereusement désinvolte à la Mamadi Doumbouya et ses petits copains propulsés Califes à la place du Calife. Enfin, dénommer l’aéroport de Conakry aéroport Ahmed Sékou Touré est véritablement le dernier signe, avant certainement le prochain, que la Guinée politique est demeurée terriblement fragile. Les nouvelles autorités putschistes laissent l’impression de faire dans l’improvisation, l’accessoire, le dilatoire, le démagogique et le dangereusement inefficace. Ce cocktail est annonciateur de lendemains qui déchantent après l’euphorie pleine d’espérance sociale qui a suivi la chute d’Alpha Condé pour cause de mandature interminable. Il urge de travailler autrement en Guinée-Conakry en tenant compte de la stricte nécessité d’avoir permanemment à l’esprit que l’agenda du moment est entièrement politique avec un ordre du jour portant exclusivement sur des sujets incontournables et consensuels, pouvant être apurés le plus tôt que possible pour retrouver une vie constitutionnelle apaisée.
Vilévo DEVO