Utilisation sans contrôle des pesticides, péril en la demeure : un Etat Togolais muet comme une carpe
Aucune action visible du gouvernement pour la lutte contre ces tueurs lents et parfois brutaux que sont les pesticides. Les importateurs de ces produits nocifs se la coulent douces sur les désastres humanitaires et écologiques que cela occasionne bien évidemment à la faveur des frontières poreuses et aussi le laisser-aller d’une douane togolaise qui se comporte en complice.
Ainsi, dans toutes les régions du Togo sans exception, l’ampleur de l’utilisation des pesticides (herbicides et insecticides) dans la lutte contre les adventices et le traitement phytosanitaire dans l’agriculture inquiète les observateurs avisés sauf les agriculteurs eux-mêmes qui n’ont d’objectif que d’augmenter la production et la productivité de leurs exploitations agricoles. Chaque année, des milliers de mettre cube de pesticides chimiques sont libérés dans la nature et s’infiltrent dans le sol et dans les eaux de surface et souterraines directement recueillies et utilisées comme eau de boisson. Des tonnes de produits chimiques sont ainsi déversées dans les écosystèmes aquatiques, ce réceptacle final naturel qui devient la principale source de pollution de la chaine alimentaire avec des dégâts très lourds pour l’homme et les autres espèces vivants.
Étalage (pharmacie) par terre les jours du marché de Bassar
Tout le monde ou presque se dit conscient des conséquences néfastes de l’utilisation abusive de ces pesticides chimiques agricoles (PCA) sur la santé animale et humaine, mais nul n’est encore prêt à dénoncer avec insistance leur envahissement sur le marché. L’utilisation accrue des pesticides chimiques à laquelle l’on assiste dans les régions agricoles du pays, soulève des interrogations sur le souci des autorités pour le bien-être des populations.
L’ONG ‘’Les Amis de la Terre-Togo’’ a rendu public en mi-juin dernier à Lomé, un rapport national très alarmant sur l’utilisation au Togo du CHLORPYRIFOS. Il s’agit d’un pesticide chimique homologué au Togo en 2017 et utilisé pour traiter et préserver les plantes des insectes nuisibles. Selon Elorm Kokou Amegadze, Directeur Exécutif de l’ONG, l’utilisation dudit produit a des impacts sanitaires et environnementaux dévastateurs en agriculture, en hygiène publique et en médecine vétérinaire.
Il est aussi nécessaire de préciser que la majorité des pesticides utilisés dans l’agriculture au Togo ne sont pas homologués et se commercialisent au vu et au su de tous en provenance des pays voisins, du Ghana notamment et aussi de l’Europe et l’Asie.
Les témoignages reçus auprès des utilisateurs dans la Région des Savanes, à Bassar, à Dankpen et à Kpalimé sur l’utilisation du pesticide communément appelé KONDEM relèvent que ce produit a un impact fort désastreux et inquiétant, capable de ramollir les sols pierres et de transformer la texture du sol. Les expériences d’application de ce produit dans les champs de case ont révélé leur capacité de ramollissement des blocs durs de parpaings en ciment.
Les utilisateurs nous ont confié qu’il suffit d’asperger ce produit sur un parpaing et d’attendre quelques mois pour voir le bloc en béton s’effriter comme de la craie au bout des doigts. Tous ceux qui l’on aspergé autour des habitations regrettent car cela déstabilise les bâtiments. Alors, il faut se demander qu’en est-il pour le corps humain ?
La gestion et l’utilisation très peu rigoureuses des pesticides au Togo constituent une menace réelle pour la santé des producteurs et des consommateurs, le maintien de la biodiversité et pour la productivité des écosystèmes naturels.
Les doses utilisées sont généralement plus fortes que celles recommandées ; et les doses les plus élevées sont utilisées aux abords des cours d’eau où l’humidité du sol au voisinage favorise la multiplication rapide des insectes ravageurs. Ceci devrait interpeler sur l’état des ressources hydrologiques d’autant plus que les matières actives utilisées présentent en majorité une toxicité élevée pour les organismes aquatiques et peuvent entrainer de très lourds effets néfastes à long terme.
Plus directement, c’est la santé des pauvres paysans encore majoritairement inconscients des dégâts environnementaux et sociaux engendrés par l’utilisation de ces produits. Ces derniers négligent les mesures minimales de protection quand ils manipulent et utilisent ces produits. A plus forte raison, les pesticides inhalés, même à faibles doses peuvent, à long terme, causer de sérieux problèmes de santé. L’exposition des paysans à ces produits pourraient favoriser la manifestation de certaines maladies à priori bénigne.
Il est estimé qu’il y aurait, chaque année, 1 à 5 millions de cas d’empoisonnements aux pesticides, entraînant la mort de plusieurs milliers de travailleurs agricoles (dont les enfants) dans les pays du Sud. Bien que les pays africains importent moins de 10% des pesticides utilisés dans le monde, ils totalisent la moitié des empoisonnements accidentels et plus de 75% des cas mortels. Ces chiffres ne prennent pas en compte les intoxications chroniques (empoisonnement lent et continu pendant plusieurs années) qui peuvent entraîner des problèmes de santé comme les cancers, des atteintes nerveuses, la stérilité et les malformations, etc. C’est dire que la question est assez préoccupante et nécessite une réaction efficace des autorités compétentes.
Ces dix dernières années, de nombreux leaders d’opinions issus du monde des médias, des ONG/Associations de développement dont des associations de consommateurs, etc. dénoncent sans retenue des pratiques sans cesse croissantes d’utilisation abusive de produits hautement toxiques dans la production d’aliments. Devant cette situation aussi préoccupante et même postulant par patriotisme, par principe ou par naïveté que l’État togolais est juste dans son devoir et sa responsabilité de protection des populations face à toutes formes de risques et de menaces, nous avons fini par nous convaincre de ce que son silence face à la situation est plus meurtrier que les produits toxiques incriminés et leurs utilisateurs, comme nous le rappelle très bien, cette célèbre citation de Gandhi qui dit « Ce qui me fait peur ce n’est pas la méchanceté des méchants mais le silence des justes ». Bref, tout le monde sera comptable et/ou victime de son inaction face à cet usage croissant et abusif d’intrants agricoles hautement toxiques pour les micro-organismes, la faune, la flore, les producteurs et les consommateurs.
Dr Francisco NAPO-KOURA