Le « RAPPORT D’AUDIT DU FONDS DE RIPOSTE ET DE SOLIDARITÉ COVID-19 (FRSC), GESTION 2020 » va continuer de couler encres et salives. Une assemblée nationale qui ravale son vomissement sans que personne ne connaisse le mobile. Est-ce une injonction du chef de l’État Faure Gnassingbé ou bien c’est sous pression des partenaires financiers. Ce retour en arrière survient le vendredi 6 octobre 2023, à l’issue d’une séance sur la loi rectificative du budget 2023, un rectificatif qui n’a d’ailleurs pas été médiatisé comme dans le rituel. Ainsi l’Assemblée nationale a désigné une mission de 27 parlementaires que d’aucun juge pléthorique pour une enquête parlementaire. Les résultats sont attendus vers le 20 novembre prochain. Est-ce le « divorce » avec gouverner autrement ? Les Togolais sont-ils à la fin (faim) de « la balade des hommes heureux » pour faire référence à un titre du confrère Yves Galley dans la Symphonie. Car c’est souvent l’épidémie de cette « faim » qui marque la fin de toutes les situations chaotiques.
Les visages sont tristes dans le pays comme si la république est en deuil. Les scandales économiques sont tellement énormes au point où l’argent ne circule plus dans le pays. Les banques sont sans liquidité pendant que les composantes de la minorité « dirigeras » font la bamboula à l’image des princes saoudiens. Pratiquement tous ceux qui ont piloté la pandémie Covid-19 sont devenus de « nouveaux riches ». Le président Faure Gnassingbé qui a juré sur la Constitution et la Sainte Bible pour diriger le Togo selon les règles prescrites règne sans gouverner. Ses collaborateurs vivent comme des affranchis, narguent le peuple et certains s’affichent parfois comme s’ils narguaient le chef de l’État lui-même. En l’absence de la Haute Cour du Justice, ils sont parvenus à transformer, de façon subtile, les textes de Loi à leur seul avantage et contre les gardiens du temple que sont la société civile de la presse.
En effet, le Togo n’a pas été aussi mal gouverné que ces dernières années. Malgré les nombreuses alertes de la société civile et des cris de détresse des populations âprement relayés par la presse privée. C’est le rythme fort (faurcé) des dictons kabyè que certaines affinités attribuaient à tort ou à raison à l’ancien président feu Gnassingbé Eyadéma ” Iwolo waaa !!!” et son pluriel ” Ewolo waaa !!!” qui signifie « vas-y seulement » et « allez-y seulement » et pour rétorquer ” Itoo dikpe, !!” ou ” Etoo dikpe,!! ” C’est-à-dire littéralement « mange toi seul on va partir » et au pluriel « mangez, vous seuls et on va partir ».
Toute une artillerie des langues parlées au monde est mobilisée pour dénoncer ces pratiques mafieuses, mais « les chiens aboient, la caravane passe ». Le confrère Abi Alpha est allé jusqu’à sortir le concept « covid-business », mais personne pour arrêter l’hémorragie.
Contrairement au temps du Gal Eyadéma où les collaborateurs craignaient, l’ère Faure Gnassingbé permet de s’apercevoir que beaucoup de Togolais sont de « loup gourou » vêtus de peau d’agneau. La force semble toujours rester dans le clan présidentiel, mais l’opulence dans la richesse a fait une forte migration. Car tout individu peut devenir facilement et vite millionnaire pourvu qu’il parvienne à intégrer un réseau de l’appareil gouvernemental ; servir de personne de paille dans le pilotage des projets, être transporteur ou encore un simple « gigolo » est parfois plus rentable. On note également l’émergence des parents (…) et des domestiques de certains riches avares parmi les fortunés du pays.
Les Togolais et Togolaises sont confrontés à une très forte pression fiscale et douanière depuis ces trois dernières années. Pendant que la masse populaire se paupérise et que les comptes du Trésor public connaissent une très forte tension, des individus, essentiellement des commis de l’État (ministres, directeurs et hommes/femmes de la minorité) sont en surliquidité. Ils sont toujours dans les quatre avions en classe affaires et séjournent dans les hôtels de luxe parfois consignés à longueur de l’année. Certains auraient multiplié des domiciles privés à l’étranger comme pour planquer les fonds soustraits frauduleusement au nom de l’impunité. D’autres ne font que multiplier les investissements dans le foncier, des immeubles géants sur le territoire national ou sont dans des initiatives de plantation agricole de plaisance et sans un véritable modèle économique. D’autres encore transforment les fonds mal acquis en objets de valeur… Semble-t-il qu’il y en a qui, à défaut de trouver libanais ou asiatiques pour blanchir les fonds volés, multiplient des investissements au nom de leurs enfants, parents et même des bonniches. Plusieurs d’entre eux auraient délocalisé leur famille sur d’autres continents où femmes et progénitures vivent dans un luxe indescriptif.
Une course au trésor qui met le pays tout entier à genoux, des écoles construites en terre battue et couvertes de pailles, les centres de santé sans plateaux techniques avec un personnel insuffisant et souvent des volontaires qui se livrent à du bitos. Les multiples projets agricoles et autres constructions d’infrastructures dont les travaux sont hyper surfacturés, mais les issues improbables…aucun investissement dans la transformation structurante ne porte ses fruits.
Tous ces soi-disant investisseurs étrangers dans la fameuse zone franche et autres ne sont que des faussaires qui rapatrient systématiquement bénéfices, capitaux et crédits bancaires obtenus et même les fonds de roulement. Ils s’attribuent des conforts colossaux pendant que les nationaux qu’ils emploient tournent autour du SMIG.
Nonobstant les détournements à ciel ouvert, le pays est conduit en pilotage automatique. Pratiquement toutes les lignes budgétaires sont tellement inéclairées que personne ne connait la contribution des ressources non-fiscales au Budget National (minerais, sociétés étatiques, participations…). Sans reddition des comptes, l’Office Togolais des Recettes et ses gladiateurs au sein des douanes et les impôts continuent de faire saigner ménages et agents économiques par des propagandes bidon. La toute dernière en date scande l’« OTR a collecté 648,8 milliards FCFA fin août sur un objectif de 595,9 milliards FCFA ».
L’autre trouvaille depuis une dizaine d’années est la levée de fonds sur le marché de l’UEMOA dite destinée à assurer la couverture des besoins du budget de l’État. Et en mi-août on en était à 466 milliards FCFA le total de fonds mobilisés depuis le début de l’année 2023. Soit, plus des 3/4 de la prévision annuelle estimée à 574 milliards.
Alors que la situation du pays est grabataire, ni l’Assemblée nationale, ni le ministre de l’Économie et des Finances, ne disent où vont tous ces fonds collectés à l’intérieur comme à l’extérieur. On en était là lorsque le pilote a décidé de regarder dans le rétroviseur en ce qui concerne la gestion des fonds de Covid-19.
Curieuse posture de l’autorité publique suite à la publication du rapport
Ce que révèlent les sources est que tout le gouvernement Tomégah-Dogbé a été surpris par la mise à disposition de ce rapport au public. Qui a donné l’ordre de ventiler ledit rapport ?
Heureusement que le Chef de l’État Faure Gnassingbé était muet sur cette contre-attaque acerbe que le gouvernement a scénarisés au lendemain de la sortie du rapport de la Cour des comptes. Par contre son PM Victoire Tomégah-Dogbé et ses boyscouts s’étaient divertis sur tous les médias pour démontrer leur solidarité dans les détournements des deniers publics. Mais maladroitement le gouvernement a été soutenu par la justice togolaise, qui sans initiative aucune pour poursuivre les faussaires, s’est plutôt dressée contre la société civile qui avait joué sa partition en déposant une plainte contre X. Cette attitude du Procureur de la République peut aussi sous-entendre la volonté de la justice togolaise de ne pas faire transparaître la vérité sur les fonds qui ont été alloués au ministère de tutelle.
Pour défendre la forfaiture, les adeptes de la mal gouvernance appuyée par une édition spéciale accordée à l’ancien ministre de la Communication et des médias, Professeur Akoda Ayéwadan en janvier 2023, sur la chaîne New World TV soulignait : « …c’est le système anglais qui ne livre pas de Procès-verbal après réception de la marchandise. Et que dans une situation exceptionnelle, le strict respect de la légalité risque de paralyser l’action du gouvernement. Alors l’Administration n’est pas tenue de respecter les règles édictées par loi à trois conditions : une situation réellement exceptionnelle, un intérêt public nation et l’impossibilité pour l’administration de suivre la loi… ». C’était totalement paradoxal pour une gouvernance qui claironne la bonne gouvernance. La posture adoptée était tellement gravissime que l’autorité publique soutienne que dans une procédure de passation de marché, le client (un État) respecte plutôt les règles du fournisseur (société OLAM, un soi-disant anglosaxon). Ceci est une autre absurdité qu’il faut vite déconstruire pour ne pas contaminer les futures générations. Puisqu’en matière de gestion de ressources financières d’un État, il y a toujours des règles préétablies qui nécessitent d’être respectées en bonne et due forme. Se dérober à celles-ci sous prétexte d’une situation imprévue est une faute grave qui implique la sanction sévère contre les auteurs. Et c’est d’ailleurs ce que la Cour des comptes du Togo a relevé. On peut même aller loin pour dire que toute dépense ne respectant pas les procédures est considérée comme nulle. Et par conséquent les sommes dépensées doivent être remboursées totalement.
Pour la présidente de l’Assemblée nationale, qui aujourd’hui fait un revirement à 180e, lors de la séance consacrée à une communication du gouvernement sur le fonds covid-19, elle avait non seulement banalisé les insuffisances dans le rapport d’audit et déclaré que « l’essentiel est d’avoir sauvé des vies humaines… », avait déclaré Yawa Tsègan le mardi 21 février 2023. Elle a certainement passé en « perte et profit » des morts (douteux) dans cette affaire de corona virus et qui ont été enterrés comme des « chiens » dont les familles ne finiront jamais leur deuil sans savoir réellement les vraies causes de ces morts.
Cette posture de la solidarité dans le mal, venant de madame Yawa Tsègan avait surpris plusieurs observateurs car, elle était jusque-là au-dessus de la mêlée et en plus son institution n’a été nullement éclaboussée par l’audit.
Et justement c’était après ce chèque en blanc délivré par l’institution qui est sensée contrôler l’action du gouvernement que M. Christian Trimua, à l’époque ministre des droits de l’homme en relation avec les institutions de la république et porte-parole du gouvernement, était monté au créneau avec zèle en proférant des mises en garde (menaces) publiques envers ceux qui interprèteraient mal le rapport de la Cour des comptes. Or à l’époque, le message de l’OMS, un des bailleurs importants dans la riposte de la pandémie disait que la clarification des comptes est nécessaire.
Ça fait déjà un peu plus de huit mois. Qu’est-ce qui a milité pour que Faure Gnassingbé fasse cette volteface vis-à-vis de ses ministres chouchous, dont la cheffe d’orchestre la PM Victoire Tomegah-Dogbé, qui sera incontestablement la dernière de la classe dans l’histoire du Togo. Car non seulement ses actions gouvernementales sont inefficaces, mais aussi affairiste et surtout celle dont la gouvernance aura été émaillée de plusieurs scandales économiques et sociaux.
TAMPA EXPRESS s’est planché sur la commande de 9 milliards FCFA de riz et l’achat de plus de 4 milliards de FCFA d’engrais. Ainsi pour éclairer la lanterne des concitoyens, la rédaction a adressé la lettre N/Réf. : 010/2023 du 08 octobre 2023 à Monsieur le directeur général de Africa Global Logistics (AGL) Togo qui est la nouvelle appellation du manutentionnaire Togo Terminal. Le coursier était parti pour déposer la lettre le 10 octobre 2023 au secrétariat d’AGL, mais après avoir pris connaissance du contenu, la secrétaire avait simplement refusé de réceptionner le courrier. Car prétestant qu’il était déjà 16h30. Il y retourne le lendemain matin et c’était difficilement qu’elle a déchargé le courrier. Elle a refusé de mentionner son nom et de poser le cachet de la société. Ladite lettre en facsimilé à la page 4 de ce numéro.
Le riz « Sévon-Tépé Kodjo Adédzé » de 9 milliards FCFA
Un achat de 31500 tonnes de riz simple chez la société OLAM pour 9 milliards Francs CFA sans appel d’offre, sans contrat, sans bon de commande et aucun document pouvant servir de preuve de réception ! Or en matière de logistique, en plus de la facture Coût Assurance Fret (CAF), une lettre de voiture accompagne le transport terrestre, lettre de transport ferroviaire pour le train, lettre de transport aérien quand c’est par avion et le connaissement ou Bil of Lading (BL) pour le transport maritime. Tout débarquement de marchandise au port est soumis à la consignation du bateau par une entreprise consignataire. Cette dernière procède aux différentes formalités d’accostage et fournit en fin de compte le compte d’escale du navire, les différents rapports de déchargement et les états différentiels qui sont tous actés par l’autorité portuaire, la douane togolaise et les autres parties prenantes dont le réceptionnaire de la marchandise. Malheureusement le riz covid n’en dispose pratiquement.
Cette transaction qui relève de l’imaginaire est en parfaite violation du code de passation des marchés de la République Togolaise. Mais, le ministre des Finances Sani Yaya confirme avoir payé malgré l’absence flagrante de preuve qui montre que le navire en question n’a visiblement pas opéré au port de Lomé.
En décortiquant le rapport d’audit de la Cour des comptes, 31500 tonnes de riz font 31 500 000 kg. Le prix d’achat étant de 9 milliards de Francs CFA, le kilo de riz revient à environ 286 FCFA par kg et le sac de 50 kg reviendrait à 14300 FCFA (EUR 21,80). Le prix de 50 kilos de riz étant souvent autour de 17500 FCFA (EUR 26,68) au sous-palan, alors félicitations aux négociateurs pour avoir réalisé un bon job.
Puisque le détail des fonds alloués (total 9 015 355 348 soit achat de riz de 8 601 390 000 FCFA et la manutention de 413 965 348 FCFA) n’a pas mentionné le magasinage et le transport du quai vers les entrepôts alors le cas présent sous-entend que les réceptionnaires (commerçants bénéficiaires) ont été livrés sous-palan. C’est-à-dire que les autres frais sont à la charge de ces commerçants. Étant donné que c’est une commande de l’État pour faire face au covid-19, la cargaison est supposée être sous le régime « RAP c’est-à-dire Rien à payer ». En d’autres termes, ce riz est totalement exonére des droits de douane et imposition.
Alors le transport du quai au magasin est à la charge du réceptionnaire. Ce transport se facture souvent à environ 5 FCFA par kg donc au total 157 500 000 FCFA (5 FCFA x 31 500 000 Kg). Ce qui est invraisemblable, on aurait tout de même un coût de revient d’environ 290 FCFA par kg de riz.
Le prix du riz simple sur le marché de détail en 2020 étant compris entre 23000 et 26000 FCFA le sac de 50 kg contre 14500 FCFA le riz covid, l’on peut déduire que l’affaire du riz a généré d’importantes marges. Le paradoxe gouvernemental montre que les 9 milliards FCFA sont bien inscrits en dépense au budget 2021, mais sans contrepartie pour une opération très bénéfique. Si l’objectif de cette opération était de soulager le panier de la ménagère, alors pourquoi le prix du riz sur le marché n’a pas connu de baisse en cette période ?
Cela ressemble à une autre affaire de dons de blé du Japon au Togo en 2008. Les deux bateaux de blé avaient été confiés à la SGMT qui a produit la farine pour vendre sur le marché, mais la farine du blé n’avait jamais baissé sur le marché. La commission qui avait été créée au Ministère de Finances pour gérer les dons n’avait humé que de la fumée. Seul le ministre du Commerce de l’époque avait managé le dossier avec la Directrice de la SGMT. Pis encore, spécialement pour cette opération en 2008, en vue de traiter ces deux navires de blé, une exonération de la TVA avait été accordée à la SGMT pour réduire ses charges afin qu’elle transforme le blé en farine, mais aucune trace dans le budget et aucun rapport n’a fuité.
Et si l’opération de riz était à coût nul, pourquoi les 9 milliards ont été enregistrés comme dépenses sans contrepartie de rentrées ? Tout sens dessus dessous.
Le second volet qui mérite une clarification concerne la manutention. Si l’on peut se féliciter que le gouvernement avait fait une bonne affaire dans l’achat du riz, la facture relative à la manutention soit 413 965 348 FCFA peut susciter quelques interrogations. Car en interrogeant les tarifs officiels de manutention à l’époque, le calcul des frais de manutention reviendrait à 229 148 739 FCFA (EUR 349 335). Ce qui donne en détail la manutention bord (déchargement) fait 4539,22 FCFA (EUR 6,92) la tonne soit au total pour les 31 500 tonnes un montant de 142 985 507 FCFA (EUR 217 980), et Manu terre 2735,34 FCFA tonne (EUR 4,17) soit 86 163 232 FCFA (EUR 131 355). Le tableau ci-dessous donne les détails.
Tableau de calcul des frais de manutention de 31500 tonnes de riz en 2020
Désignations | Tonnage | Tarif | Montant | |
EUR | EUR | FCFA | ||
Dechar / Manu bord | 31500 | 6,92 | 217 980,00 | 142 985 507 |
Handling on pier / Manu terre | 31500 | 4,17 | 131 355,00 | 86 163 232 |
Total | 349 335,00 | 229 148 739 | ||
Facture Togo Terminal | 631 086,10 | 413 965 348 | ||
Ecart de facturation défavorable | 281 751,10 | 184 816 609 |
Sauf erreur de notre part, le rapprochement de la facture de Togo Terminal de 413 965 348 FCFA et les calculs sur la base des tarifs portuaires de 229 148 739 FCFA ressort un écart défavorable à l’État de 184 816 609 FCFA (EUR 281 751,10) soit 80,65% de surfacturation. C’était aussi l’une des inquiétudes de la Cour de comptes qui craignait des pertes énormes pour l’État.
A défaut d’une réponse de la direction générale d’AGL relative à N/Réf. : 010/2023 du 08 octobre 2023, demandant les informations complémentaires, nous ne pouvons que nous interroger. C’est la mission assignée à la commission parlementaire pour faire parler les murs.
Aussi, d’autres questions pas des moindre subsistent. Le nom du bateau qui a débarqué la cargaison au port de Lomé ? Les dénominations des entités qui ont réceptionné et revendu la cargaison sur le marché togolais ? Pourquoi la commercialisation de ce riz n’a pas fait fléchir le prix du riz sur le marché togolais ? Autant de questions et dont les réponses permettront de faire la lumière sur cette affaire de riz.
Cas de l’engrais du ministre Noël Koutera Bataka
Cette affaire d’engrais nécessite également une clarification. Car, d’aucuns disent que c’est l’une des raisons qui a chassé le ministre Noël Bataka de son poste. En effet, le gouvernement togolais aux premières heures de l’apparition du Coronavirus avait bien fait d’anticiper l’approvisionnement en engrais. C’est ainsi que le ministre de l’Agriculture d’alors Noël Bataka avait dans un premier temps voulu mettre la main sur les stocks déjà débarqués au Togo mais appartenant aux commerçants ou agrégateurs privés. Les quelques rares sociétés qui en disposaient ont été approchées avec un prix de rachat très intéressant. Sur le marché à l’époque, les agrégateurs achetaient le sac d’engrais à 11500 FCFA (EUR 17,53) auprès de la CAGIA pour le revendre à 12000 FCFA (EUR 18,29) aux paysans. Mais spécialement pour cette opération de rachat, chaque détenteur de stock proposait ses prix. Le plus bas prix était 13000 FCFA (EUR 19,82) et certains seraient allés au-delà de 14000 FCFA (EUR 21,34).
Les virements ont été instantanés et directement sur les comptes bancaires des entreprises respectives. Sauf qu’après payement certaines sociétés ont eu la malice de ne pas livrer la totalité du produit. Car jouissant de fortes affinités avec le sommet de l’État. On parle de plus de 4 milliards de Francs CFA d’engrais non livrés. Le pire est que ce que le gouvernement craignait en voulant mettre la main sur les stocks disponibles sur le territoire est arrivé. Ces stocks payés, mais non-livrés à la CAGIA auraient été exportés par l’une des sociétés sur le Mali. C’est dire que non seulement ces stocks d’engrais payés par l’argent du contribuable n’ont pas été livrés suivant les accords, mais revendus à un prix plus élevé à l’État malien. Ce qui aurait opposé farouchement le ministre Bataka et le propriétaire de l’entreprise qui finalement avait pris le dessus. C’est ainsi que Noël Koutera Bataka fut viré et remplacé lors de la formation du gouvernement Dogbé en 2020.
Ce qui est curieux dans ce rapport de la Cour des comptes est que seule ELISEE COTRANE S.AU figure dans le tableau contenu dans le document alors que ce n’est pas la seule société qui aurait bénéficié de ce contrat juteux. C’est encore plus inquiétant de constater qu’aucun commentaire n’a été fait sur les transactions d’engrais dans le rapport d’audit. Seul le Tableau 18 suivant figure à la page 39 du rapport. Imaginez ce que ces commerçants ont engrangé en confisquant l’argent et la marchandise appartenant à l’État soit plus de 4 milliards FCFA et ensuite revendre la même cargaison à un prix plus élevé. Pourquoi une telle anomalie de la part de la Cour de comptes dans le rapport ?
C’est le lieu également de demander à la commission d’enquête de faire recours aux spécialistes indépendants en matière d’audit pour mettre la lumière sur certains marchés gré à gré à l’instar des travaux facturés pour la réhabilitation de tuyauteries et électricité dans certains centres de santé. La vérification par la Cour de la réalisation desdits travaux sur place révèle que seule une formation sanitaire sur les 4 concernées que sont le CHR-Tsévié, le CHP-Sotouboua et le CHR-Dapaong a été réhabilitée. Les trois autres n’ont pas bénéficié de ce renforcement du réseau de distribution d’eau potable alors qu’il s’agit d’un projet intégré. La Cour constate également que les entreprises attributaires de ces marchés ont perçu la totalité des frais de 527 483 237 FCFA (EUR 804 143,01) attribués alors qu’elles n’ont pas toutes exécuté les deux catégories de travaux concernés.
Il y’a lieu d’inspecter également les 150 respirateurs qui auraient été acquis à coup de milliards de Francs. Et aussi mettre la main sur le fameux laboratoire mobile équipé dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 qui a été facturé par « Jingjiang Jiaxing Group Co Limited-China » à 4 932 216 300 FCFA (EUR 7 519 115,28) sans que personne n’ait vu l’image de l’engin. Cette société a livré elle seule autour de 10 milliards FCFA d’articles dans le cadre de Covid-19.
Bref il y a beaucoup de zones d’ombre dans ce rapport qui nécessitent des clarifications. Il est souhaitable de le faire maintenant que d’être surpris un jour. Attendons encore quelques jours pour voir ce que les enquêtes de la commission parlementaire vont servir à l’opinion.
A suivre
Douligna