La croissance économique au Togo en 2023 est estimée à environ 5,6%, donc remarquable, selon les déclarations de la récente mission du fonds monétaire international (FMI) au Togo, du 29 mai au 7 juin 2024. Le chef de cette mission, Hans Weisfeld, adjoignit alors que les « autorités ont réalisé des progrès substantiels en matière de mobilisation de recettes, portant les recettes budgétaires globales à 16,8% du PIB en 2023 ». Notons qu’il n’est apparemment pas ici question de création de valeur ajoutée, mais de recettes de l’État togolais dont l’essentiel est fiscal. Il s’agit donc singulièrement de ponctions sur le niveau d’activités économiques déjà faible.
Quand tant de croissance galvaudée et de classements étriqués ne disent rien au citoyen lambda, c’est qu’elle n’en est véritablement pas une croissance structurante et décisive. Il faut aller au-delà des sentiers battus; afin d’offrir un avenir aux citoyens. Notons qu’au Togo, le secteur tertiaire (commerce, port, aéroport, secteur financier …) contribue pour 55% au PIB et le secteur informel est responsable de plus de 50% de la valeur ajoutée des différentes branches de l’économie togolaise. Donc, c’est une économie essentiellement basée sur la débrouillardise des citoyens. Il faut commencer par les valoriser.
Dans ce contexte, qu’est-ce qui croît au Togo?
Il importe de souligner que la croissance ne fait pas implicitement référence à la capacité de création de valeur ajoutée, qui est fondamentale. Elle ne décrit pas l’état des structures, des capacités propres, de satisfaction de besoins minimaux et vitaux, encore moins de la vision. La croissance économique n’est simplement que la variation du produit intérieur brut (PIB) dans le temps. Alors que le PIB est la valeur de marché des biens et services produits par les acteurs économiques sur une période. Autrement, la croissance exprime la variable de l’ensemble des biens et services d’une période à l’autre. Et elle se calcule de 3 manières; soit par les revenus, par la valeur ajoutée ou par les dépenses.
On peut alors dire que le PIB togolais tend moins vers la somme des valeurs ajoutées ou des revenus, et il est plus axé sur la somme des dépenses, notamment la consommation finale, la variation des stocks, les exportations et un peu d’investissement courant et non structurant. Dans l’état actuel des choses et considérant les lamentations des masses togolaises, la misère ambiante, la carence des infrastructures et autres, on peut conclure que la majorité est encore à la recherche de satisfaction des besoins vitaux; en quelque sorte les besoins de sécurité sur l’échelle de Maslow.
Et vu la croissance démographique rapide du pays, la question se pose à savoir si même cette croissance vantée pouvait simplement couvrir le minimum naturel croissant. Le récent récemment de la population de 2022 (RGPH-5) nous indique un le taux d’accroissement intercensitaire de 2,30%, ce qui présage un doublement de la population togolaise dans 31 ans, donc autour de 2055. Un changement structurant, donc le développement, est la clé.
Il faut donc s’engager pour le développement économique du pays. On attend alors par développement économique une suite logique de transformations de structures économiques, socioculturelles, politiques, etc., d’une entité ou d’un pays. C’est ce processus qui prend en compte l’avantage comparatif; entre autres, et permet de se concocter les instruments ou les outils nécessaires dans le combat contre la pauvreté; et par ricochet, élever graduellement le niveau d’éducation, de formation, de couverture santé, d’épanouissement des citoyens; bref leur niveau de vie.
Voilà pourquoi il est illogique de croasser sur les mots « croissance remarquable ou autres », quand la majorité de ses concitoyens croupissent dans la pauvreté absolue et que par exemple par manque d’infrastructures d’assainissement les citoyens maudissent chaque goutte de pluie qui tombe. Le paradoxe togolais est à ce point-là. Il faut donc rendre possible la création continue et soutenue de valeur ajoutée.
« Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte », écrivait Émile de Girardin dans la politique universelle. Cette réalité ne semble pas encore être comprise par le pouvoir togolais. Il faut essentiellement mobiliser l’épargne, favoriser et accompagner l’investissement. Les effets cumulatifs ou composés engendrent alors un engrenage à valeurs ajoutées. Le citoyen est la première richesse d’un pays. Quand on demande présentement quel est le « Know how » ou le « savoir-faire togolais » ou le distinctif en matière de valorisation ou de création de valeur ajoutée, on n’en trouve pas. La grande majorité des pays de la sous-région produisent par exemple des capitaines d’industrie ou des faiseurs ou encore des bâtisseurs dans certains domaines, mais pas le Togo. En dehors de M. Djondo et de 1 ou 2 autres peut être vaillants visionneurs, le tableau est presque vierge. Autrement, il faut aller se faire ailleurs.
Ce ne sont pas les annonces de programmes ou semblables qui font défaut. On peut citer notamment le FNSI, DOSI, DSRP, SCAP, PUDC, les projets de filets sociaux et services de base et d’opportunité d’emploi pour les jeunes vulnérables lancés le 6 février 2018, le PND (Programme National de Développement 2018-2022) lancé le 3 août 2018 et bien d’autres. Particulièrement, le PND fut lancé en fanfare avec des objectifs presque angéliques, spécialement un financement global de 8,3 milliards $US (65% par le secteur privé et 35% public), un cap de 7,6% de croissance à l’horizon 2022, 50% de taux de bancarisation et 1 million d’emplois dont 500 000 directs. Nous sommes en 2024 et rien de tout cela. Entre-temps, il a muté en feuille de route gouvernementale.
Les faits sont têtus : « à rien pardonner le pur amour éclate »
La politique « proclamatoire », la rhétorique d’une croissance remarquable, de budget social et de la « gentrification cosmétique » ont leurs limites. Il urge d’oser produire des résultats pour la préservation du bonheur collectif, en rendant possible l’égalité de chance. « Osons inventer l’avenir », disait le capitaine Thomas Isidore Noël Sankara. Le tableau ci-dessous présente des données ou des chiffres clés, comparatifs du Togo avec ses voisins. Et comme disent les Ivoiriens « il n’y a pas photo ». Le constant est clairement sans appel; au grand dam des citoyens.
- Alors qu’entre 1960 et 2022 l’espérance de vie au Togo a progressé de 53%, cette variation est de 61% au Bénin, 72% au Burkina; entre autres;
- Durant cette période, le PIB par habitant togolais a été multiplié par 1,99; celui du Burkina l’a été par plus de 3;
- Entre 1960 et 2022, la valeur ajoutée de l’agriculture au PIB togolais est passée de 54,88% à 18,33% ; soit une régression de près de 67%. Ce qui est de loin la plus forte réduction de valeur ajoutée du secteur agricole au PIB, comparé à ses voisins; dans la mesure où le Bénin est passé de 46,16% à 26,9%, le Burkina de 38,48 à 18,5% et le Ghana de 40,85 à 19,57%. Malgré ce tableau sombre, l’agriculture reste le principal incubateur d’emplois au Togo. Elle regorge toujours d’un potentiel à revaloriser;
- Quant à l’industrie, son apport au PIB sur cette période s’est apprécié de seulement 29% au Togo, contre 66% pour le Bénin, 44% pour le Burkina et 72% pour le Ghana;
- Concernant les indices clés comme ceux de la corruption, de démocratie, du bonheur, etc., le Togo fait globalement moins bien que ses voisins;
- C’est seulement dans les dépenses militaires que le Togo dépasse ses voisins, même ceux qui combattent le terrorisme comme le Burkina Faso. Ainsi au moment où les dépenses militaires du Togo passent de 0,27% de son PIB en 1960 à 5,44% en 2022, celles du Bénin et du Ghana ont régressé respectivement de 0,87% à 0,56% et de 1,71% à 0,35; alors que celles du Burkina qui combat le terrorisme a augmenté de 0,68% à seulement 3,09% de son PIB.
Ce sont là les chiffres comparatifs clés, qui contredisent sur la plupart des plans les déclarations récurrentes du pouvoir de Lomé. Si le Togo était un élève, on dirait de lui qu’il est un dernier de classe, et de loin.
Et dire que l’endettement du Togo est déjà frénétique et non structurant
Certains appuis du régime de Lomé, qui justifient tout et rien sans connaitre les limites du ridicule, soutiennent que tout le monde s’endette et qu’on ne peut se développer sans endettement. En effet, mais il faudrait que la dette ait une base, soit soutenue en fait. Fondamentalement, il faut que la dette serve à la création de valeurs qui servent à la rembourser. L’anachronisme est que malgré ce niveau d’endettement élevé, le Togo des Gnassingbé reste un désert d’infrastructures, d’industries et connexes. À quoi ont servi ces emprunts? Il ne faut pas perdre de vue que l’endettement n’est que de l’impôt et des prélèvements différés. Ainsi, les générations futures se retrouveront hypothéquées, mais sans services adéquats.
Quand on remonte à 2007, le ratio de dette rapportée au PIB du Togo était de 74,8% (DPPF, 2020); qui impliquait un risque de non-viabilité de sa dette par rapport au seuil de 70 %. Et en 2016 la dette publique du Togo avait atteint un taux record de 81,6 % par rapport au PIB pour redescendre à 75,9 % en 2018. Elle s’élevait à 63,8% du PIB en 2021 et 63,7% en 2022 avec 57,8% de part domestique. Et la dette extérieure du Togo a doublé entre 2017 et 2021. Le service de la dette intérieure seul faisait 55,3% des recettes domestiques, si on se fie à la loi des finances initiale (LFI 2022).
Malgré tout, le Togo continue d’être curieusement hyper actif sur le marché des titres de l’UEMOA, en y accélérant le rythme des levées d’obligations. Entre-temps, on observe que les levées qui étaient mensuelles deviennent bimensuelles, entre autres. À la fin de mai 2024, le Togo a déjà levé sur le marché de l’UEMOA près de 71% de sa cible de l’année 2024, c’est-à-dire 429,9 milliards FCFA levés sur un objectif annuel de 607 milliards. Encore une fois, que cache tout cela?
Pourtant, deux occasions d’allègements n’ont pas été exploitées
Déjà en décembre 2010, le Togo avait par l’entremise du processus de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) obtenu du Conseil d’administration du FMI et de la Banque mondiale un allègement de dette jusqu’à 1,8 milliard $US. Cela représentait 82 % de réduction de la dette extérieure en valeur nominale, dont 47 % de réduction de l’encours de la dette des créanciers multilatéraux, 50 % des créanciers membres du Club de Paris et le reste 3% d’autres créanciers bilatéraux et commerciaux. Ainsi le niveau d’endettement du Togo fut ramené à un niveau viable, soit un ratio de 45,1% de son PIB. Ce fut alors une occasion pour le Togo, tout comme ailleurs, d’allouer ces ressources exceptionnelles ainsi dégagées à des priorités telles que les besoins sociaux et la remise en état des infrastructures, plutôt qu’au service de la dette…, mais hélas au Togo de la « minorité pilleuse », on ne fait pas les choses comme il fallait.
Une 2e occasion s’offrira au Togo avec le rebassage le 22 septembre 2020 du PIB sur la base de SCN 2008 (Système de Comptabilité Nationale 2008); en prenant 2016 comme année de référence pour une « revalorisation mécanique » du PIB de 36,5%. Le gouvernement annonça alors que cette opération ramena le taux d’endettement à 51,8% du PIB, contre 68,6% en 2020 et précisa que « le taux de pression fiscale est passé de 20,8 % (SCN 1993) à 13,6% (SCN 2008) en 2019 et de 21,1% à 14,6% en 2020. Malheureusement, cette fois aussi, cette opération a servi principalement d’embellie cosmétique du ratio d’endettement du pays. L’endettement non structurant est donc un piège ou un cercle vicieux presque « Sisyphéen », principalement quand le taux de la dette est supérieur à la croissance.
LES TROIS (03) PROJETS À FORTE DENSITÉ DE MAIN-D’ŒUVRE POUR REMETTRE LE TOGO AU TRAVAIL ET SUSCITER DES VOCATIONS
Quittons rapidement la course à des titres pompeux et honorifiques, voire folkloriques, pour du concret. Pour un début, allons dans le sens des néoclassiques qui préconisent une allocation optimale des ressources, dans la mesure où les individus sont à considérer comme des agents rationnels. Dans cette optique, il faut stimuler l’activité économique par des projets à forte intensité de main-d’œuvre et ainsi booster la consommation. Il faut surtout oser réinventer le Togo. ET on ne peut pas vouloir se développer sans sacrifices. Certes, les prémisses de ces projets-programmes sont la lutte implacable à la corruption, du moins un début sincère de lutte. De même, les plans d’aménagements et les infrastructures d’assainissement dans ces temps d’inondations itératives sont des prérequis. Il faut indéniablement s’y mettre. Au-delà, il urge d’entamer une thérapie de choc qui passerait par les 3 propositions de projets suivantes.
- Faire de nos villages des milieux de vie – Débloquer entre 90 et 125 milliards FCFA pour nos 7 530 villages
La révolution verte est encore possible : système d’irrigation et mécanisation
Si le pays dans son ensemble est un désert d’infrastructures, nos villages le sont encore plus. Ils représentent et restent des lieux précaires et pour la plupart; sans eau potable, latrine; bref le minimum pour la vie, et qui se vident de leurs forces vives. Malheureusement, le phénomène des Taxis-motos, entre autres, est venu accentuer cette descente et a eu raison du peu de jeunes qui croyait encore en leurs villages. Ils se retrouvent en fin de compte désabusés dans des centres urbains.
Selon les données disponibles sur les subdivisions administratives, le Togo compterait 7 530 villages (chefs de villages), dont 1 300 dans la région Maritime, 2 493 dans les Plateaux, 866 dans la Centrale, 1 010 dans la Kara et 1 861 dans les Savanes.
Nous proposons un projet inédit et audacieux, bref un électrochoc de renouveau dans un horizon de 1 an à 2 ans pour redonner espoir aux masses et donc un coup d’envoi du renouveau Togolais. C’est fort et engageant, mais essentiel pour sonner le réveille à partir de nos bourgades profondes. Comment, alors? Que l’État débloque pour chaque village, dépendamment du nombre d’habitants et autres spécifiques 12,5; 15; 17,5 ou 20 millions francs CFA (soit au total entre 95 à 125 milliards de FCFA pour les besoins urgents et existentiels de ces milieux. Dans le cas d’espèce et pour le bien-être collectif, l’État doit circonscrire les champs d’application, notamment des travaux de salubrité, d’assainissement, d’accessibilité ou de couverture de base. Il peut s’agir de forage, de renforcement ou d’ouverture d’accès, de réaménagement ou de construction ou renforcement de lieu d’apprentissage ou autre encore; et pourquoi pas d’outils ou d’instruments d’assistance agropastorale.
Pour mémoire, si on accordait 10 millions à chacun des 7 530 villages, la facture reviendrait à 75 milliards FCFA et 150 milliards FCFA si on accordait à chacune 20 millions. Mais, étant donné les disparités ou autres particularités (nombre d’habitants, géographie, etc.) on peut constituer 4 groupes de villages et donc 4 barèmes de financements (12, 5; 15; 17,5 et 20 millions). Ainsi chaque village cible ses besoins spécifiques, mais à valeurs ajoutées, dans le cadre défini par l’État.
Et pour éviter les détournements et autres, les financements, les projets et les réalisations doivent être publics, limités dans le temps; et donc consignés dans un registre accessible à tous. Le suivi opérationnel pour être confié à une subdivision administrative (mairies, communes, chefferies, etc.). Des peines pour malversations devaient être préétablies et communiquées. À bon entendeur, salut. En guise d’incitatif, il devait y avoir des prix d’excellence et citron; respectivement pour les meilleurs projets et les pires ou les situations frauduleuses, en plus d’évaluation postprojet. Ainsi, non seulement la dignité, mais aussi la fierté de tout un chacun sont interpelées et ultimement l’égo. Qui vaudrait être le tricheur ou l’incompétent de la république? L’émulation fera naître des chefs d’œuvres locales.
Le Togo se retrouverait dans un délai de 2 ans avec des villages où chacun remarque, expérimente la présence et l’effectivité de l’État. Imaginez un peu l’effet de réveil de conscience que produirait ce projet dont les coûts sont relativement faibles comparés aux dépenses de prestiges dont raffolent les autorités et autres hauts fonctionnaires, sans oublier les milliards FCFA récurrents de bons d’essence, de frais de multiples séminaires sans justificatifs. La liste de ces écarts sans imputabilité est longue. Autrement, ce fond pour le financement de cette ambition ne représente qu’une infime partie des innombrables scandales qui secouent le pays, entre autres fonds FER, de la SNPT, de la FTF, le PAT, Togo-Telecom, la NSCT, la CEET, la route Lomé-Vogan-Anfoin, l’OTR, le Petrole-Gate, «Wacemgate», les scandales de rétrocommissions lors des passations de marchés, en particulier dans les travaux publics, les fonds COVID-19. Le Togo a les moyens pour faire rêver ses citoyens.
Une autre incongruité est le fait que le Togo soit globalement à la traine de ses voisins, alors que les autorités togolaises sont parmi les plus grands voyageurs africains, donc sans des retombés palpables. Ainsi, Faure Gnassingbé est l’un des Chefs d’État qui voyagent le plus. Déjà en 2016, Jeune Afrique (13.12.2016) le classa parmi les chefs d’État les plus voyageurs et lui attribua au moins 26 voyages officiels. Depuis lors, son ardeur pour les voyages ne diminue pas. Selon le site presidence.gouv.tg, on peut compiler en 2018 pas moins de 22 voyages officiels, 29 en 2019, tout de même 8 voyages en 2020 malgré la pandémie COVID-19 avec les restrictions, 21 voyages en 2021. Même en 2022, une année de crises dont alimentaires on note 19 ou 20 voyages officiels. En 2023 on comptabilise au moins 16 voyages du Chef de l’État. À la fin de mai 2024, ce sont déjà 7 voyages qui sont à son actif. Et dire qu’un seul voyage officiel avec une délégation des fois pléthorique brule au bas mot des dizaines de milliers de devises.
- Ériger un squelette ou dorsale logistique avec le transport ferroviaire et les routes nationales
CFT, une fierté des années 1970, Axe Lomé-Atakpamé-Blitta
Le Togo est l’un des rares pays qui n’a pas de réseau de chemin de fer. Les quelques tronçons laissés pour les colons sont finalement devenus obsolètes ou ont été abandonnés. Les connexions routières tant à l’interne que vers l’Hinterland sont chimériques. Alors que le port autonome de Lomé (PAL) est le seul port en eau profonde de la sous-région ouest-africaine. Ainsi, l’avantage comparatif au sens Ricardien dont bénéficiait le Togo s’évapore par manque d’infrastructures pour desservir adéquatement le territoire national et les pays de l’Hinterland et aussi par la concurrence des ports d’Abidjan, de Cotonou, de Tema et autres.
Cet état de fait n’augure rien de bon pour l’avenir du pays, principalement dans le domaine logistique, sans oublier le transport des personnes. Cela, malgré le cycle inquiétant d’endettement non structurant, comme précisé précédemment. Pourtant en avril 2005 le pamphlet « les 20 plus de Faure » promettait, entre autres, l’Autoroute sud-nord « Fleuve de l’Espérance » qui devrait créer en 5 ans 100 000 emplois. Nous sommes en 2025 et Faure Gnassingbé aborde probablement un Nième mandat, mais intemporel, alors qu’aucune des 20 promesses de 2005 ne semble avoir été accomplie, même pas un réel début de commencement.
Le transport ferroviaire étant un incontournable dans les perspectives de développement structurant, nous proposons de réaliser le projet du tronçon de chemin de fer Lomé-Cinkassé dans un délai de 5 ans à 10 ans au maximum. On peut dédier environ 2 ans pour les études d’opportunité composées d’études de besoins et de solutions; 1 an pour les plans et devis éventuellement et 2 ans à 4 ans pour la construction et un début de mise en service. Il faut se donner les moyens de ses ambitions. Le tout peut être fait en 3 étapes, notamment un premier tronçon Lomé-Atakpamé en passant par Kpalimé avec un mini-tronçon Lomé-Aného; un 2e tronçon Atakpame-Sokodé passant par Anié et Blitta et un 3e tronçon Sokodé-Sinkassé qui passerait par Bassar, Kara, Niamtougou, Kanté, Mango et Dapaong. Et pourquoi pas voir dans le long terme, et donc dans une perspective de renforcement de la capacité concurrentielle du pays, on pourrait évaluer la faisabilité de faire des jonctions à partir de Bassar vers Tamale au Ghana et Parakou au Bénin. Cela offrirait une flexibilité exceptionnelle dans un environnement où les besoins croissent rapidement due à l’explosion démographique, entre autres. La consolidation de la souveraineté passe par ces étapes d’affirmation, entre autres.
Les retombées d’une telle audace seraient exponentielles, non seulement en termes de créations d’emplois, mais surtout de désenclavement des régions, des villes et villages. Quelqu’un dirait alors et la lumière fit. C’est un couvoir d’activités économiques, de renouveau pour de multitudes de localités et donc de liberté retrouvée. La continuité géographique deviendra ainsi une réalité pleine et entière dans notre Togo.
De plus, les grands axes routiers nationaux (les N1-2-3-4-5 et autres.) sont aussi à construire ou reconstruire en dédoublant impérativement les voies, en termes d’infrastructures routières consistantes pour les 50 prochaines années. Une certaine vision « Togo 2070 ». Par exemple la nationale N1 (Lome-Cinkassé) est présentement la plus meurtrière du fait de son étroitesse et incompatibilité par endroit. Il y a urgence de construire une véritable Nationale 1 avec des voies dédoublées. Les statistiques disponibles indiquent que pour le 1er trimestre 2020, le Togo dispose d’environ 2 101 km de routes nationales revêtues et 1 473 km de voiries urbaines. On dénombrait près de 1 294 km de routes nationales non revêtues et 6 802 km de pistes rurales. Et le gouvernement avait pris l’engagement de réduire le nombre de routes délabrées de 49% à 40% et de bitumer plus de voies à l’horizon 2022. Nous sommes à l’été 2024 et à chacun de constater l’état de situation des infrastructures routières togolaises. Le tout doit être accompagné, entre autres, de construction de gares routières modernes avec les commandités nécessaires, de même que de marchés dans certains cas.
Dans le but de bien amorcer ce virage, il faut notamment mobiliser l’épargne nationale. Par exemple la Chine et certains dragons asiatiques sont passés par là, il y a quelques décennies, et c’est ce que fait l’Inde depuis quelques années. Bref, il s’agit de produire pour un premier temps la croissance ricardienne.
Le miracle togolais se réaliserait à travers ces dorsales routières et ferroviaires qui produiraient l’éclosion ou la transformation de multitudes d’initiatives, de vocations et autres.
- Construire les compétences utiles au takeoff par la formation professionnelle, technique et l’agropastorale
Il faut déployer au plus sacrant une stratégie de formations techniques et professionnelles pour permettre aux jeunes togolais d’apprendre des métiers afin de soutenir le processus de création persévérante de valeurs ajoutées. Tous les domaines de compétence sont concernés. La promotion de l’emploi des jeunes est incontournable pour mieux répondre aux défis actuels et futurs. Et ils sont les décideurs de demain, alors qu’on note présentement une discontinuité entre l’éducation et la formation. Un autre incontournable est d’instituer progressivement le continuum en donnant accès à l’éducation et à la formation à tous, tout au long de la vie.
Selon le rapport gouvernemental sur la situation de l’enseignement supérieur de 2022, les étudiants togolais s’orientent à environ 75% vers le commerce, l’administration, le droit, les lettres et les sciences de l’homme et de la société. Pourtant, le secteur tertiaire dépend essentiellement du secteur secondaire. Autrement, même si d’hypothétiques entreprises s’installaient au Togo dans le court et relatif moyen terme, elles marqueraient de main-d’œuvre compétente et adéquate.
Chaque région doit avoir une toile d’écoles et de centres de formation professionnelle, d’apprentissage de métiers et de création d’entreprises. Et dans des cas spécifiques, des écoles spécialisées selon certaines particularités régionales s’imposent.
La dernière grande réforme de l’enseignement remonte à 1975, surtout en ce qui a trait aux contenus des formations et programmes. Certes il y a eu par moment des essais, mais rien d’aussi fondamental. Une stratégie nationale de l’enseignement technique et de la formation professionnelle (ETFP) du Togo a été lancée en 2018, dont la concrétisation se fait attendre. Début novembre 2023, lors de la présentation d’un nouvel outil pour mesurer le taux d’insertion des diplômés, le gouvernement togolais annonçait que d’ici à 2025, il compte porter la proportion des apprenants de l’ETFP à 10% des effectifs de l’enseignement secondaire et assurer l’insertion professionnelle de 80% des sortants. Cependant, les gestes ne semblent pas suivre les déclarations.
Alors, il faut indéniablement tenir des états généraux « non politiques ou politisés » de l’enseignement technique et professionnel au Togo pour convenir de l’orientation à donner à l’enseignement professionnel et technique au Togo, afin de construire une relève compétente et utile surtout. Pour construire une économie structurante, il faut accroitre significativement la qualité et augmenter le nombre de personnes formées dans les métiers. En clair, une politique-cadre des formations professionnelles, techniques et d’insertion professionnelle est à bâtir.
Togolais, comme l’avait énoncé Winston Churchill : « mieux vaut prendre le changement par la main, avant qu’il ne nous prenne par la gorge ».
Joseph Atounouvi
« TAMPA EXPRESS » numéro 0060 du 12 juillet 2024