Nous sommes à Agoè, le bus entre dans une station d’essence pour faire le plein. Cela a pris une dizaine de minutes. Pendant ce temps, j’ai mon regard tourné vers le goudron. Une scène retient mon attention. Un monsieur sur une moto s’est arrêté près d’une fillette. Elle devrait avoir visiblement treize ans. Mais pourquoi l’œil du passager en fait un sujet de sa chronique ?
L’homme à la moto a quitté la station d’essence pour s’arrêter devant la fillette revendeuse de cure dent. De loin, je ne pouvais pas entendre leur conversation mais je pouvais à travers les faits et gestes me faire une idée. D’abord il a saisie un petit tas de cure dent puis il a redéposé. Il a fixé la petite et il a touché ses seins dans un geste brusque. La petite a repoussé ses mains puis il a recommencé. Sans vergogne, le monsieur continuait. J’attire l’attention des trois autres passagers sur mon siège. Bizarre, mes compagnons de siège n’ont rien vu d’anormal.
Le véhicule a démarré, puis nous sommes partis. Je continuais de regarder la scène par la vitre arrière. On s’est éloigné, mais j’avais un grand pincement au cœur. J’étais fou de colère. Sur mon siège, mes co-passagers étaient deux hommes et une femme. Tous des adultes. J’ai pris un temps pour retrouver mes esprits. Souvent quand je suis en colère, je compte de zéro à……… X. Quelque fois, ça marche. Et vous, dites-moi quelle est votre astuce pour maitriser votre colère ?
Ok ! Je reviens à l’un de mes co-passagers du siège. Monsieur pourquoi trouves-tu que c’est normal que ce monsieur harcelle cette petite fille de tout à l’heure à la station ? Il a ris puis il m’a répondu : c’est une petite fille ça ?
Au second monsieur de renchérir. Là où tu la vois comme ça, ce qu’elle connaît en matière de sexe, hum ! Tu seras toi-même étonné mon frère !
Je suis resté stupéfait devant ces deux réactions incongrues. Alors je me suis retourné vers la dame. Et vous madame, est ce normal cet acte ? Un profond silence. Puis elle a fondue en larme. Je n’ai rien compris de ces pleurs. J’ai analysé de nouveau mes propos. Je n’ai rien dis d’offensant. Alors, j’ai respecté son silence et je n’ai plus dis un seul mot. J’étais très gêné mais il n’y avait rien à faire. Elle était assise tout à côté de moi. J’ai lancée cette phrase : courage
Madame ! Il ne fallait pas être psychologue pour comprendre que le sujet que nous abordions a réveillé un profond souvenir douloureux en elle. Mais quel était ce souvenir qui a rendu si triste la dame tout le long du voyage ?
Notre bus a eu une panne de moteur au niveau de Datcha. Pour ceux qui ne le savent pas, c’est dans cette petite localité que se trouvait l’unité de production textile du Togo. On est tous descendu contempler les ruines de l’usine pendant que le chauffeur et son apprenti jouaient au mécanicien. Et comme la réparation durait, je suis allé vers la dame. Je crois qu’elle a retrouvé ces esprits. Sous un arbre, elle s’est assise sur une brique. Quand elle m’a vu venir, elle a souris. Puis lorsque je suis arrivé tout prêt, elle m’a abordé la première. Jeune homme, Dieu te bénisse ! Excuse-moi pour mon silence dans le véhicule. Au fait, c’est rare de voir des hommes réagir comme tu l’as fait après cette vilaine scène de harcèlement. Tu as bien écouté les réponses des deux messieurs … Hum ! Voici mon histoire, elle est trop longue mais c’est juste l’essentiel si je parviens. C’est la première fois que je la raconte. C’est parce que je trouve que tu peux être un allié pour ces filles en situation de harcèlement. Je ne te connais pas, mais mon histoire te donnera la force de continuer à défendre cette cause.
C’était en 2012. Je vivais avec ma fille de treize ans à OUTIKPITRE dans un village …à la fin de son histoire, c’est moi qui ne pouvais plus contenir mes larmes. Je me retenais, mais hélas c’était plus fort que moi.
Je m’arrête ici pour ce récit. C’est la première fois que je ne trouve pas facilement les mots pour continuer… Moi qui suis si bavard et joyeux à chaque voyage. J’espère retrouver la force et l’intensité de tous les mots pour vous narrez la suite du récit dans la prochaine chronique. Excuser moi de vous laisser sur votre soif. A très bientôt !
C’était l’œil du passager.
Par ATCHAM Aposto