Aujourd’hui, je suis au fond du bus. Ceux qui doivent descendre en route sont devant. Normal, pour éviter des tracasseries à chaque descente. Moi je vais à Lomé. Dans le bus, une vieille demande humblement au chauffeur d’être sage et surtout d’éviter les dépassements dangereux car elle garde encore en mémoire le dernier accident dont elle a été victime. Elle était la seule rescapée. A chaque fois qu’elle prend un véhicule, ce traumatisme lui revient.
Le chauffeur a fait semblant de ne rien entendre. La dame a repris sa requête cette fois si dans le vernaculaire. Elle était juste assise devant moi. Je sentais presque dans sa voix la peur. Je ne peux pas exactement vous transmettre l’effet que j’ai ressenti quand elle parlait au chauffeur. Elle a fini par conclure que si elle pouvait éviter de prendre le véhicule pour effectuer ses déplacements, elle le ferait. Mais hélas, c’est impossible. C’est malgré elle. Ce qui est sûre, elle a du faire une terrible expérience.
Le chauffeur, après un long silence s’est retourné puis a concocté un cocktail d’injures savoureux pour la vieille dame. Celle-ci pourrait être sa mère. Il pousse un juron et fini par conclure que d’ailleurs : c’est Dieu qui est au contrôle de son volant ! J’ai souris quand j’ai entendu cette réponse flatteuse. Chers lecteurs rassurez-vous. Je ne nie pas l’assistance de Dieu dans nos œuvres mais nous avons aussi notre grande part de responsabilité. L’inquiétude de la maman était légitime et justifiée. Deux maladresses ont été déjà commises par le chauffeur depuis qu’on a quitté. Un dépassement dans une montée qui a failli nous mettre nez à nez avec un 4X4. Un dépassement forcé sur un pont rétrécit à droite.
Entre temps, un passager est descendu, j’ai profité prendre sa place qui était juste derrière le chauffeur. Je n’ai pas apprécié du tout son attitude envers notre mère. J’ai profité d’un silence à cause de la contrainte d’une montée pour relancer le sujet. Chauffeur, je suis sur cette voie chaque semaine à travers plusieurs bus. J’ai vu plein de truc pas bien de la part de tes confrères !
- Que dites-vous d’un chauffeur qui se soule la gueule avant de prendre le volant soit disant que c’est sous l’effet de l’alcool qu’il voit mieux ?
- Que dites vous de ce chauffeur qui remet le volant à un apprenti inexpérimenté malgré la douzaine de passager dans son bus ?
- Que dites vous de ce chauffeur avec une amante à la cabine, déconcentré de temps en temps par la drague (la main droite qui caresse les cuisses de cette dernière) ?
- Que dites vous de ce chauffeur constamment le téléphone à l’oreille et un seul bras au volant ?
- Que dites vous de ce chauffeur qui surcharge même la cabine. Un des passagers est pratiquement en face du volant et le chauffeur en biais coincé contre la paroi manœuvre tel un diable. Sous les pieds, la crainte que maladroitement le malheureux passager appui sur l’accélérateur l’amène à suer et à écarquiller ses yeux comme un carpeau.
- Ma liste est longue, que dites vous de ce chauffeur qui somnole au volant, il se surprend et demande la cola à manger afin de rester éveillé ?
- Que dites vous enfin de ce chauffeur qui met à fond la musique et file à toute allure comme s’il était sur une autoroute? Ah non, je regrette finalement qu’on a réparé l’état piteux de notre route nationale. Les nids de poule imposaient inconsciemment le ralenti et la prudence.
Quand j’ai fini d’égrainer ces différentes maladresses, le chauffeur a freiné fort puis m’a demandé de descendre. Il est sorti de la voiture, il est monté sur le bus puis il a sorti mon sac de voyage de couleur rouge bordeau qu’il a jeté par terre. Il est remonté, puis il a démarré en trombe. Je pari que les autres passagers n’ont pas su réellement ce qui s’est passé. Moi je riais seulement.
C’était l’œil du passager !
Par ATCHAM Aposto