Une cérémonie de présentation du livre « Le Togo des beaux-frères ennemis », s’est déroulée le mercredi 06 avril dernier, à Kara. Les auteurs, Bammoy Nabé et Nakpane Labanté, sont deux enseignants chercheurs du Laboratoire d’Histoire et Développement de l’Afrique (HisDAF) de l’Université de Kara, qui ont condensé dans un ouvrage, des sources inédites de l’histoire du Togo des années 1958 à 1967. C’est un ouvrage-sources interpelle les scientifiques, les citoyens togolais, la jeunesse, les politiques ou toutes personnes soucieuses de bien connaître le Togo afin de mieux le servir.
Il y a déjà 6 mois, précisément fin septembre 2021 que l’ouvrage « Les beaux-frères ennemis », a paru aux éditions Harmattan. Il vient enrichir non seulement l’historiographie togolaise, mais aussi les publications scientifiques dont la liste ne cesse de s’allonger. Egalement, il s’agit de rendre plus visible le Laboratoire d’Histoire et Développement de l’Afrique (HisDAF) et d’honorer la recherche scientifique à l’université de Kara. C’est un document de 486 pages, qui regroupe un condensé de l’histoire du Togo sur les années 1958 à 1967, périodes qualifiée de « Période de gestation de la nation togolaise ». Ce document est subdivisé en deux grandes parties dont : l’une est consacrée à la première République érigée par feu Sylvanus Olympio et l’autre à la deuxième République de feu Nicolas Grunitzky. Cet ouvrage présente les régimes Olympio et Grunitzky avec une analyse équilibrée et nuancée.
En effet, pour l’un des auteurs Bammoy Nabé, lors de la présentation du livre a souligné que : « La science se partage et se diffuse », et par conséquent il est important que le peuple togolais comprenne, discute et partage son l’histoire par cet ouvrage-source. « Que nous ne nous y trompons pas, aucun peuple n’a d’avenir sans son passé, si nous n’avons pas été, nous ne serons pas. Demain se construit sur les fondations d’hier et d’aujourd’hui. L’histoire est ce qu’est un rétroviseur pour un chauffeur. Si le chauffeur ne peut rouler sans rétroviseur, il est évident que nous aussi ne pouvons pas avancer sans notre passé qui est présent en nous. L’histoire contribue donc au développement de toute communauté humaine, le contraire surprendrai », a-t-il souligné. Pour lui, les togolais ne pourront pas comprendre l’histoire immédiate du Togo, l’histoire contemporaine du pays, s’ils ne comprennent pas cette période de gestation de la nation togolaise qu’est la période 1958-1967. Cette période dit-il, a marqué à plus d’un titre le Togo. C’est une période de fondement de l’Etat, de crises de la construction de l’Etat-nation, de promotion du processus de développement, des indices de l’indépendance inachevée, de prodrome du monopartisme, de toutes les espérances. Ce n’est pas pour rien que cette période fait l’objet de plusieurs lectures des historiens mais aussi, des politiques voire des intellectuels togolais.
Pendant longtemps, l’histoire officielle en a largement contribué. C’est donc pour contribuer à la vérité historique que les auteurs ont mis à la disposition des historiens et de toute la communauté nationale, des sources inédites non moins importantes que sont les adresses mensuelles à la nation des tout premiers dirigeants du pays. Il s’est agi pour eux, de mettre en contact direct, les citoyens avec les sources pour leur permettre de se faire leur propre opinion sur les visions des présidents de l’époque, Sylvanius Olympio et Nicolas Grunizky, du développement du Togo, leurs espérances, les difficultés du vivre-ensemble et les tentatives de construction de celui-ci, bref connaître et comprendre leurs intentions et réalisations en matière de construction de l’Etat-nation et de promotion du développement. « Contribuer à la construction de la mémoire collective des Togolais, c’est contribuer à la résolution des problèmes de développement d’aujourd’hui », a déclaré l’auteur Bammoy.
En effet, pour faciliter la compréhension des discours et de la période, les auteurs ont présenté pour chaque sous-période le contexte historique, facilitant ainsi la lecture et la maîtrise du contenu.
La table des matières permet de retrouver les discours prononcés.
Importance des sources
Selon Bammoy et Labanté, les discours des présidents Sylvanius Olympio et Nicolas Grunitzky sont des discours politiques certes, mais ils ne sont pas dénués de crédibilité. Ces adresses mensuelles à la nation sur les ondes de Radio Lomé sont vécues comme un devoir des politiques qui ont obtenu le pouvoir du peuple qu’ils exercent et lui rend régulièrement compte de ce qu’ils font, de leurs intentions, des projets à réaliser, des difficultés rencontrées et des tentatives de solution. De ce fait, les politiques prennent le peuple à témoin de leur gestion du pouvoir. Comme le dit le professeur N. L. Gayibor, ce sont les balbutiements d’une société démocratique en construction : reddition des comptes, transparence. Pour l’historien, ces discours ont le mérite de faire le point sur presque tous les aspects de la vie nationale sur les plans politique, économique, social et culturel, diplomatique, etc. Autrement dit, des informations importantes diversifiées réunies dans un discours. Des informations sur la construction de l’Etat, l’armature administrative, l’agriculture, l’industrie, l’enseignement, la santé, l’énergie, le régionalisme, la réconciliation nationale, l’enseignement supérieur, la diplomatie togolaise, etc. Toutes les sciences de l’homme et de la société, les sciences économiques, politiques, etc. trouvent leur compte. C’est une photographie du pays au moment de l’indépendance. Ce qui permet de mesurer le chemin parcouru, les avancées, les ruptures et les permanences dans certains domaines des problèmes de développement. « On ne peut avancer sans se regarder et sans réfléchir sur ce qui nous empêche d’avancer normalement », ont-ils ajouté.
A leurs dire, la crédibilité de ces sources est facile à établir par les professionnels du passé, puisque les faits et informations données sont vérifiables dans l’histoire du Togo, certaines intentions ou projets conçus ont été réalisés plus tard après 1967, meilleures preuves que l’Etat continu quelque soient les régimes politiques qui se succèdent au pouvoir : cas du Port autonome de Lomé, de la création de l’Université de Lomé, de l’Usine de Datcha, de la planification du développement, de la promotion des investissements privés étrangers, etc.
Enfin, à travers ces causeries mensuelles des premiers présidents du Togo, on peut lire les difficultés de la bonne gouvernance de Sylvanus Olympio, la paix sociale et la réconciliation nationale comme gage du développement du Togo de Nicolas Grunizky.
Lors de cette présentation, le chef de Département d’Histoire, et le professeur en histoire Contemporaine à l’Université de Kara, respectivement, Dr. Dipi Llaboti et Prof. Sossou Koffi Amouzou ont félicité les auteurs de cet ouvrage-source qui vient enrichir non seulement l’historiographie togolaise, mais aussi les publications scientifiques de l’UK. Ils ont invité l’assistance à s’approprier du contenu de ce livre en vue de contribuer à l’unisson, à la prospérité et au développement de la nation togolaise.
Bibliographie des auteurs
Dr. Bammoy Nabé est maitre de Conférences d’histoire contemporaine à l’UK. Diplômé de l’Université de Provence en France, il a été chef de département d’histoire de 2004-2012, puis directeur des ressources humaines de l’UK de 2008-2017. Il est actuellement directeur des archives à HisDAF au sein de l’institut universitaires.Quant au Dr. Nakpane Labanté, il est maître de conférences d’histoire Contemporaine à l’UK et également vice-président de l’Association des Historiens et des Archéologues du Togo (AHAT). Aussi, il est le responsable scientifique du master d’histoire et chef d’équipe « Economies, infrastructures et développement durable » du Laboratoire d’HisDAF à l’UK