La faute à un déficit criarde de précipitation. Sinon, le Pays bassar-konkomba rassure que les places de marché se verront inonder de tubercules, dès les premières pluies. En effet, l’agriculture en Afrique est fortement liée à la pluviométrie. Et la culture d’ignames est particulièrement saisonnière. Elle débute au Centre et Nord du Togo par la fabrication des buttes, dès le mois de décembre pendant que le sol est encore humide et au Sud dès la première pluie de mars, exception faite des zones permanemment humides. La mise en terre des boutures se fait de janvier à fin mars selon les régions.
Cette année encore, beaucoup d’observateurs alertent sur les conséquences de l’anomalie pluviométrique sur les récoltes de vivres notamment les céréales (maïs, sorgho…) et autre produit de rente comme le soja sur l’ensemble du territoire national. Bien que les pluies ont été abondantes, mais très mal reparties dans le temps et dans l’espace, les igname-culteurs ont fait leur part.
C’est ainsi qu’au début du mois de juillet, certaines localités du Togo ont commencé par déguster la nouvelle igname. La fête Odon-Tsu, célébrée le 1er samedi du mois d’août chez les Ifè d’Atakpame, se veut la première cérémonie de dégustation de la nouvelle igname au Togo. Elle est suivie de quelques modestes célébrations (imitations) ici et là, mais la véritable démonstration de la bravoure des producteurs d’ignames est attendue en Pays bassar-konkomba en début septembre. Pour cette édition 2024, l’apothéose est prévue sur le 07 septembre prochain dans la ville de Guérin-Kouka. C’est à partir de D’pontre/N’nidak des préfectures de Bassar et Dankpen que l’approvisionnement massif des marchés du Togo, de la sous-région et d’ailleurs est assuré sans interruption de septembre de l’année (N) à septembre (N+1), et c’est ainsi tous les ans.
Cependant cette saison agricole 2023-2024 est encore particulière car, déjà au mois de juin 2024, la pénurie a commencé. Il faut être riche en ces moments pour manger des frites et du foufou. La calebasse d’ignames (100 tubercules dans le Grand Bassar qui est réduite à 30 tubercules au Sud) qu’on achetait au moment de l’abondance à 25000 FCFA (EUR 38,11) ou 50000 FCFA (EUR 76,22) selon la grosseur a simplement triplé de prix. Pire, c’est une pénurie totale qui se remarque en fin juillet jusqu’au mois d’août. Les quelques tubercules qu’on retrouve sur les étalages sont de petites formes pour trois unités vendues autour de 5000 FCFA (EUR 7,6). Ces « ignamettes » par leur petite forme illustrent déjà les craintes d’une saison aux perspectives peu reluisantes.
Etat d’un champ d’igname à Sokodé (12 août 24)
La cause est toute simple « les sols sont encore durs » et empêchent non seulement un développement des tubercules mais aussi les récoltes. Les tubercules d’ignames sont effectivement dans les buttes, mais aucun cultivateur ne veut risquer pour la simple raison qu’il manque la pluie qui mouille convenablement la terre avant de procéder à la récolte des tubercules. Car tout cultivateur qui oserait récolter les tubercules pendant que le sol est encore sec, court le risque de ne pas avoir suffisamment de boutures pour la saison suivante.
C’est une perte énorme pour la chaîne de valeur dont les centaines de camions de marchandises qui sont immobilisés par manque de fret. Selon le transporteur et igname-culteur K. Tagbe : « La terre est tellement dure que seul quelques têtus font la récolte certainement par nécessité. La semaine dernière seul un camion a pu trouver 75 calebasses soit 7500 tubercules au niveau de Djarkpanga pour charger, or sa capacité de chargement moyenne est de 135 calebasses par voyage. Pas grande chose au niveau des Tapou (zone de Bangeli et Bitchabe) sinon quelques bus de 15 places arrivent à trouver cinq à dix calebasses vers Dimori ».
Vivement que les dieux de la pluie libèrent le liquide pour le soulagement des besoins vitaux.
La rédaction
« TAMPA EXPRESS » numéro 0063 du 16 août 2024