Baisse du niveau général des élèves, maquillage des résultats, et tantôt lumière sur les prétendus vrais résultats d’examens. On chantait pendant longtemps ces refrains, quand tous les masques ont fini de tomber. L’école togolaise semble finalement dévoilée dans son entreprise de fabrique du crétin. Et en cause les hommes politiques.
Loin des principales pistes de nos experts compétents qui escaladent le serpent pour aller chercher le bois, et face à la triste réalité qui persiste au risque de s’aggraver, un regard sur cette descente aux enfers de notre école révèle deux gros problèmes : un régime politique d’une part et sa tutelle constituée de bandes d’impérialistes d’autre part. En effet, nous avons en matière de questions éducatives des cadres supérieurs très bien formés et dotés d’un sens de probité assez élevé et reconnu à l’international. En 2012, j’ai échangé avec l’un d’eux qui m’a montré concrètement des séquelles de son vain combat en faveur de cette école qui souffre aux mains de ceux qui ont plutôt une main dirigiste dévastatrice… Et quand on observe sur toute la ligne, on a justement l’impression que des gens passent leurs nuits à arroser de l’ivraie dans le champ de blé de ceux qui ont toujours souhaité œuvrer à ériger une bonne école pour le continent. Et pour cause, ces semeurs d’ivraie tapis dans l’ombre agissent pour des intérêts partisans, et contre les intérêts de leur pays. Citons ceux qui détournent impunément les ressources financières normalement destinées à l’exécution des politiques publiques en faveur de l’éducation. Citons ceux qui bâclent la formation des cadres destinés à l’enseignement, et d’autres qui rendent la vie compliquée à des enseignants au nom des calculs politiques. Citons ceux qui ont tué l’autorité des enseignants en les chosifiant sur des scènes politiques publiques. Citons depuis le sommet, ceux qui ont pactisé avec des lobbies impérialistes à vocation de destruction de notre école africaine. Ces derniers ont ouvert la porte à des partenaires qui en principe n’ont pas le souci de nous aider, mais plutôt de nous faire tomber bas. En échange, ces derniers ont implanté leurs écoles privées avec des montants très élevés de frais de scolarité au pays ; puis ils ont ouvert de l’autre côté la porte d’accès à leur système éducatif de ” pays développés ” aux enfants de leurs complices par le biais des fameuses bourses d’études. Que les pauvres aillent à l’école des pauvres, penserait-on. Dans le secteur de la santé, tout porte à croire que ceux qui nous dirigent ne pensent pas réellement à offrir des soins de santé qualifiés au grand public. Et justement parce que les grands du pays vont à l’extérieur même une simple migraine liée à l’insomnie ou encore pour un simple contrôle sanitaire de routine. On en vient à déplorer le même phénomène à l’école : on pense que les futurs dirigeants africains se font former dans les grandes écoles de pays développés aux frais du contribuable ; pendant que les ” masses populaires” que l’on voudra pouvoir traîner, surexploiter, chosifier, manipuler à volonté goupillent au pays dans les écoles locales négligées. Comment pourrait-il en être autrement, dans un pays où les inégalités sociales relèvent d’un mode de gouvernance, et où les ressources financières publiques sont embrigadées dans un petit cercle vicieux ? Et les membres du cercle vicieux, les voici : le système impérialiste ou colonialiste, les acteurs politiques, la mafia, le système religieux et spiritualiste. Sans oublier les hommes de la main : nos gens d’armes. Et dire que ce cercle vicieux est au service du statu quo… Il faudrait qu’on cesse de se leurrer : une école de qualité, c’est un investissement sérieux adéquat, c’est une administration scolaire dépolitisée, c’est un enseignement dynamique et décomplexé, basé en grande partie sur l’encrage des valeurs sociales et culturelles du pays ; c’est un partenariat actif orienté avant tout vers les acteurs nationaux et non internationaux.
Une bonne réussite scolaire, c’est d’abord des parents d’élèves motivés et formés dans leur responsabilité de suivi des enfants ; c’est des familles épanouies aux plans social, professionnel, mental. Par exemple dans bon nombre de pays de la sous-région, des entreprises préfèrent embaucher des jeunes issus du système éducatif togolais. Et à voir de plus près, on se rend parfois compte que c’est dû à l’extrême naïveté de ces jeunes qui sont beaucoup plus manipulables que la plupart des nationaux de ces pays. Voilà un peu ce que nos systèmes éducatifs forment : des jeunes poltrons bénis oui-oui qui passeront toute leur vie à croire à des balivernes politiques racontées par des acteurs commis au service du statu quo. Et tant que ceux qui ont enchaîné notre école à l’autel de leur longévité politique ne la libèreront pas, le bout du tunnel va continuer de s’éloigner. Et sur un siècle, nous pourrions en souffrir.
Hervé Kissaou Makouya; philosophe et écrivain
« TAMPA EXPRESS » numéro 0067 du 09 octobre 2024
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