Des putschistes qui prêtent serment de respecter la Constitution ? De la forfaiture à l’état pur, le putsch en étant lui-même une. Des partis politiques, hier pro démocratie, qui ne dénoncent ni coup d’État militaire ni coups d’État électoraux, qui deviennent par un coup de dé des collabos de putschistes ! Pire, le parti politique du Président déchu par putsch militaire qui lâche lamentablement son champion, auparavant célébré comme un empereur sans qui la nation serait en débandade ! Que de turpitudes ! Quelle honte ! Quelle confuse théâtralité de la scène politique au sud du Sahara ! Quel mépris des partis politiques eux-mêmes pour leur propre raison d’être ! Sans compter les deux poids deux mesures banalisés et grotesques de la Cedeao, en panne de leadership fédérateur et rassurant, et la récurrence de l’inopportune instrumentalisation à des fins politiques de la Commission de l’Uemoa, de la Bceao et de son Gouverneur.
De la légitimité à la carte à la légalité sur mesure
Et comme si tout ceci ne suffisait pas pour produire de l’indigeste mayonnaise politique, voilà que celui qui, par les armes, a pris la place du Président élu ou mal élu, annonce sans aucun mandat la suspension puis le rétablissement de la Constitution et … prête serment. Quelle évidence qu’il ne sait pas que prêter serment signifie le respect de la Constitution et ses textes subséquents – lui qui se présente dans l’illégalité absolue pour avoir justement enfreint la loi fondamentale par la manière dont il s’est auto légitimé Chef de l’État ! S’il l’avait su, il n’aurait pas joué à ce jeu de semi-lettrés avec les textes basiques régissant la vie nationale. Pour se donner bonne conscience dans sa quête compréhensible de légalité, lui qui n’est habillé que de légitimité à la carte, le putschiste jure de respecter la Constitution ou le texte en tenant lieu. Ô, que ça sonne faux ! Que du ridicule !
Les putschistes disent au Burkina que la Constitution est rétablie. Soit ! Mais que dit cette Constitution en cas d’indisponibilité définitive du Chef de l’État ? Certainement pas que ce sont des venus de nulle part qui le remplacent. C’est à cet égard que les politiques burkinabè peuvent être traités d’acteurs crapuleux, dépourvus d’amour pour la Constitution et finalement, de politiciens véreux et putschistes pour s’être instinctivement reconvertis à la chasse aux nouveaux honneurs. Ils n’ont affiché aucune détermination à faire du respect de la Constitution, pour ce qui en reste, un code d’honneur. À en juger par leurs prises de position, une telle détermination semblerait obsolète et contre-productive pour leurs intérêts personnels. Il leur faut bien rester visibles sans livrer de combats d’arrière-gardes, ces politicards puisque leur militantisme aux côtés du Chef de l’État aujourd’hui déchu n’était pas de conviction mais de façade.

Du multipartisme de complaisance
C’est finalement, à l’exemple du Burkina, un multipartisme de plaisanterie qui sévit en Afrique au sud du Sahara francophone : un multipartisme odieux, car de qualité douteuse, totalement à la solde de qui tient la réalité du pouvoir politique, hormis au Sénégal. Il constitue par ses travers et son format une véritable plaie pour la construction d’une vraie démocratie. En l’état, son modèle est une entrave à l’émergence de personnes ressources de qualité pour porter la République et des promesses de développement économique. Les acteurs qui animent un tel multipartisme à quatre sous révèlent à l’occasion des coups d’État, notamment militaires, leur côté fayot et opportuniste et leurs mœurs dépourvues de convictions républicaines.
Que dire du Président déchu qui, hier encore, mobilisait à l’envie une foule compacte pour célébrer une popularité et un profil de grand chef, exceptionnel par ses qualités et mérites fabriqués de toutes pièces. En dehors des thuriféraires de la Cedeao et de l’Uemoa, son sort ne semble plus intéresser grand monde. Et pourtant il y a peu, il était le champion toutes catégories et toutes disciplines, planqué dans le fauteuil de premier magistrat, dominateur sur la scène politique locale, se faisant déclamer à longueur de journée et d’année une ode au mérite par tous ses ministres, aspirants ministres et autres postulants aux plus hautes fonctions dans l’administration nationale et internationale.

Hypocrisie de l’Homme politique en Afrique
Roch Marc Christian KABORÉ, le Président déchu du Burkina, pour qui ses pairs de la Cedeao ou de l’Uemoa n’ont pu rien faire, est au moins heureux d’être encore en vie. Toutefois, ça devrait certainement le peiner de devoir constater que ce sont les mêmes refrains à l’allégeance qui, sans qu’aucune note ne soit bémolisée, sont entonnés à la gloire des auteurs du vilain croc-en-jambe dont il a été victime. Et qui portent ces chants à la gloire des fraîchement venus au sommet de l’État ? Les mêmes sbires qu’il connait sur le bout des doigts, animateurs de partis politiques, y compris le sien et celui du Chef de l’opposition politique, entre autres. Les nouveaux maîtres sont ainsi à l’honneur sans réserve, eux dont pourtant l’unique mérite est d’avoir fait à la République un hold-up à deux balles, consécutif à une faille sécuritaire dans la protection des fonctions de Chef de l’État et partant, dans la protection du citoyen assumant ces hautes charges.
Non, un putschiste ne saurait prêter serment ! Prêter serment sur une Constitution qu’on aura violée, n’est-ce pas à l’identique violer une constitution sur laquelle on aura auparavant prêté serment ? Que d’hypocrisies à l’Africaine !
Vilévo DEVO