Début Janvier 2024, le Nigéria annonce la suspension jusqu’à nouvel ordre de l’évaluation et de l’accréditation des diplômes des universités du Bénin et du Togo. Cette décision a été prise à la suite d’un rapport d’enquête d’un média nigérian mettant en cause une université béninoise. A l’origine, un journaliste d’investigation aurait effectué une enquête autour de l’authenticité des diplômes venant du Bénin et de quelques autres pays voisins. Après avoir détecté un réseau industriel de délivrance de diplômes prêt à porter, ce courageux patriote a décidé d’infiltrer la mafia, aux fins de mieux vivre les faits. Il a rempli ses poches de jetons et s’est rendu dans le pays. En échange de ses jetons il a obtenu un diplôme d’études supérieures en son nom, en moins de deux mois. Deux mois de négociations et non d’études. Bravo Journaliste. Voilà des journalistes que nous voulons : de courageux investigateurs, lanceurs d’alertes, et non cette bande de jeunes journalistes poltrons que notre système démon-cratique est en train de formater sous nos cieux…
Il y a dix ans que moi j’ai observé ce phénomène de faux diplômes ou disons « vrais faux diplômes ». Cette longueur d’avance m’a permis de démystifier trop de concepts qui servent de refuge à des imposteurs sous nos cieux qui s’érigent un beau matin en technocrates, experts ou cadres de haut niveau.
Au-delà de ce fait que d’aucuns jugeraient anodin ou banal, c’est tout notre système formel qui est entaché. On dénombre déjà un peu trop de failles pour un seul système : des notes sexuellement transmissibles jusqu’aux notes d’investissement en passant par des notes politiques, on en est arrivé à des diplômes de marque industrielle. Un diplôme sans inscription, sans bulletin de notes, sans pré-requis. Chacun y va de ses moyens, de ses relations. Les plus privilégiés obtiennent ” légalement ” leur diplôme non mérité ; ils passent avec succès tous les filtres formels. C’est ainsi qu’ils ont fait de nous autres des cancres, des masses, parce qu’ils ont fait prospérer l’ivraie au détriment du blé. Et les faits sont légion. Le Bon Dieu même sait que nos administrations, nos institutions, nos départements de service public regorgent de faux diplômes qui bénéficient de la protection du régime. Ce n’est généralement que lorsqu’un nouveau régime arrive qu’il procède à un mini nettoyage. Encore que les vrais faussaires sont hors de la portée des dispositifs de contrôle.
Depuis plus d’un demi-siècle, nous souffrons de cette nuée d’intellectuels, d’experts, de stratèges, de technocrates mal formés ou non formés mais nantis de ronflants titres fantômes qui ont écrasé de leur poids de monstres toutes les belles pépites de la République au point d’imposer à tous leur médiocrité légendaire, leur amateurisme, leur étroitesse d’esprit aux sommets de nos États et de nos services publics. Dans un contexte où tout le monde connaît les vrais critères d’attribution des bourses d’études, il n’est pas étonnant que nous ayons un grand nombre d’acheteurs de tampons qui reviennent nous rendre le meilleur d’eux-mêmes, à savoir : le faux, l’imposture, les apparences. Résultat, à l’image des diplômes vides que le colon nous aurait vendus à l’époque sur fond de supercherie, nous-mêmes sommes devenus pour la plupart des vendeurs de tampons sur paperasses, pour pas grand-chose.
Où donc sont nos instances dites de contrôle ? Où sont nos systèmes d’investigation ? Où sont nos preuves de crédibilité à tous les niveaux ? Tant que nous continuerons de vendre des emballages vides sous les tropiques, nous devrons rester conscients de devoir rendre plus tard de terribles comptes à cette relève que nous étouffons sauvagement dans un œuf déjà frelaté.
Hervé Kissaou MAKOUYA, philosophe et écrivain
« TAMPA EXPRESS » numéro 0053 du 13 mars 2024 »