« Il est dans notre conscience de rester dignes et humains devant le malheur des autres et avoir un peu d’apathie même face à l’infamie. Ne rajoutez pas de la souffrance à la souffrance », Sandrine Fillassier. Ainsi, l’inconscience, c’est la mort et entre les deux, c’est la souffrance.
La transmission des mauvaises pratiques et comportements, la pauvreté ambiante, l’émancipation précoce des adolescents ont sûrement une forte corrélation avec l’influence des programmes médiatiques, la vulgarisation ou la démocratisation de l’accès facile aux smartphones (Android) et à l’Internet. Aussi le nouveau phénomène appelé « promotion du leadership féminin » marqué par l’exhibitionnisme et le célibat des grandes figures, ne peuvent qu’aggraver la déchéance de cette société dite moderne.
On remarque de plus en plus que la morale a divorcé d’un grand nombre de personnes, entraînant une jeunesse à la dérive. Presque tous les repères qui faisaient la dignité de l’homme et de la femme ont laissé place à la débauche, à la recherche du gain facile et même aux crimes sur toutes les formes. Le Togo, malheureusement, est empêtré dans cet horizon macabre, et ce, à un rythme accéléré.
Hier, c’étaient les sextapes ou les partouzes dans les milieux scolaires, et depuis quelques temps, c’est l’usage des drogues et assimilées, avec pour apothéose une pandémie de grossesses précoces dans ces mêmes milieux. Ce qui a conduit les responsables de l’Education par le biais du Directeur Régionale de la Région Plateaux Ouest à exclure 44 élèves présumés ou certifiés auteurs, ou qui ont eu l’audace d’enceinter leurs camarades filles.
C’est bien d’essayer de traiter le mal pour ne pas se retrouver dans la situation extrême. Puisque pendant que certains observateurs pensent qu’il s’agit d’une réponse adaptée au phénomène, d’autres estiment que cette mesure d’exclusion des apprenants peut se révéler un sponsoring des avortements clandestins et une mise en danger des jeunes filles victimes de ces grossesses. Si autant de grossesses ont été enregistrées ces dernières années dans les écoles togolaises, c’est qu’il y a un problème réel quelque part.
La problématique est très complexe et il faudrait l’aborder sur plusieurs angles. Seulement la répression pourrait, à certains égards, amplifier le mal déjà fait.
Un passé récent nous rappelle l’héroïsme de cette jeune fille du Centre-est du Togo, précisément de la ville de Tchamba, en classe de Terminale, qui donna naissance à un enfant au début de l’examen du Bac II et qui, malgré tout, avait poursuivi normalement l’examen. Elle fut admise d’emblée, tandis que l’auteur de cette grossesse, ayant passé le même examen, échoua lamentablement.
Tout le monde presque au Togo, consciemment ou inconsciemment, avait félicité la jeune fille-mère en oubliant que cela pourrait encourager d’autres situations similaires.
En procédant à une petite revue de littérature, on retrouve plusieurs textes juridiques qui traitent de la même problématique, notamment celle de la protection de l’apprenant.
En premier, la loi n° 84 – 14 du 16 mai 1984, relative à la protection des filles et garçons régulièrement inscrits dans un établissement d’enseignement ou dans un centre de formation professionnelle, sanctionne d’une amende et d’une peine de prison, toute personne qui enceinte une fille régulièrement inscrite.
En suite, la loi n° 2007- 017 du 06 juillet 2007 portant code de l’enfant, punit, au moyen d’amendes et de peines de prison, tout auteur d’attouchement sexuel, de harcèlement sexuel, de pédophilie, de séquestration ou de viol.
En troisième lieu, la loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015, portant nouveau code pénal, prévoit également des amendes et peines de prison à l’encontre de tout auteur d’attouchements sexuels, de harcèlement sexuel, de pédophilie, de séquestration ou de viol.
Enfin, la loi n° 2022-020 du 2 décembre 2022, relative à la protection des apprenants contre les violences à caractère sexuel au Togo, qu’on peut nommer « Loi Kokoroko » du nom du ministre des enseignements Prof Dodzi Komla Kokoroko. L’article 34 de la dernière loi, qui visiblement sous-tend la décision de l’exclusion des 43 élèves, est libellé comme suite « Si l’auteur de la violence à caractère sexuel est un apprenant, il est exclu de l’établissement d’enseignement ou du centre d’apprentissage ou de formation professionnelle, et le motif de l’exclusion fait l’objet de mention à son dossier ».
Les termes utilisés sont clairs violence à caractère sexuel. Or la motivation de ces exclusions ne mentionne nulle part de violence. Les rapports des inspecteurs parlent des auteurs de grossesse. La littérature nous renseigne qu’un auteur, souvent perçu positivement, est celui qui créé ou réalise une œuvre. Or, une grossesse, qui fait suite à un rapport sexuel, débute à partir de la fécondation (fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde) ou de la nidation (implantation de l’embryon dans l’utérus), et se déroule jusqu’à l’expulsion de l’organisme engendré. Est-ce que c’est la précocité qui engendre ici le caractère violent ?
Alors cet article s’applique-t-il en cas de relations sexuelles consenties entre les partenaires ? Peut-on conclure qu’il s’agit d’une interprétation de la loi simplement pour dissuader et décourager les auteurs ? Et qu’en sera-t-il lorsque les parties vont se retrouver devant les tribunaux ?
Au demeurant, pourquoi les autorités togolaises, depuis toujours, n’arrivent-elles pas fait appliquer les différentes lois-pourtant parmi les plus élaborées- qui confèrent au pays le qualificatif de « bon élève » en Afrique et dans le Monde ?
Les différentes lois énumérées plus haut dont la plus célèbre en matière de lutte contre les pratiques sexuelles sur apprenant, la loi n° 84 – 14 du 16 mai 1984, connue sous le nom de loi du 6 mars de M. Aissah Agbetra, ancien Ministre de l’Enseignement des 3e et 4e Degrés et de la Recherche Scientifique (Gouvernement du 30 septembre 1982) qui a été remplacé par M. Komlan Agbetiafa, Ministre de l’Education Nationale et de la Recherche Scientifique (Gouvernement du 13 septembre 1984).
Pourquoi depuis lors les autorités judiciaires ont laissé cette loi devenir caduque ? Est-ce parce que cela ne s’applique qu’aux adultes ? Le rôle de l’Etat n’est-il pas de protéger les citoyens et de garantir le droit à l’éducation ?
À cet effet, l’histoire rapporte qu’à l’époque, un enseignant avait mis enceinte une élève à Siou. Interpellé par la justice, il devait être sanctionné par la loi. Cependant, un membre de sa famille, haut placé dans le gouvernement, était intervenu auprès des autorités. Finalement, l’enseignant avait simplement été affecté vers le sud du pays. Par la suite, il devint syndicaliste, puis ministre, avant d’accéder à la présidence d’une haute institution de la République, jusqu’à son décès.
Il est aussi important de préciser que l’attribution de la paternité dans ce cas précis (Plateaux Ouest) ne repose sur aucune base scientifique, comme un test de paternité ou une analyse ADN. Par ailleurs, la rédaction a suivi des chefs d’établissements de la Région Central, les 12 et 13 mars dernier, dans le processus d’établissement des listes des auteurs et « victimes ». Ces chefs d’établissement scolaire s’étant improvisés en véritables gendarmes par la force des choses, passaient des coups de fil à plusieurs interlocuteurs ou effectuaient des visites dans les familles, avec tous les risques que cela peut compter… avant de conclure. Il ne s’agit en réalité que de simples enquêtes basées sur des dénonciations, des aveux et témoignages, donc sur de potentiels soupçons, quand on sait qu’une femme ou jeune fille peut avoir plusieurs relations au cours d’une même journée, et pendant sa période d’ovulation. Cette visite de terrain relève qu’il existe, parmi les élèves, des garçons et des filles qui, sans être formellement mariés, se considèrent comme mari et femme. Certains d’entre eux ont atteint leur majorité depuis plusieurs années, tandis que d’autres, âgés de plus de vingt ans, sont encore au collège ou au lycée.
On en dénombre également qui sont déjà pères et mères de famille depuis des années, bien avant la nouvelle loi. C’est aussi la triste réalité d’une loi qui semble avoir écarté la sociologie et l’anthropologie des milieux concernés.
Il y a des mémoires de Master qui ont abordé le phénomène en pays Nawuda et même certaines localités de la Région des Plateaux. Cela peut ressembler à la « Crise d’autorité », voire à un « abus de pouvoir » comme l’évoquait feu Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan.
Toute saisine de la justice peut plomber définitivement cette mesure dissuasive, malgré sa pertinence.
La vague de réactions (émotion, hypocrisie…interrogation) que cette suspension de 44 élèves de la seule région Plateaux Ouest a suscité, ainsi que celle attendue lorsque la mesure sera généralisée à l’ensemble du pays, soulève une question fondamentale
Ce qui paraît une évidence, c’est que la loi, seule, sera inefficace ; la répression, isolée, sera insuffisante et improductive. Il est impératif d’agir sur plusieurs leviers. Un véritable travail de fond s’impose, car au-delà de tout, cette « pandémie » de grossesses en milieu scolaire au Togo révèle une méconnaissance ou une négligence en matière de contraception. Il est donc nécessaire de consacrer tout un chapitre à l’enseignement du cycle menstruel, des périodes de fertilité, des pilules du lendemain, des applications de gestion de cycle etc. Cela témoigne également d’une défaillance dans l’éducation.
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0073 du 28 mars 2025
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