Roi (Chef Supérieur) Atakpa Djawen Kpamadji Bassabi
Le Togo tel que nous le connaissons est un héritage d´une double colonisation qui s´est soldée par la jonction de plusieurs Groupes ethniques, Peuples, Villages et Royaumes parmi lesquels se retrouve le Peuple N’cam communément appelé les ” Bassari “. Cette région fût pendant des siècles la convoitise de plusieurs conquérants, notamment les Dagomba. La thèse selon laquelle cet ensemble fût un royaume centralisé, avec un Roi qui aurait eu un pouvoir qui s´étendait jusqu´à Yendi, Konkomba, Bitchabé, Bangeli…Kabou n´est pas historiquement prouvée. Mais tous ces groupes cités avaient une affinité linguistique très proche, celle des langues Gurma de la branche Gour des aires Oti-volta. C´est dans cette Vision de grandeur d´espace culturelle que certains cadres Bassar avaient pris l´initiative très louable de proposer la création d´une Région Administrative du “Grand Bassar“; mais hélas, cette initiative mal ficelée a précipité la région dans l´abîme. On reproche entre autres le rattachement à la région de la Kara au détriment de la Centrale, la transformation de l’ex Sous-préfecture de Dankpen en Préfecture, l’amputation de Tindjassi et son annexion à Sotouboua au mépris de sa plus grande proximité avec Bassar. Aujourd´hui le principe de la décentralisation nationale qui ne s´applique que sur le plan politique a fait apparaître tous azimuts des communes avec leurs Cantons. Ce formalisme politique a provoqué une accentuation de la limite de pouvoir des Chefs traditionnels, ce qui a affaibli cette volonté d´unicité régionale du fameux concept du “Grand Bassar“ d’antan qui n’est resté finalement que sur le bout des lèvres des fils et filles Bassar. Cette réforme n’est qu’un échec politique, en ce qu’elle ne reflète pas la réalité socio-culturelle ; aucun travail n´est fait jusqu’à présent pour vraiment consolider cette grande région.
Aujourd´hui le Bassar et le Konkomba partagent plutôt sous des pressions politiques leur espace géographique et culturel avec Lamba, Kabye et Nawda avec lesquels ils n´ont culturellement aucun lien linguistique ni culturel. Le Bassar et son Cousin Konkomba jouissent bien de leur lien lointain, mais cette initiative culturelle de fête identitaire mise en place depuis les lunes des temps par nos ancêtres ne devrait pas devenir l´unique passerelle permettant aux Bitchambi et Konkomba de s´émanciper des autres.
Sous l´initiative du Roi (Chef Supérieur) Atakpa Djawen Kpamadji Bassabi en 1964 jusqu´à sa mort et par la suite, la Fête de D’pontre a été exclusivement célébrée en premier lieu à Bassar avant de se poursuivre dans les recoins du Grand Bassar. Mais depuis le début des années 2000, une idée de rotation a apporté plus de désolation, de régression et de chute des activités touristiques dans toute la région.
D’pontre est en chute libre depuis que les hommes politiques se sont invités à la danse, mais tout en préférant s´asseoir simplement sous les appâtâmes pour observer leurs parents dans la boue sous le chaud soleil s´exhiber pour eux. Nous sommes partis du premier « Kunca » du mois de Septembre, pour accepter le premier Samedi dudit mois, dans le souci de permettre aux fils et filles de pouvoir se joindre à leurs parents pour cette festivité. Mais dites-nous, au nom de quelle loi culturelle, pouvez-vous priver la ville initiatique de sa fête traditionnelle, un héritage Culturel ancestral ? Est-ce que les Konkomba célèbrent N’nìdak de la même manière que les Bitchambi célèbrent leur D’pontre ? Pourquoi au juste passer à la rotation ? Était-ce simplement une décision politique ?
- Targone expliquait à un confrère à l´époque de cette décision politique de certains cadres et intellectuels : « Avant, les deux préfectures célébraient cette fête, le samedi pour le peuple Bassar et le lendemain dimanche pour le peuple Konkomba de Dankpen. Après plusieurs réflexions, les deux peuples frères liés par l’histoire se sont entendus et ont commencé à célébrer cette fête ensemble de façon rotative », a-t-il confié à ATOP.
C’est le début des maux au sein de nos deux communautés, où les fils et filles de ces deux grandes préfectures du Togo, ne fêtent en réalité que chaque deux ans leurs fêtes traditionnelles. Les raisons sont ailleurs, et les plus relayées sont : – Économiques et d´organisation administrative -. Il reviendrait très cher pour le ministère de la culture de s’investir pour un week-end dans l´organisation de deux fêtes traditionnelles similaires, d’où alors l´idée de rotation est salutaire. Sur le plan d´organisation administrative, le voyage du Chef de l´État ou bien de ses représentants en un week-end dans une seule région serait-il complexe ?
“D’pontre – N´Nidak: Guérin-Kouka, QG de la célébration ce samedi du jubilé d´or (50 ans) de fête en présence du président du parlement Dama Dramani“ Savoir New 2014.
Retenez que cette fête traditionnelle était au début l´identité des Bassar sous l´initiative de leur Roi, qui se présentait comme hôte des autres Chefs cantons qu´il invitait dans son palais. Expliquez-nous et notre Roi Kpamadji, comment notre fête a pu voir célébrer son jubilé d´Or devant la Case Royale du Chef de Dankpen? Aviez-vous un seul instant imaginé ce que ceci traditionnellement signifie ? Qu´aviez-vous pensé à cette époque ? Ceci explique une fois encore que des décisions se prennent sans aucune consultation du peuple, et surtout dans le mépris des populations et des gardiens de nos us et coutumes! En plus c´est une initiative qui est née devant la Case du Grand Chef Kpamadji, et les premières éditions se déroulaient devant sa Case et non sur un Terrain municipal.
“D’Pontre n´est pas N’nidak en pays N’cam, car N’nidak précède D’pontre, en tant que cérémonie que les chefs de familles exécutent chacun dans sa cellule familiale pour remercier les divinités de leurs concessions et éloigner au même moment les mauvais esprits autour de leurs familles respectives. D’pontre qui est devenu la version officielle signifie littéralement “goûter à la nouvelle igname”. Ce festival a lieu traditionnellement, le premier Kunca – 6e et dernier Jour de la semaine N’cam, donne l´occasion d´offrir les prémisses de la récolte des ignames aux mânes des ancêtres et des divinités protectrices des terres ancestrales et surtout pour reconnaître et davantage implorer leur protection et leur générosité à l’abondance de la moisson.
“Les populations du Grand Bassar (Préfecture de Bassar et de Dankpen) ont célébré la 59 édition de leur fête traditionnelle D’Pontre/N’Nidak ou fête des ignames le samedi 09 septembre 2023 à Bassar. Cette célébration est placée cette année sous le thème “D’pontre N’Nidak, vecteur de cohésion des filles et fils du Grand Bassar pour un développement inclusif”. Bassar, 11 sept. (ATOP)
Ces grands titres de la presse ou encore les images qui passent en boucles sur la chaîne nationale, devraient montrer la désolation des Fils et Filles Konkomba qui se sentent comme des dépaysés pendant qu’ils viennent fêter à Bassar, qui ne découvrent Bassar que pour cette rencontre plus politique que culturelle, et au même moment, la ville de Gurin-Kouka est comme morte, pourtant elle aussi devrait être en fête à la même échéance. S´il faut s´abonner à la logique et suivre les statistiques, la ville de Bassar dont le Chef Supérieur est l´initiateur de cette fête n´aurait jamais l´occasion de célébrer un jubilé ? Qu’en pensent nos frères et sœurs de Dankpen ? Comment allaient – ils prendre cette situation, si l´initiateur de était leur Chef ?
Si la 59ème édition s´est déroulée à Bassar sans aucune importance d´évènement “Spécial D’pontre“, alors il est logique et normal que Dankpen aura encore cette année l´honneur de célébrer le jubilé de diamant de D’pontre à la place de Bassar ? Quand quelques fils et filles du Grand Bassar pensent être plus “Bicambi“ que les autres, il ne peut naître que ce sentiment de concurrence entre les frères et sœurs, au lieu de chercher à les unifier. Si Dankpen a eu l´honneur d´organiser en toute tranquillité le “Jubilé d´Or“, les 50 ans de D’pontre, il est logique que tous les Jubilés à venir se tiendront à Dankpen, sachant bien que cette fête est un héritage que notre Ancêtre Chef Supérieur a légué à son Peuple!
La rotation de D’pontre n´est pas profitable pour la région. Sur le plan Culturelle elle n´a pas rapproché les deux préfectures; au contraire, leurs citoyens respectifs, ne se convergent en masse que quand la fête a lieu dans leur ville. Les deux peuples n´ont en commun aucune initiative culturelle, ni d’activités en amont, ou même un projet quelconque, et on le voit bien aussi avec les Candidats politiques. Prenons par exemple la mystique danse de feu qu’on pratique désormais chaque deux ans en raison de la rotation car, le Konkomba ne pratique pas le T’bol. Et il n’est pas possible de faire le vrai T’bol en terre étrangère. Sur le Plan Touristique, Bassar est le plus perdant dans cette histoire. Alors en année de rotation, les touristes tout comme les fils et filles de la diaspora ne rentrent pas ; ils jugent que les activités ne sont pas d´une grande envergure et planifient leur venue plutôt sur l´année suivante où la fête a lieu sous le mont Barba-Bassar. Une fête qui est décrite comme inclusive, est un échec sur tous les plans, et qui continue dans la régression.
Oubo Tagba de Bassar-Ville se rappelle sa première participation à Dankpen : « le comité d´organisation avait carrément oublié la délégation des danseurs du feu – Biboobii -; tout était un chaos total. Nous avons porté notre accoutrement toute la journée, sous la pluie. Et par la suite la restauration était un scandale. Le soir venu aucun dortoir n´était prévu pour nous. L´école centrale comme dernier recours était dans un état incroyable. Ce fut ma première et dernière participation ».
La Délégation des Bassar du Ghana a déjà annoncé leur désolation de ne pas pouvoir venir cette année sur la terre de leurs ancêtres, justement parce qu´ils ne comprennent pas pourquoi les 60 ans de D’pontre devraient se tenir à Dankpen. Parfois nous avons des solutions les plus simples devant nous, mais nos positions politiques, ne nous permettent pas d´agir en faveur de nos peuples.
Si Kara, une seule préfecture dans la région composée de « Grand Bassar + Kara + Doufelgou et Kanté », peut célébrer au mois de juin ou juillet « Evala » en une semaine entière pour la phase finale, expliquez-nous, comment deux grandes préfectures (Bassar et Dankpen) souvent vues comme les greniers du Togo, doivent fêter seulement chaque deux ans leurs fêtes traditionnelles ? Le “Grand Bassar“ devenu comme une appellation vulgaire pouvait aussi dignement célébrer en deux week-ends, voire tout le mois de septembre sa fête d´igname: Bassar fera chaque année l´ouverture, le premier Samedi du mois de septembre, Dankpen suivra le second Samedi, le troisième Samedi Bangeli/Bitchabé et on finira le dernier Samedi à Kabou! Est-ce que vous pouvez imaginer un seul instant, ce que ceci représenterait pour la région sur le plan économique, touristique et culturel ? Les activités inter-préfectorales, cantonales, les compétitions sportives, les rencontres interscolaires. Le touriste étranger aurait chaque week-end la chance de tomber sur une célébration, ou bien tout le mois de septembre pour découvrir la région du grand bassar. Voilà les bases d´un développement inclusif.
A travers cet article, nous plaidons ouvertement pour la célébration de la 60ème édition de D’pontre dans sa ville initiatique Bassar-Ville, si l´honneur ne nous avait pas été donné de célébrer le jubilé d´Or devant la Case de notre Ancêtre initiateur, Chef Superieur Kpamadji. Nous vous exhortons, chers politiciens spécialistes des prises de décisions sans la consultation du peuple, de respecter la Mémoire du Chef supérieur initiateur de D’pontre pour cette année 2024 ; que l´ordre soit rétabli pour que nos fils et filles puissent sans encombrement fêter, un Jour les 100 ans de leur fête identitaire à Bassar avec leurs Cousins et Cousines Konkomba!
Pour la “Région du Grand Bassar“
Napo Labodja
« TAMPA EXPRESS » numéro 0055 du 11 avril 2024