La célébration officielle de la 60e Edition de la fête traditionnelle de D’Pontre/N’Ndak, initiée par le Feu Roi Djawen Bassabi Kpamadji, se déroulera en dehors de la préfecture de Bassar. C’est la règle de rotation, imposée par le comité d’organisation minoritaire, au détriment des Peuples Bassar et Konkomba. D’Pontre/N’Ndak est une fête Bassar qui honore ses ancêtres pour la récolte abondante, et principalement l’igname. C’est la fête des retrouvailles des filles et fils Ncam, l’occasion de perpétuer cérémonies, offrandes et coutumes ancestrales.
« Kunca peepeeka » – premier Kunca, c’est D´pontre !
Chefs de canton Oudine Yadja (Guérin-Kouka) et T’ba Yawanke Bitemi Wake Djintidja 2 (Bassar)
En tradition N’cam, il y a six jours dans la semaine (putakpa-kpanja – Kunca-laboo-kankundi-cokol-); chaque jour a son caractère particulier, du fait de ses vibrations. Ainsi, il y a des jours dits favorables pour des rituels, et notamment le dernier jour est consacré au repos sabbatique. Le Kunca est un jour approprié pour célébrer les mânes des ancêtres pour la nouvelle igname selon la logique qu’a suivi le Roi qui avait inauguré ce cérémoniel. D´pontre, en pays Ncam et N’Ndak en pays Konkomba, c’est le premier Kunca du mois de septembre, une date fixée par les chefs coutumiers et ce, depuis des temps immémoriaux, avant l’arrivée des colons et l’administration postcoloniale. Bassar, au début des structures administratives, composait avec Sokodé et les localités environnantes pour former la plus grande région du Togo. Bassar faisait à elle seule Dankpen, Bitchabe, Tindjassi, Djarkpangha et Bassar ville. Bassar et Dankpen formaient ensemble la plus grande zone culturelle togolaise et Dankpen fut pendant longtemps une sous-préfecture de Bassar avant de devenir une préfecture de plein exercice en 1991, lors des manœuvres d’agrandissement de la Région de la Kara. Ainsi, l’organisation, la structure et les cérémonies de ce grand milieu ont été pris en otage, un peu comme partout ailleurs, par un régime politique qui a littéralement tout fracassé et tout rangé à ses ordres selon son plan de longévité. L’émiettement politique de cet ensemble en préfectures distinctes est cependant resté accroché à une ficelle sensible : la fête traditionnelle des ignames que deux préfectures se partagent. Le rêve utopique de « Grand Bassar » et la création d’une région économique n’ont eu aucun effet. Bref, politiquement parlant, le « Grand Bassar » n’existe sur aucun document officiel. En plus, le fameux terme ” Grand ” n’a longtemps désigné en réalité qu’un grand panier de crabes de divisions sur fond de luttes politiques et partisanes.
1964-2024 : 60 ans d’une fête traditionnelle substituée
Quand politicien a détrôné paysan
Le 60e anniversaire de D´pontre est l’occasion de faire l’historique de cette fête des Paysans producteurs d’ignames qui suscite tant de convoitises chez les fonctionnaires notamment les cadres politiciens de l’administration publique togolaise. Les intellectuels de toutes classes confondues se sont vus embarqués dans la dynamique de la danse T’bol sans s’approprier les règles et sans respecter les gardiens des « us et coutumes ». En effet, la fête de D´pontre, traditionnellement, n’est pas le premier samedi du mois de septembre, comme on le laisse croire aux natifs et au monde entier. Parti d’une simple doléance formulée par les « Cadres-Bassar », auprès de leurs parents traditionalistes, qui souhaitaient pouvoir fêter D´pontre avec leurs amis les week-ends, c’est-à-dire le premier samedi, on est arrivé à la modification du calendrier officiel de cette célébration désormais fixée au premier samedi de septembre. Comme argumentation, les Cadres-Bassar ont justifié l’impossibilité pour eux de venir célébrer en pleine semaine avec leurs parents la fête coutumière D´pontre du premier Kunca, étant donné que le premier Kunca du mois de septembre n’est pas une date fixe et peut varier de lundi à dimanche ( puisque la semaine traditionnelle N’cam compte six jours, contre les sept jours du calendrier grégorien). C’est ainsi que le premier samedi a remplacé le premier kunca et qu’aujourd’hui, dans les esprits et dans certains documents officiels, la date de la fête de D’Pontre/N’Ndak est ainsi retenue.
Deux préfectures – Deux fêtes !
Vente d’igname en gros (Bassar)
Bassar c´est Bassar, et Dankpen c´est Dankpen c’est-à-dire D´pontre aux Bassar et N´nidak aux Konkomba ! Depuis un bon moment, les deux préfectures se partagent la fête des ignames pendant un week-end. Bassar fêtait le samedi et Dankpen enchaînait le dimanche. Mais comme ceci ne suffisait pas, depuis les années 2000, une nouvelle formule a été mise en vigueur dans la célébration de la fête des paysans : la rotation annuelle. Une préfecture est obligée de suspendre les activités culturelles, la célébration de la fête ancestrale et de se joindre à l’autre, laissant ainsi 90 % de la population dans un étourdissement intellectuel. En d’autres termes, si Danpken fête cette année, Bassar est desservi ! Dans leurs mauvais calculs, tous les jubilés de la fête D´pontre se déroulent à Dankpen. 2010 fut le jubilé d’or qui se tint à Kouka et la 60e édition, prévue le samedi 7 septembre, se célébrera aussi en dehors des terres Bassar, loin de la case royale du Roi Kpamadji, celui qui a inauguré cette fête. Hélas, les deux préfectures n’arrivent pas à répondre aux souhaits de leurs citoyens ! Il faudrait donc abandonner l’idée de rotation et étendre la fête sur deux week-ends, pour plus d’impact socio-économique et d’inclusion, au lieu de l’exclusion. Les voisins de la Kara, le voisin commun, célèbrent leur Evala sur plusieurs semaines, et cela n’a jamais dérangé personne.
En politique, on peut se permettre de faire pression sur les autres et d’être au-dessus de tout; mais la loi divine est universelle et les règlements ancestraux ne doivent pas être réduits à un terrain politique où se mènent de petits calculs d’intérêts. Si D´pontre est un héritage culturel commun et non une fête de week-end des cadres, il ne revient pas à une minorité de décider au nom du peuple Bassar quand et où ils fêteront leur premier Kunca. Toutes les filles et tous les fils Bassar sont invités massivement à revenir fêter D´pontre, le premier Kunca, chacun chez soi. Selon le calendrier officiel de cette année, Bassar célébrera le mardi 3 Septembre 2024 qui est le 1er Kunca et coïncide avec la 60e édition à Bassar. Retenez également qu’aucune manifestation culturelle n’est prévue le samedi 7 septembre à Bassar, mais c’est à Dankpen. En clair, une pure injustice.
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Napo Labodja
« TAMPA EXPRESS » numéro 0064 du 28 août 2024