À travers un montage vidéo « Mensonge à haute dose sur OTR (Impôt) » qui circule sur les réseaux sociaux, la compatriote Farida Nabourema dit : « …les Togolais se plaignent d’un phénomène. On taxe des gens sans pitié au Togo. On est l’un des rares pays où on taxe les gens sur le chiffre d’affaires au lieu de les taxer sur leur revenu. Dans un pays normal, on taxe sur le profit. Si vous êtes une compagnie, vous avez investi 5 millions FCFA (EUR 7 622,45), votre chiffre d’affaires est de 10 millions FCFA (EUR 15 244,90) et que le profit est de 2 millions FCFA (EUR 3 048,98), le Togo vous taxera sur les 10 millions de chiffre d’affaires ». Ce qui est contesté par le Tiktokeur qui se présente sous le nom Groupe Konducteur en la traitant de « sœur » menteuse.
Traduction arithmétique des propos de Farida Nabourema
Farida Nabourena et Groupe Konducteur
Pour traduire les propos de Farida dans les faits, sur la base de l’imposition à l’impôt sur le résultat, nous nous référons au « Code général des impôts & Livre des procédures fiscales au Togo, Edition 2024 ». Se référant à son Article 113 à la page 71 : « …Le taux de l’impôt sur les sociétés est fixé à 27 % du bénéfice imposable ». Ce qui signifie de façon arithmétique que cette entreprise qui a fait un bénéfice net de 2 millions FCFA payera un Impôt sur Société (IS) d’un montant de 540 000 FCFA (EUR 823,22) soit 27% de 2 000 000 FCFA (EUR 3 048,98). Mais ce n’est pas fini. Car selon le même code, le montant de l’IS ainsi obtenu est conditionné par l’Article 120 à la page 73 qui dit : « … Il est fait application d’un taux de 1% du chiffre d’affaires hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA), du dernier exercice clos. Ce taux est porté à 2% en ce qui concerne l’importation en vue de la revente, des véhicules d’occasion mis en circulation sur le territoire togolais. En aucun cas son montant ne peut être inférieur à vingt mille (20 000) francs CFA (EUR 30,48) pour les contribuables qui sont au régime du bénéfice réel d’imposition ».
C’est-à-dire qu’il faudra d’abord comparer l’IS obtenu sur la base de 27% du résultat (540 000 FCFA) à un autre appelé Impôt Minimum Forfaitaire (IMF) qui est déterminé à partir du chiffre d’affaires, soit 1% du CA (10 000 000 FCFA) qui donne 100 000 FCFA (EUR 152,45). Et c’est le montant d’impôt le plus élevé qui est dû. Alors, dans le cas présent, l’entreprise paiera l’IS de 540 000 FCFA à l’OTR.
Commentaires sur le cas évoqué par Farida Nabourema
Dans le cas où le chiffre d’affaires est de 10 millions FCFA pour un résultat de 2 millions FCFA, l’impôt à payer est de 540 mille FCFA soit 27% du résultat net. Ce qui montre que l’impôt payable par l’entreprise a été déterminé sur la base du Résultat net et non du chiffre d’affaires. Mlle Farida Nabourema est passée à côté de la plaque dans le cas d’espèce.
Toutefois, Farida Nabourema aurait parfaitement raison si seulement elle restait muette sur les chiffres ou simplement si elle donnait un chiffre d’affaires supérieur à 54 millions FCFA (EUR 82 322,47) pour un bénéfice inférieur ou égal à 2 millions FCFA. Ce qui est encore dramatique est que même quand le bénéfice de la firme tend vers zéro ou lorsque qu’il y a une perte, les impôts perçoivent 1% du chiffre d’affaires, quel que soit le niveau des affaires. Même si le résultat (1%CA) obtenu est inférieur à 20 000 FCFA, l’impôt à payer doit être supérieur ou égal à 20 000 FCFA. L’OTR s’en fout des résultats déficitaires.
Certainement qu’elle n’avait pas fait des simulations avant sa sortie audiovisuelle. Mais en définitive, Mlle Farida Nabourema a fait un bon constat en ce qui concerne l’Impôt Minimum Forfaitaire (IMF) qui est déterminé sur la base du chiffre d’affaires. Beaucoup n’arrivent pas à comprendre pourquoi on leur demande de payer un impôt sur le chiffre d’affaires quand ils sont déficitaires. C’est de ça qu’il s’agit. Et c’est l’intérêt que la vidéo de Farida suscite.
Cependant, cela ne concerne pas uniquement que le Togo. Car, les textes des pays francophones d’Afrique sont assis sur les textes français. Mais cela doit connaître des mutations au niveau de la France et certaines parmi ses tentacules coloniaux.
En revanche, le monsieur Groupe Konducteur, ne connaît pas mieux la fiscalité togolaise. On sent tout juste que la chose ne l’intéresse même pas, car, le bon sens voudrait que quand on ne maitrise pas la chose, mais qu’on veut exercer un droit de réponse, il faille faire des recherches. En un mot, il semble être en mission recommandée ou veut plaire aux argentiers. Et les deux intervenants s’opposent sur une problématique importante, un sujet qui revêt un caractère d’intérêt commun.
Ce que vivent réellement les contribuables togolais
Nonobstant l’IMF, plusieurs impôts et taxes, exigible pour la même entité, sont adossés au même chiffre d’affaires et parfois exagérément. On peut citer les exemples de la patente suivant une grille et la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) de 18%. Il existe également d’autres qui sont applicables sur le revenu brut comme les Retenus sur Honoraire (RH) et aussi l’Impôt sur le Revenu des Personnes physiques (IRPP) dont la grille est un peu allégée. Et pour M. Hubert H. parlant de la patente : « En tant que contribuable, c’est un impôt que je n’ai jamais aimé. En dehors de l’IMF, il y a aussi la TVA. Elle aussi a une partie assise sur le chiffre d’affaires ». Car, bien sûr que c’est dit qu’elle est obtenue sur la valeur ajoutée comme le nom l’indique, mais le mois où il n’y a pas de TVA déductible, c’est uniquement sur le chiffre d’affaires que cette taxe ou l’impôt est appliqué et il faut le déclarer et payer.
Le cas de la filière soja a été débattu à l’Hôtel Sarakawa, le 30 août dernier lors d’une réunion de l’interprofession. Ces intermédiaires qui achètent le soja-graine chez les paysans pour les revendre sont taxés sur le prix de vente global (chiffre d’affaires fictif) au lieu de défalquer d’abord leur prix d’achat. (Nous y reviendrons)
Le cas éclatant de la retenue sur honoraire qui est de 5% si le prestataire a un Numéro d’identification fiscal (NIF), 10% si l’on n’en a pas et 20% pour les prestataires étrangers, est une autre paire de manches. La grande discrimination au niveau de l’enseignement est que ces taux de RH sont appliqués directement sur le montant brut du taux horaire, pourtant un revenu brut à l’image du chiffre d’affaires. C’est lorsque le prestataire a la possibilité de présenter une facture qu’il arrive à défalquer les débours pour atténuer la taxation. C’est dire que l’OTR ne tient pas compte souvent des charges supportées par les contribuables pour les prestations de service. Pour Jean-Pierre D. : « Personne (même les riches) n’aime payer trop d’impôt. Notre gros problème, c’est la corruption. La richesse se trouve dans les mains d’une minorité et l’argent sert ailleurs plutôt que de servir dans le pays. Est-ce qu’on s’en sortira un jour ? ».
Pourquoi donc l’OTR applique ces taux exagérés à l’enseignement qui est un effort intellectuel et l’usure de l’être ? Bref, c’est le chiffre d’affaires et les honoraires bruts qui sont les assiettes des impôts à payer.
Qui est fautif dans tout cet imbroglio ?
En réalité, dans un pays normal, l’Office Togolais des Recettes n’a rien à voir dans cette affaire de base imposable d’impôt. L’OTR n’est là que juste pour appliquer les textes votés par les députés à l’Assemblée Nationale. Alors s’il faut incriminer, c’est le législateur et non l’exécutant. Mais le problème au Togo est que c’est les grands patrons de l’OTR qui déambulent au-devant de la chose en lieu et place des experts du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) qui finalisent les lois de finances qu’on vote à l’hémicycle. Cela ressemble à une sorte de trahison du peuple par les élus du peuple car, c’est à eux de rejeter les incongruités dans les lois conduisant au populicide.
Ce qui est encore très déplorable et qui asphyxie les entreprises, ce sont est les redressements fiscaux. Même les entreprises de presse dont la presse écrite qui n’arrive pas à écouler les journaux subissent les redressements.
Tenez bien, la raison souvent évoquée par les agents de l’OTR, sur cette taxation du Chiffre d’affaires, devant les plaintes de cabinets et contribuables est qu’étant donné que le Togo est dans un système déclaratif auto liquidé, le fisc se dit que les contribuables fraudent dans leur déclaration pour avoir un résultat négatif (perte). Ainsi, selon eux, sans IMF, toutes les entreprises déclareront des pertes. Mais là aussi c’est une fuite en avant, car, la loi leur donne le pouvoir de contrôler la comptabilité de toute entreprise et le principe consacré dit « Dans un système déclaratif auto liquidité, la seule chose qui reste à l’administration fiscale c’est le contrôle »
En résumé « trop d’impôt tue l’impôt et en définitif, l’économie », dit-on. Les personnes physiques et morales sont tellement taxées, une vérité à l’actif de Mlle Farida Nabourema, qu’à la fin, le capital de l’entreprise s’envole au bout d’un temps et c’est les dettes qui soutiennent l’investisseur si l’entreprise ne ferme pas. Entre-temps c’est la Taxe sur salaire (TCS) de 5% qui a été supprimée pour soulager les entreprises et les aider à soutenir l’emploi. Mais elle est revenue en « pickpocket » par le truchement de l’Assurance maladie universelle (AMU), car, initialement de 21,5%, les cotisations de la sécu sont passées à 31,5% du salaire brut depuis janvier 2024. Et l’on ajoute que l’employé supportera 9% et l’employeur 22,5%. Faut-il passer sous silence les multiples taxes dans la détermination du prix du carburant. Mais dans la réalité, c’est l’investisseur qui supporte tout ce qui est impôt et taxe et même les retenues. Car chaque candidat à un emploi ou à une prestation quelconque négocie son salaire et honoraires en tenant compte du montant net qu’il percevra. Alors que restera-t-il du capital au bout de quelques années, surtout quand les activités économiques sont en bernes comme c’est le cas actuellement au Togo ?
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0065 du 11 septembre 2024