Le monde suit actuellement les Jeux olympiques de Paris 2024. Les talents et personnalités qui y imprègnent leurs empreintes sont grandement inspirants ou presque uniques. Les images sont majestueuses et hallucinantes. Toutefois, ce n’est que le bout de l’iceberg dont la partie immergée est la somme de travail, de sacrifices, d’engagements, d’investissements et au-delà d’endurance et de halètements. Le Togo est représenté à ces 33e olympiades par 5 athlètes dont 3 femmes Naomi Akakpo (Athlétisme) née à Lilas et habitant près de Paris, Adèle Gaïtou (Natation) née à Nouméa (France) et Akoko Komlanvi (Aviron) boursière olympique qui s’était entrainée dans un centre à Tunis ; et deux hommes notamment Eloi Adjavon (Triathlon) né à Lomé, mais résidant et s’entrainant à Montpellier en France, Jordano Daou (Natation) né à Agoe-Nyivé et sociétaire du centre de natation de Phukeyt en Thailande. Nos 5 représentants ont fait ce qu’ils pouvaient, malgré leurs éliminations. À ce jour le Togo a un seul médaillé olympique qui est notre compatriote Benjamin Boukpéti, canoéiste. Il a obtenu le 12 août 2008 aux jeux de Pékin en Chine une médaille de bronze dans l’épreuve du slalom K1 en canoë-kayak.
On ne note qu’aucun de ces athlètes qui ont porté fièrement les couleurs nationales togolaises ne s’entrainait au Togo, encore moins n’y ont construit leur carrière. Comment peut-on vouloir compétir avec les meilleurs sans se donner la peine de construire et d’entretenir nos meilleurs ? Il faut travailler pour les performances compétitives et les chances de médailles. Il n’y a surtout pas de miracle en la matière. Il pourrait y avoir des fois de la chance, cependant la chance se prépare. Ainsi le manque de chance devient une faute, une absence de vision et de pragmatisme ; c’est abdiquer en quelque sorte. Les préalables constituent indéniablement de bâtir des infrastructures, une politique nationale du sport, lutter contre la corruption endémique et tentaculaire, entre autres.
Une journée nationale du sport au Togo (JNS) pour du paraître
Le gouvernement togolais a décidé en 2022 d’inaugurer une journée nationale du sport au Togo (JNS). Et il argua que c’était par souci du bien-être de la population togolaise, ayant pris conscience de l’importance du sport pour la santé. L’initiative de cette journée a été approuvée le 25 août 2022 en conseil de ministres et elle fut lancée le 24 septembre 2022 au stade de Kégué à Lomé par le premier ministre Victor Tomégah-Dogbé. Selon le gouvernement, cette journée représente une opportunité pour les communautés de renforcer leur engagement envers un mode de vie saine et active.
En principe cette initiative devait est conçue et appliquée de telle sorte qu’elle induise un nouveau départ pour le sport au Togo, autant le sport d’entretien ou récréatif, que celui de compétition. Au contraire, il fut annoncé lors du lancement que l’évènement se veut mensuel et permettre à toutes les couches de la population togolaise de pratiquer une activité sportive afin d’améliorer leur bien-être et leur bonne santé. Ces pratiques semblent malheureusement plus être des séances de Photoshop et de propagande politique. C’est ainsi que par exemple le samedi 30 décembre 2023 on informait le public que les commerçantes touchées par l’incendie du marché Agoé Nyivé Assiyeye ont participé à la traditionnelle journée nationale du sport initiée par le gouvernement. Si c’était pour les bienfaits du sport, pourquoi ce fut la seule occasion et juste après cette tragédie. Au Togo, la récupération politique est devenue le ver dans le fruit ; de sorte que même la sensibilité, l’empathie ont pris le bord.
Depuis l’instauration de cette JNS, combien d’aires d’entrainement, de places publiques, d’infrastructures sportives, de référence ou connexes ont été aménagées ? Et ne parlons même pas de terrains de jeux pour les jeunes dans les écoles ou dans les quartiers. Jusque-là tout porte à croire que c’est une autre annonce plus folklorique qu’autrement. Il faut minimalement des structures, des cadres et dans certains cas des éléments panégyriques autant pour le sport récréatif et encore plus pour le sport de compétition. À cet égard, le sprinteur camerounais Emmanuel Eseme, éliminé en demi-finale avec un chrono de 10s00 au 100 m, déclarait que « au Cameroun il y a beaucoup de talents, on devrait mettre l’accent sur les infrastructures. Si on avait au Cameroun ce que je vois en Europe, je pense que les athlètes camerounais seraient peut-être parmi les meilleurs du monde ». Il a bien résumé l’incongruité dans nos pays subsahariens. Encore que le Cameroun soit mieux loti en termes d’efforts que bien d’autres pays, dont le Togo.
Au Togo, aucune des compétitions sportives (sports de ballon, de balle ou de raquette, sports aquatiques, aériens, sports de rues, mécaniques, gymnastiques, nautiques, équestres, sports de tir, athlétisme, cyclisme, escalade, haltérophile ou les sports de combats, de lutte ou de défense, etc.) ne fait exception en matière de manque de vision, d’infrastructures, de politiques, et autres. Le pire est que le football qui porte l’épithète de « sport roi » semble le plus pris en otage, malgré son potentiel multiplicateur qui est relativement facile à incuber. Bien sûr, si la volonté, les compétences, l’engagement et le pragmatisme y sont.
La véritable Journée Nationale du Sport et de l’activité physique (JNSAP)
La première participation du Togo à la coupe du monde de football en 2006 fut une occasion ratée pour réinitialiser le sport togolais, tellement il y avait une ferveur, de la reconnaissance et une prise de conscience à la fois. Ce fut l’occasion ratée pour démontrer que c’est faisable. Mais, la vision n’y était pas. Al Niffari souligne que « là où il n’y a pas de vision, les peuples périssent ». Il aurait été judicieux de profiter de cette occasion pour relancer le sport dans son ensemble au Togo. Et fait corps cet adage bien connu « un esprit sain dans un corps sain ». Il s’agit en fait d’entamer un revirement de santé collective par le sport d’entretien dont aussi le sport de masse et parallèlement créer des structures pour susciter des vocations et des talents, les encourager et les entretenir. Et progressivement les individus ayant conscience de leur potentiel et des perspectives inhérentes se mettront davantage au sport professionnel, en se surpassant dans l’effort et la discipline. Quelle date symbolique par exemple pour cette journée : le 2e samedi d’octobre pour honorer la 1ère qualification à une couple du monde FIFA le 8 octobre 2005. Dans un pays il faut marquer les symboles, les références pour la postérité. Cela permet de conserver une mémoire collective. Cette journée devra être consacrée au sport et à l’activité physique sur toute l’étendue du territoire national togolais. Il y aurait ce jour des activités dans toutes les différentes disciplines sportives possiblement pratiquées au Togo avec des points culminants en forme de compétitions au niveau des communes ou des préfectures, écoles et autres institutions. Les préfectures seront mieux indiquées, mais cela pourrait être convenu selon les réalités du terrain. Il y aurait, notamment :
- des compétitions de courses (tours cyclistes, mini marathon, marathon marches de 5, 10 ou 15 km,…) dont des finales de préfectures (souhaitable), où les meilleurs des écoles et autres entités se mesureront ; de même que même que d’autres formes d’activités physiques et sportives. Chaque ville de la préfecture doit servir de cadre à ces apothéoses à tour de rôle.
- des compétitions interscolaires préalables (football, basketball, volleyball, tennis, etc. par exemple) devraient se tenir dont les finales se dérouleront ce jour national dans la ville préfectorale accueillant l’évènement. Dans les catégories de compétitions sportives qui s’y prêtent il peut y avoir des mini-tournois ou compétitions durant cette journée.
- Des séances de rencontres/motivations (journée portes ouvertes) et d’initiation avec les clubs sportifs professionnels ou semi-professionnels, les professionnels et stars togolais du sport qui peuvent se rendre disponibles pour la circonstance pour informer et susciter des vocations.
- Cette journée peut être le cadre de certaines finales nationales, dépendamment de la discipline en jeu et des contextes.
- des prix du mérite par exemple, de dépassement de soi, de persévérance, etc. seront à décerner dans toutes les préfectures ou la division administrative choisie.
En bref, cette journée devait être l’apothéose des efforts et des activités de l’année, et non simplement un rassemblement partisan de la minorité en mal ou à la recherche « d’exposure ».
Le sport en général ou de masse
En fait, le sport est une activité qui nécessite divers degrés d’effort physique et d’aptitude. Il peut être simplement pour améliorer sa propre prestation ou pour certains aboutir à des compétitions qui obéissent à des règles et normes. Indéniablement le sport peut induire de profonde influence sur les pratiquants et les collectivités. On ne saurait mieux dire que le sport peut arriver à changer l’être humain d’une certaine manière, surtout son réseau social et son sentiment d’appartenance, ses compétences, son état de santé et son bien-être, de même que la cohésion sociale. Le sport récréatif ou de compétition peut permettre le développement de compétences de vie fondamentaliste comme le leadership, la gestion du temps, l’esprit sportif et la responsabilité, qui sont inestimables pour les jeunes au moment de développer leur identité. Le sport est aussi un vecteur générateur d’activités économiques, donc créateur d’emplois. Et en définitive, le sport de compétition peut au-delà de tout façonner l’identité nationale, voire culturelle. À travers le sport on peut aussi construire certaines identités remarquables et les retombées qui viennent avec. Dans l’état actuel des choses, quand on demande ou cherche ce qui caractérise positivement le Togo ou lui est spécifique, on fait assez d’effort et en vain.
De manière générale, les gens qui pratiquent le sport profitent non seulement des avantages bien documentés de l’activité cardiovasculaire pour la santé, mais aussi de l’expérience de développement social et du caractère qui découle du fait de faire partie d’une équipe. De plus, les sports, qu’ils soient compétitifs ou récréatifs, permettent de développer des compétences de vie fondamentales, telles que le leadership, la gestion du temps, l’esprit sportif et la responsabilité, qui sont inestimables pour les jeunes au moment de développer leur identité.
Le sport comme vocation ou profession
Le sport de nos jours fournit de par le monde toute une panoplie d’occupations aux amateurs et aux professionnels. Le sport conduit de plus en plus à des emplois, des carrières et bien d’autres, qu’il s’agisse des athlètes, des encadreurs, en passant par les arbitres et autres subsidiaires. Surtout dans nos pays en voie de développement où la précarité de l’emploi est un mal croissant, pourquoi ne peut pas profiter de toutes ces occasions qui s’offrent à nous pour nous donner des moyens de relever d’autres défis ? Ainsi, nous pouvons engendrer des synergies.
Football togolais, symptomatique du laisser-aller et de la corruption au Togo
Le championnat togolais de football existe depuis 1961. Et en termes de palmarès, l’AC Semassi a cumulé 10 titres de championnat, Asko de Kara 9, Étoile Filante 7, Dynamic Togolais 6, Modèle Lomé 4, Lomé 1 en a 3, OC Agaza 2, ASFOSA 2, AS Douannes 2, Maranatha 2 aussi, et Doumbé, Ifodje, Anges fC de Notsé, AS Togo-Port, US Koroki et ASC Kara ont chacun 1 championnat à leur actif. Il y a quelques années sans championnat national (1963, 1977, 1991, 1998, 2008, 2010, 2015) ou non terminé (2000), sans compter que certains titres de championnat sont à cheval sur deux ans (2003-2004, 2004-2005, 2005-2006, 2006-2007, 2011-2012, 2016-2017, 2017-2018, 2018-2019, 2019-2020). Au total, le football togolais a connu 53 titres de championnat en 63 ans d’existence.
L’équipe nationale togolaise de football a participé à 8 phases finales de Coupe d’Afrique des Nations (CAN) sans jamais passer les tours préliminaires, notamment en 1972, 1984, 1998, 2000, 2002, 2006, 2010 (forfait, attentat de Cabinda) et 2017, sur une possibilité de 34 éditions depuis la première édition en 1957 au Soudan. Cela veut dire que le Togo a raté les 3 dernières éditions de la CAN. Le Togo a une seule participation en coupe du monde de football et c’était en 2006. Les Éperviers ont eu leur meilleur classement FIFA en 2005 avec la 56e place dans la foulée de la qualification au mondial 2006. Le pire classement à ce jour fut la 127e place en 2022. Le Togo est 120e du classement FIFA n cette année 2024.
Les Éperviers ont connu de 1965 à ce jour, 22 sélectionneurs différents dont certains ont fait plusieurs séquences. Parmi eux, on dénombre seulement 8 nationaux qui sont Karim Ibrahim (1978-1982) ; Julien Dovi Aguiar (1992) ; Baboima Ergot (1993); Paul Messan Zougbédé (1997) ; Kodjovi Mawuéna (à 4 reprises, notamment 1998-1999, 2000, 2002 et de septembre 2008 à mars 2009); Souradji Tchanile (2000-2002) ; Tchakala Tchanilé (juin 2014 à mai 2015) ; Daré Nibombé depuis juillet 2024 si son contrat est finalement signé. Les coachs togolais ont passé globalement environ 10 ans à la tête des Éperviers sur les presque 60 ans (1965-2024) d’existence du poste de sélectionneur au Togo indépendant. Ce qui voudrait dire que la plupart du temps les sélectionneurs locaux occupaient des intérims, le temps de trouver « l’expatrier » ou supposément mieux ailleurs. Que peut-on atteindre ou construire de consistant et viable si on ne se fait pas confiance en soi-même. Mohamed Ali disait « je ne crois pas aux bonnes décisions. Je prends une décision et je la rends bonne ». Prenons alors des décisions salutaires pour nous essentiellement et pour l’avenir.
Certes le budget alloué au sport au Togo n’est pas fameux. Cependant le football, principalement la FTF (fédération togolaise de football) bénéficie d’importants transferts de la FIFA. Ainsi selon inside.fifa.com, chaque association membre pouvait recevoir 6 millions $US dans le cadre du programme Forward au cours du cycle 2019-2022 pour leurs coûts opérationnels et le financement de projets. Précisément, chaque année, une association membre est en droit d’obtenir USD 1 million $US par an pour ses frais de fonctionnement et ses coûts opérationnels; une enveloppe 2 millions $US pour l’ensemble du cycle, à dédiée principalement à la réalisation de projets liés à des infrastructures footballistiques (terrains, centres techniques, centres d’entraînement, stades, sièges, etc.); et une somme supplémentaire de 1 million $US pour chaque association membre aux revenus annuels inférieurs à USD 4 millions, afin de contribuer aux frais de déplacement de ses équipes nationales et à l’achat d’équipement. Pour le nouveau cycle débuté en 2023, il est prévu une augmentation des rétributions de la FIFA et chaque association membre touchera désormais environ 8 millions $US sur une période de quatre ans.
Dans le rapport annuel 2022 de la FIFA la FTF (fédération togolaise de foot) devrait bénéficier de 7 millions $US sur la période 2019-2022 pour les projets, les coûts opérationnels, le fonds COVID-19 et les dépenses de déplacements et d’équipements. Pour la période 2016-2018, les fonds FIFA Forward pour le Togo s’élevaient à 4,445 millions $US selon le rapport annuel 2020 de la FIFA. Il y a aussi les contrats publicitaires, entre autres. En définitive qu’est-ce que la FTF fait concrètement avec tous ces fonds, alors que certaines équipes de D1 n’ont même pas de terrain en gazon, naturel ou synthétique. C’est encore là le paradoxe togolais.
Joseph Atounouvi
« TAMPA EXPRESS » numéro 0063 du 16 août 2024