Circuler dans la ville de Nouakchott et vous constaterez que plusieurs boutiques de vente de lunettes portent la dénomination « BASSAR OPTIQUE ». A première vue lorsqu’on connait bien le Togo en profondeur et particulièrement le peuple Bassar et ses traits caractéristiques, l’on pouvait s’étonner qu’il s’agisse d’un exode massif vers le territoire des maures. Puisque localement, la migration massive des Bassar depuis les temps ancestraux est quasiment nulle pour la simple raison que Dieu (Ouniboti) a béni ce peuple d’un sol et d’un sous-sol riches, d’un climat agréable et d’une culture très riche et variée. Et le Bassar ne se déplaçait que par contrainte pour fuir certains rites ou une condamnation.
En effet, ici en plein Nouakchott, une petite curiosité est portée sur la dénomination massive des lunetteries portant ‘’ Bassar ‘’. L’on vous dira que c’est en langue Hassania (langue parlée par les maures blanc, « BASSAR » et qui signifie tout simplement « VISION »). Ils (elles) le prononcent de la même façon que nous au Togo. Certainement qu’il existerait un lien quelque part à explorer.
Officiellement, en Mauritanie comme partout ailleurs cohabite une langue dite nationale (ici c’est l’Arabe) et plusieurs autres dialectes. Le hassanya, également appelé hassani, arabe mauritanien, hassanien ou localement « klâm hassân » parlée par des Banu Hassan. Si « klâm » el-bidhân est la langue parlée des blancs mauritaniens, chez les Bassar du centre-ouest du Togo l’on appelle par « « ncam » ou « n’câm ». A voir les deux orthographes, la différence entre « klâm » et « n’câm » n’est pas très significative. Ces différenciations dans la formulation de la langue peuvent trouver leur signification chez l’Enseignant-Chercheur Gbandi Adouna dans : « L’émergence de formes nouvelles dans le parler n’câm (bassar) moderne » ; quand il écrit que de nos jours, l’on assiste à l’émergence de certaines formes qui sont en totale contradiction avec le système classique. Par exemple on dit « Bassal » et non « Bassar » !
C’est aussi un dialecte arabe parlé dans le sud du Maroc, dans le territoire du Sahara occidental revendiqué comme province du Sud par le Maroc. La même langue est encore parlée dans une partie du Sahara algérien, dans certaines zones au Nord du Sénégal, du Mali et dans l’ouest du Niger. Sur cette aire géographique étendue, le Bassar constitue la langue maternelle d’une population de type maure, d’origine arabe ou berbère arabisée. À l’origine, c’est le dialecte des Bédouins des tribus arabes des Banu Hassan, il est fortement influencé par l’arabe littéral et dans une moindre mesure par le zenaga (ancienne langue berbère parlée en Mauritanie).
La tradition orale situe les origines du peuple Bassa en Égypte antique ou dans l’ancienne Nubie, à la frontière de l’Égypte et du Soudan, près du Nil. Surtout à ne pas confondre selon Bruno Mignot avec les Dan Bassa qui vivent dans la région de Grand Bassa au Libéria. Ailleurs encore l’on parle des Bassa (en bassa : Ɓàsàa) qui sont un peuple bantou d’Afrique centrale vivant au Cameroun, en République démocratique du Congo, au Sénégal et en Afrique du Sud. Peuple Bantu autochtone du Cameroun, la souche qui a ses ramifications en Sierra-Léone, au Sénégal, au Burkina Faso (Fada N’Gourma) et au Togo. .
Pour Frobenius et Cornevin, les Bassari forment l’ensemble linguistique près de 25000 âmes parlant Toboté, la langue des Bassari. Ils relatent que l’origine des Bassari serait très lointaine en ajoutant qu’ils seraient d’origine du pays Beden-Saw.
En matière d’organisation sociale, partout chez les Bassa (Bassar et Bassari) on distingue deux types de dirigeants ; les chefs traditionnels et les patriarches. Spécialement au Togo, le Bassar est reconnu pour être le bon “visionnaire”. Le peuple se revendique le nom «Bicambi» et a dévolu l’appellation «Bassar» à la situation géographique de la ville de Bassar qui est en réalité́ le nom d’un grand fétiche appelé «Diwal Basal» qui se trouverait sur la montagne «Barba-Bassar». Si pour certains, « Bassal » signifie « on ne (les) trompe pas », car ils ont tous les moyens possibles pour découvrir la vérité. Pour d’autres anciens, « Bassal » veut dire « on ne les incite pas (pour rien ». Ce qui ne renvoie pas à « on ne les trompe pas » mais plutôt à « on ne les provoque pas inutilement » autrement dit “on ne blague pas avec eux”(…) Bassal, comme le nom du fétiche veut dire qu’on ne plaisante pas avec ce dernier, c’est toujours pour revenir au fait qu’on n’incite pas, on ne provoque pas un tel fétiche réputé être très dangereux…
Il faut souligner que l’occupation du territoire Bassar ou encore Pays bassar-konkomba, Grand-Bassar chez les sécessionnistes, qui forme aujourd’hui les préfectures de Bassar et de Dankpen est la conséquence des mouvements de populations dans l’Histoire ancienne et récente de l’Afrique de l’Ouest. Ces mouvements de population sont liés à la construction ou à la dislocation des grands Empires et Royaumes de l’Afrique de l’Ouest : les guerres font déplacer les populations. À cela s’ajoutent les raids et razzias liés à la traite négrière jusqu’à la fin du 18ème siècle, voire bien au-delà. Aussi, la recherche de terres cultivables occasionne-t-il le déplacement des populations collectivement ou individuellement. Également parmi les causes, on peut mentionner les raisons commerciales et religieuses qui ont leur part dans ces mouvements de populations et bien d’autres choses encore comme l’artisanat en l’occurrence la technologie du fer et le voisinage.
Pour revenir concrètement dans le cas des Hassan de Mauritanie et des Bassar du Togo, conscient qu’il s’agit là d’une belle coïncidence, l’absence de liens culturels et historiques établis entre ces deux peuples étant quasiment indiscutables, la question qui devrait nous intéresser ici est de partir du principe que le hasard n’existe pas. Dans cette perspective, peut-on désormais étendre le champ sémantique de « Bassar » pour l’appréhender aussi comme « VISION » ? Et le vaillant peuple bassar comme des visionnaires au service de son pays ? Curieusement, le don premier de tout initié bassar « Oubo » est bien la VISION, voir et interpréter le futur, le présent et le passé à travers le feu, le ciel, les objets et la nature elle-même. Ne convient-il pas de lire autrement les galeries « VISION OPTIQUE » du Togo en arrière-plan « BASSAR OPTIQUE » et de désigner le peuple bassar, en arrière-plan « Peuple de Vision » ?
Et si Bassar est VISION et la vision est BASSAR, les visionnaires prédestinés à jouer un rôle d’avant-gardiste dans le développement du Togo se reconnaitront dans la vision de ce peuple qui a toujours combattu la myopie systématique qui infeste depuis des années, la politique, l’économie et la sécurité du pays. Un BASSAR NOUVEAU ou une VISION NOUVELLE au Togo, Tampa en d’autres termes ATOPANI des Monts Barba-Bassal a crépité et la dynamique est lancée, que ceux qui écoutent entendent et ceux qui analysent comprennent, il s’agit de la VISION.
Francisco NAPO-KOURA