Le 16 octobre dernier, cela fait trois ans que le chandelier de la musique traditionnelle et moderne togolaise Ali Bawa, est décédé à l’âge de 69 ans. Il a été semé le samedi 02 novembre 2019 dans sa terre natale à Bassar, aux côtés de son mentor Ouyi Tassane. Il est parti en laissant un héritage avec un goût d’inachevé à la jeune génération.
Qui est Ali Bawa ?
Né à Bassar au Togo en 1950, Ali Bawa est originaire de Kabou Sara. Il fit ses études à Bassar, Lama-Kara, à Sokodé et à Lomé.
C’est au cours de l’année 1973 que Ali Bawa est recruté comme employé à la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) où il va travailler comme fonctionnaire de l’état Togolais.
Une enfance bercée par la musique
Bawa avait une mère cantatrice, et vivait avec ses parents à Bikoutchabé (le quartier des forgerons) à Bassar. Le travail de la forge est indissociable de rythmes et chants qui accompagnent les mouvements, coups et sons de marteaux sur l’enclume. Le jeune Bawa bercé donc par la musique avait déjà été inoculé par les germes de la musique.
Ses débuts dans la musique
À 7 ans, il était déjà doué pour le chant traditionnel Bassar. Ce qui le poussa à avoir un attachement particulier avec un de ses aînés du quartier : Ouyi Tassane. Celui-ci non seulement chantait mais jouait aussi à la guitare et à l’harmonica. C’est donc avec ce dernier que Bawa appris à accorder la guitare et à composer ses premières notes.
Sa passion pour la culture greffée à ses talents artistiques, stimulent son ambition de faire carrière dans la musique. C’est ainsi qu’il prit l’envol de l’homme artiste.
La carrière artistique
Ali Bawa, ce sont plusieurs cordes à son arc. Compositeur, chanteur, il jouait à plusieurs instruments de musique. Bon guitariste il était également organiste à la fois. Quand il ôtait sa casquette de fonctionnaire d’État à la CNSS, il enfilait le manteau de l’artiste. Il consacrait tout son temps libre à jouer à ses instruments à composer et à chanter. Il a joué dans l’orchestre des « AS du Bénin » à Tropicana.
Son premier disque (45 Tours) sort en 1974. Il le baptise « AFRICA ». La même année il participe au 3e festival de la chanson populaire Togolaise et obtient le premier prix avec son titre « YANSAMA » qui signifie littéralement en langue Bassar, qui est celui qui a caché la vérité pour que le monde en souffre.
Il sortira plus tard plus de 6 disques (45 Tours). Tels des hymnes ses chansons étaient diffusées à la radio nationale. Il voyage dans plusieurs pays de la sous-région où il joue et chante sur des spectacles.
La philosophie de l’artiste
Philosophe dans l’âme et panafricain de nature, Ali Bawa chantait l’Afrique, l’injustice, la mort, la méchanceté des hommes, la vie quotidienne, la tradition… Il avait à cœur la lutte pour l’Union des africains. Il éprouvait de l’admiration pour tout africain qui a de la dignité, qui garde son authenticité afin de sortir l’Afrique de la souffrance et de tous les maux qui la minent.
Ali Bawa, templier des rythmes du terroir
La musique de Ali Bawa est atypique, elle est d’abord traditionnelle et ensuite moderne. Elle puise ses racines dans les musiques et chants du terroir Bassar. Il exploite les rythmes tels que le Lawa, N’djém, T’bol, Kinimpou Tchambeou… Outre ses compositions personnelles, il a en partie repris tout comme Madame Kpanté, certains chants traditionnels populaires Bassar. Ali Bawa chante essentiellement en langue N’cam (lire N’tcham) de Bassar, puis quelques fois en Tem (Kotokoli), Kabyè, Mina et Français.
S’il y a ajouté certains instruments modernes dans ses compositions, il ne s’est pas pour autant écarté des rythmes et instruments traditionnels dans sa musique. Il a apporté une grande touche de modernité à la chanson traditionnelle, tout en gardant son authenticité, les socles mélodieux, les techniques de frappes et les accords des instruments ancestraux.
Evan N. GNANDI