- La Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) continue en dents de scie. C’est toujours le « mythe de l’éternel recommencement » dans la famille des cotonculteurs togolais depuis l’introduction de l’or blanc au Togo vers 1966. Une filière pour laquelle l’on annonce des embellies pour la nouvelle saison 2023-2024, presque le doublement de la production, mais qui paradoxalement connaît d’énormes difficultés financières au point de procéder à des licenciements en cascade. Même les subventions annuelles de l’Etat togolais dont les 6 milliards de FCFA accordés pour la campagne en cours ne seraient qu’une goutte d’eau dans l’océan. Au total soixante-onze (71) pères et mères de familles licenciés au cours de cette année 2023. Et ce n’est pas fini. Car le Syndicat des travailleurs du coton (SYNTRACO) en tournée de sensibilisation à Kara le 6 octobre dernier, par son secrétaire général Guy Houzou, évoque l’application d’un « plan d’adaptation » qui vise à rendre plus légère la NSCT en réduisant le personnel. Les autorités togolaises ont-elles vendu le voleur pour acheter le sorcier ? Personne ne peut dire aujourd’hui qu’il n’est pas au courant des pédigrées du groupe singapourien OLAM et ses associés indiens du textile avec Integrated Industrial Platforms (ARISE IIP) dans la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA). Tout dernièrement, le Gabon a encore donné l’exemple avec OLAM.
- En effet, dans les années 1990 à 2000 au Togo, le coton était l’un des principaux axes du Produit National Brut (PNB) en dehors des phosphates. La production cotonnière était en constante évolution au point où malgré l’installation de deux (2) unités par les promoteurs privés à côté des unités industrielles de la SOTOCO, la capacité totale d’égrenage était toujours insuffisante. Pour la campagne 1998-1999, la production nationale excéda 180 000 tonnes. C’est cette croissance qui avait poussé l’Etat togolais à accepter deux (2) autres promoteurs privés qui ont obtenu l’agrément afin d’installer deux (2) unités d’égrenage à Tsévié et à Blitta. Dans la foulée, un projet d’implantation d’usine d’égrenage de coton a choisi Bassar (Kabou) pour servir de pôle de traitement des tonnes cultivées dans Dankpen et Bassar.
- Après les expériences amères de la Société Togolaise du Coton (SOTOCO) jusqu’en 2010 et la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) de 2011-2020, l’or blanc togolais bascule dans les mains de l’entreprise singapourienne OLAM qui, visiblement, se montre pire que les structures nationales. Ce qui inquiète le plus est, qu’au-delà des discours officiels et reportages tous azimuts, la baisse drastique des superficies cultivées semble une réalité. Car, pour la nouvelle saison, des 66 000 hectares emblavés pour la précédente campagne 2022-2023, l’on en était encore autour de 29 000 hectares (moins de la moitié que la précédente) en fin juin pour 2023-2024 alors que, les semis prenaient fin vers mi-juillet. Ce qui contraste avec les annonces officielles de fin de semis de 100 000 hectares emblavés sur le territoire national pour une récolte estimée à 95 500 tonnes contre 46 000 tonnes sur 67 000 hectares la saison précédente 2022-2023. On peut donc se demander à quel moment, entre mi-juin et mi-juillet, soit en seulement un mois, les cotonculteurs ont pu rattraper ce grand écart.
- L’épopée de la filière cotonnière au Togo : SOTOCO, NSCT, OLAM
La filière cotonnière a connu beaucoup de soubresauts depuis son introduction au Togo il y a près de 45 ans. L’or blanc a été introduit au Togo vers 1966 avec une variété appelée Gossypium Hirsutum (Allem) sélectionnée par l’Institut de Recherche du Coton et des Textiles au Togo, en collaboration avec l’intermédiaire de la CFDT. Puis les anomalies climatiques des années 70 et 80 ont handicapé son essor. Peu après la détresse, la production cotonnière au Togo a connu une progression impressionnante. C’est la création de la SOTOCO en 1974 qui marque son démarrage effectif.
Tableau 1 : Évolution de la production cotonnière et de sous-produits du coton
PRODUCTION | CAMPAGNE AGRICOLE | |||||||
90/91 | 91/92 | 92/93 | 93/94 | 94/95 | 95/96 | 96/97 | 97/98 | |
Coton graine (T) | 99 599 | 96 871 | 100 144 | 84 493 | 131 612 | 103 399 | 146 000 | 176 000 |
Fibre (T) | 41 036 | 41 773 | 41 956 | 35 292 | 52 009 | 31 125 | 47 310 | 72 900 |
Graines (T) | 49 550 | 49 550 | 53 786 | 45 613 | 67 910 | 40 500 | 61 560 | 94 434 |
Nbre de producteurs | 156 325 | 465 933 | 179 284 | 159 818 | 191 396 | 185 043 | 199 618 | 236 318 |
Prix d’achat coton | 100 | 100 | 90 | 110 | 145 | 170 | 180 | 190 |
Graine FCFA/KG |
La production du coton graine était de 4516 tonnes au départ et est passée à la campagne 1993-1994 à 131 000 tonnes, à celles de 1996-1997 à 146 000 tonnes et de 1997-1998 à 176 000 tonnes. Cette performance quantitative était également accompagnée d’une bonne performance qualitative du coton. Mais face aux Programmes d’Ajustements Structurels (PAS) imposés par le FMI et la BM suite à la crise économique monétaire et financière que connaissait la sous-région, l’Etat togolais, déjà en 1983, a entamé, puis accéléré soit son désengagement de certaines activités économiques, soit l’association des privés à des domaines qui lui étaient réservés depuis plusieurs décennies, notamment l’égrenage du coton.
Après la période de vache grasse, à cause de la mauvaise gouvernance dans un contexte de désengagement ambigu de l’Etat, la SOTOCO s’est familiarisée avec les contre-performances et sa dernière campagne 2009-2010 s’était soldée par une piètre production de 28 896 tonnes. Par la suite, une crise a émaillé la société à partir de 2003 et l’Etat togolais a cru bien faire en sortant le décret n° 2009-013 PR du 23 janvier 2009 pour rebaptiser la SOTOCO, Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT). Ce, sans aucun rapport d’audit officiel pour situer les responsabilités. Qui a fait quoi ? Qui n’a pas fait quoi ? On prend les mêmes et on recommence !
Bref, la Société Togolaise du Coton créée en 1974 a connu : primo une phase de promotion de 1974 à 1989, secundo une phase d’eldorado dans les années 1990 et Tercio une phase d’hécatombe à partir de 2005 qui a conduit à sa dissolution et à la création de la Nouvelle Société Cotonnière du Togo en 2009, et ça continue avec OLAM.
Selon les indicateurs, depuis la campagne 2010-2011, la NSCT avait amorcé une relance de la production avec des mesures d’accompagnement qui ont permis de collecter plus de 100 000 tonnes pour la campagne 2014-2015. Toujours selon les préconisations des experts, la société pouvait espérer plus en maintenant les mesures incitatives. Malheureusement les producteurs qui s’attendaient à une évacuation et au paiement rapides de leurs revenus avaient déchanté. Les reports d’achat et retards d’égrenage de coton graine de la campagne ont été suicidaires pour tous les acteurs de la filière.
Les vérités sur la crise qui a fait basculer la SOTOCO en NSCT
La parution TAMPA EXPRESS numéro 0037 du mardi 27 juin dernier, avait titré à sa une : « Désambiguïser l’hydre ethniciste au Togo pour bâtir une Nation, ou périr ! ». En effet, c’était le clan qui régnait à la NSCT au point de constituer des éléments qui ont troublé la cohésion sociale dans une entreprise qui se veut performante.
Tenez-vous bien : 1) M. AHARH APETA, neveu du PCA : directeur administratif et financier, qui cumulait deux postes clé au sein de la société à savoir, la Direction financière et Comptable et la Direction des ressources humaines. 2) Mme TENA TANTIDJOUMA, Épouse du DAF AHARH APETA, chef service Administration Générale, sous la responsabilité de la DAF. Elle s’occupait également de la gestion d’une partie du parc automobile de la société. 3) AHARH KPOTOU, frère ainé du DAF et neveu du PCA était chef section électricité.
Son recrutement était imposé par le directeur de l’économie d’alors PCA. Il avait créé à l’époque une tension sociale que les déléguées du personnel avaient su gérer. 4) KOUMA TARSIBA, cousin du PACA qui est le chef service des Ressources Humaines et ARATEME SILAH, cousin du PCA et neveu de l’ex-DG AYASSOR, était le directeur de l’Audit, du Contrôle de Gestion, cumulait deux fonctions clé de la société qui devraient se frôler sans se toucher à savoir, l’audit interne et le contrôle de gestion. Il est important de préciser qu’à son recrutement en février 1997, il avait été directement nommé au poste de directeur commercial sans aucune expérience. Il y a encore d’autres comme KOTA-MAMA ASSIAHAM, cousin du PCA, qui était chef service Génie Civil. Mlle AKAKPO Josée, nièce de Madame AHARH, secrétaire du DAF AHARH. Cette dernière a été recrutée hors procédure avec une grande subtilité. Elle était passée de stagiaire à une employée régime contrat à durée indéterminée (CDI). ISSIRAMA Esso, pour sa proximité avec Mme AHARH Apeta – il est l’époux de Mlle AKAKPO, nièce de Mme AHARH DAF, était chef division Informatique.
Ce clan se faisait surtout remarquer par des comportements désobligeants qui ont porté et continuent de porter entorse au climat social. Beaucoup sont encore en service à la NSCT/OLAM et à des postes de responsabilité ou qui ont encore des desseins de remonter à la surface. Cette période a été la plus chaotique de l’histoire de la SOTOCO. C’est la période où les achats ont été effectués auprès des producteurs sans que les paiements n’aient lieu de façon systématique. Les gens parlaient à l’époque de détournement de plus de dix milliards de FCFA par un haut placé à la tête du Conseil d’Administration. La roublardise a consisté à pousser les paysans dos à dos avec la création de coopératives. Certains qui n’en pouvaient plus s’étaient simplement suicidés, parfois avec leurs progénitures. A tout cela s’ajoutent la gabegie et le détournement des actifs de l’entreprise au profit du RPT et ses barons : financement des campagnes électorales du parti-Etat, emplois fictifs… Plusieurs familles à l’intérieur du pays, notamment au nord gardent encore les stigmates. C’est d’ailleurs la raison qui les fait bouder le coton au profit du soja. Il faudra un véritable travail de thérapie psychologique pour renverser la tendance.
OLAM et son équipe managériale surfent-elles sur le virtuel
L’équipe dirigeantes actuels semble mobiliser les moyens pour mieux accompagner la gouvernance de l’entreprise. Le partenaire OLAM a mis des outils de gestions SAP (en allemand, Systemanalyse Programmentwicklung) en français, (Développement deS programmes d’analyse de système) qui ne laissent pas de faille de détournement, comme cela se passe partout dans les sociétés surtout étatiques au Togo. Avec ces logiciels de gestion intégrée appartenant à la famille des progiciels ERP (Enterprise Resource Planning), tout agent peut suivre les opérations depuis les achats jusqu’à la comptabilisation des ventes en passant par l’égrenage. Ainsi tout le monde est censé être impliqué dans cette surveillance quotidienne des activités de la NSCT. Mais visiblement, le souci viendrait des différents clans qui s’opposent. Il y a aujourd’hui plusieurs groupes d’intérêt qui se déchirent et mettent à mal le bon fonctionnement de la société.
Nonobstant, le directeur général Martin Drevon et son adjoint Emmanuel Bourbon en charge des opérations sont de nationalité française en plus du Camerounais Sama Wilfrid qui s’occupe des finances, sont tous des expatriés et dont les rémunérations et avantages frôlent l’anoblissement. Tous leurs avantages cumulés en numéraires comme en nature (vacances, billets d’avion, expatriation, logement, transport, weekend…) peuvent dépasser largement la masse salariale des employés qu’ils ont viré au cours de cette année 2023. Le drame vient du fait qu’en 63 ans d’indépendance, les gouvernants togolais ne trouvent la qualité en aucun des fils et filles du pays pour diriger ce bijou de famille ou être dans le top management et vont toujours piocher ailleurs, les pires.
Cette gangrène viendrait de la lutte des déchus (le clan Aharh) qui serait sur le pied de guerre pour revenir au pouvoir, comme il y régnait avant 2020. Ils doivent faire face au reste du personnel qu’ils estiment ne pas cheminer avec eux et seraient dans le sabotage systématique. L’autre facteur serait le fait de la réduction des zones de production passant de six (Savanes, Kara, Centrale, Plateaux Nord, Plateaux Sud et Maritime) à quatre (Savanes, Kara, Plateaux Nord et Plateaux Sud) avec pour argument que la Maritime et la Centrale ne sont pas des zones à forte production de coton, cette dernière étant d’ailleurs touchée par la pandémie du soja. Par conséquent, les deux directeurs régionaux sont devenus des chefs service. Certains postes de caisses et secrétaires sont aussi fermés à la faveur de la digitalisation. Alors le personnel concerné a simplement perdu des privilèges et les influences car, devant désormais se reconvertir et se regrouper dans un bureau. Sans nul doute, c’est cette situation de surpeuplement qui aurait poussé Martin Drevon à opérer à soixante-dix-sept (77) licenciements en mars et septembre 2023 sous prétexte de motif économique. Il faut souligner l’autre aspect qui doit déranger la nouvelle équipe dirigeante, les recrutements fantaisistes dans cette société d’Etat, des plombiers, électriciens et même des informaticiens qui ont été recrutés et payés par la société et pendant ce temps, l’entreprise continue de faire appel aux prestataires externes. Certains agents n’ont pas supporté d’être soumis à des textes pour le changement de poste quand une secrétaire du directeur se retrouve devant un magasin de pièces détachées…
L’autre cancer (sic) serait l’actuel DRH (M. Joël Amégninon) qui avait été viré de la SOTOTOLE et qui vient implanter dans son nouveau royaume à la NSCT les mauvaises manœuvres qu’on lui reprochait chez son ancien employeur. On se rappelle les mouvements d’humeur durant la saison 2022-2023 qui ont fait fermer l’usine en pleine activité. C’étaient ses propos déplacés qui avaient poussé à la révolte. Lui aussi joue pour le clan pour évincer les autres ethnies en face. Ethnicisme, quand tu nous tiens.
La faitière nationale de culture du coton est-elle en panne ?
La Fédération Nationale des Groupements de Producteurs de Coton (FNGPC), société coopérative avec Conseil d’Administration regroupe cinq (5) unions régionales, vingt-sept (27) unions préfectorales, trois mille soixante-quinze (3075) groupements de producteurs de coton totalisant plus de cent cinquante-trois mille (153 000) cotonculteurs à travers le pays. C’est la FNGPC qui mène les activités relatives à l’organisation et à la gestion des Organisations de producteurs de coton (OPC), l’appui au renforcement des capacités des producteurs, afin d’atteindre ses objectifs. Ce qui signifie que la NSCT/OLAM ne devrait être que l’acheteur des productions des cotonculteurs qui sont encadrés par l’interprofession. C’est la FNGPC qui doit alors mouiller le maillot, comme le font si bien les interprofessions des filières soja et anacarde.
Contrairement aux autres interprofessions qui sont animées par les apports des membres, celle-ci serait une fédération actionnaire de la NSCT sans avoir apporté des fonds, mais perçoit des dividendes à la fin de chaque exercice. En plus, la filière perçoit des subventions étatiques chaque année sur la base des prévisions. Elle a encore perçu 6 milliards FCFA pour l’exercice 2023-2024. Sachant qu’une subvention n’est pas un prêt remboursable, que se passe-t-il quand l’objectif affiché n’est pas atteint ? Selon les informations, même la précédente campagne a été rentable pour la NSCT. Et pourquoi, donc les appuis budgétaires annuels à une filière dont le principal actionnaire est étranger ?
Peut-être aussi que le mal vient de la naissance de la Fédération Nationale des Groupements de Producteurs de Coton… L’autre hic est que pour cette campagne 2023-2024, la FNGPC a manqué de procéder à son lancement, comme cela se faisait habituellement dès début mars et non le mois de mai comme lors de la précédente. Certes l’interprofession avait organisé des manifestations de récompense des meilleurs paysans aux chefs-lieux de chaque région, mais cela ne remplace pas l’organisation d’une campagne agricole.
La FNGPC doit s’attaquer au déficit observé au niveau des animateurs de terrain. Car, selon les spécialistes qui ont voulu se confier à nos enquêteurs, bien avant la NSCT, l’apport des animateurs et encadreurs de terrain étaient déterminant. Il s’agit à l’époque des citoyens de niveau parfois moins que le BEPC que la SOTOCO injectait au sein des populations. Ces acteurs, avec de simples bicyclettes de fortune, non seulement arrivaient à motiver les paysans en parcourant des kilomètres, mais aussi et surtout avaient totalement intégré les milieux ruraux et même certains ont fait le choix de vivre dans les campagnes où ils pouvaient se marier. Mais aujourd’hui avec les réformes qui ont exigé d’éjecter les ruraux au profit de jeunes citadin(e)s formé(e)s à l’INFA ou dans d’autres structures, c’est le cafouillage total. Car la grande préoccupation de ces néo-citadin.es, doté.es de motos et carburant serait d’aller vite faire simple acte de présence devant les producteurs pour retourner faire la fiesta en ville. Il y a lieu de revoir les approches en assignant des objectifs avec des indicateurs clairs de performance.
La corrélation étroite entre la chute du coton et les prix de campagne
Le gouvernement togolais a décliné clairement les apports de la filière coton dans l’axe stratégique 2 du Plan National de Développement (PND). C’est dans cette optique que la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) a été privatisée en 2020 avec l’entrée du groupe singapourien OLAM dans le capital de la société comme actionnaire majoritaire avec 51% des parts. En effet, le gouvernement était dans une posture de booster la production cotonnière progressivement pour atteindre 200 000 tonnes par an à l’horizon 2025. Mais c’est sans compter l’individualisme préjudiciable de certains hauts cadres et leur envie de « saboter » l’émergence du pays. Sinon, c’est bien connu de tous qu’il existe une corrélation étroitement dégressive entre le prix d’achat de la campagne précédente et la prochaine production. Pourtant, les décideurs foncent les yeux fermés dans le mur.
Plus récemment, le chao coïncidait avec la dernière année du ministre Noël Bataka quand le prix d’achat du coton a chuté de 180 FCFA/Kg à 100 FCFA/Kg, soit 80% de baisse. Ce qui avait systématiquement dérouté les cotonculteurs vers le soja. La production cotonnière ne cesse de dégringoler d’année en année, passant de 137 000 tonnes en 2019 avant l’entrée d’OLAM au capital à 46 139 tonnes en 2022-2023, soit une chute de plus de 65% de la production. Cette situation est le corollaire de ce que malgré les appuis des consultants, la direction de la NSCT est incapable de mettre en œuvre les réformes promises par le groupe OLAM en vue d’atteindre les objectifs du gouvernement. Ce qui permettra de réaliser l’ambition d’industrialisation du pays par la transformation locale des matières premières en l’occurrence agricoles et ainsi lutter contre le chômage des jeunes avec la création des emplois. Sinon, à quoi serviraient les industries textiles de Datcha et de la Plateforme Industrielle d’Adétikopé (PIA) ? Vont-elles continuer à importer les fibres ou tissus de l’Asie pour dire « consommer local » ?
Les gros soucis du secteur cotonnier au Togo
Les perturbations climatiques répétées qui avaient perlé les décennies 70 et 80 et handicapé la production agricole au Togo continuent de jalonner les saisons avec plus de caprices : mauvaise répartition des pluies, excès ou déficit des précipitations ou parfois des arrêts brusques de pluies. A cela s’ajoutent les techniques rudimentaires culturales par manque de mécanisation, la pauvreté des sols entrainant l’utilisation massive des engrais chimiques et leurs cortèges de dégâts sur l’environnement et l’épineux problème de main-d’œuvre agricole pour le labour, la semence, l’entretien et surtout la récolte. Ce que le paysan tente de résorber en partie par l’emploi des herbicides qui empoisonnent également les terres. Au même moment, contrairement à la culture du coton, le soja n’a grand besoin de ni labour ni engrais, mais la culture du coton exige de l’engrais et une main-d’œuvre qualifiée pour la récolte. Il faut également noter l’invité surprise qui est le terrorisme dans les régions cotonnières du nord Togo qui met à mal la stabilité des populations et crée l’insécurité dans cette zone avec plusieurs attaques.
Il ne faut surtout pas perdre de vue la détermination des acteurs (paysans et promoteurs) à contourner le blocus autour de l’exportation du soja. En effet, après l’explosion du soja qui a fait fermer l’usine de Blitta et les barrières que drainent les saboteurs, l’on observe de plus en plus l’émergence de nouvelles filières agricoles à l’instar du sésame. Sans tambour, ni trompette, certains paysans délaissent le soja au profit de la culture du sésame qui est également un produit de rente à forte valeur ajoutée. La culture du sésame a pratiquement les mêmes avantages que celle du soja dans la simplicité et les deux ont pratiquement les mêmes saisons de culture. La conséquence immédiate est selon des observateurs, l’usine de NSCT d’Atakpamé risque de tourner au ralenti cette saison. Certains prédisent la fermeture pure et simple car il n’y aura pas de coton à traiter dans la zone Plateaux-EST.
C’est dans ce carrefour des contraires que le pays se positionne comme un futur acteur de la transformation et veut attirer des usines textiles dont la résurrection imminente de celle de Datcha par les Hollandais et l’embryon de la Plateforme Industrielle d’Adétikopé (PIA) des Indiens. Ce qui nécessite l’existence d’une production locale très forte.
Quelle alternative à redorer à l’or blanc
- Depuis la reprise en 2021, la société OLAM a apporté un peu de ressources avec un investissement annoncé d’environ 4 milliards de FCFA pour la rénovation des usines de Kara, Dapaong, Blitta, Talo et Notsè. Cependant, Blitta (région Centrale) a été fermée sous la forte concurrence du soja et de l’anacarde. Il y a aussi l’acquisition des logiciels de gestion et l’approvisionnement régulier en intrants.
- Selon un technicien que nous avons rencontré, le problème de cette filière réside dans la planification. Le personnel de terrain semble ne pas jouer pleinement son rôle et les prévisions de production ne riment pas avec les productions finales. La NSCT ferait également beaucoup de pertes en commandant plus d’intrants qui sont des biens périssables, mais en fin de compte inutilisés, elle finit par vendre à prix liquidatif ou carrément détruire.
- La solution d’une reprise effective ne passe inéluctablement pas par la FNGPC qui est l’acteur central entre NSCT/OLAM et les producteurs. Il faudra également des actions conjuguées sous la forme de cadres permanents de concertation entre les trois acteurs. Il y a aussi l’épineux problème de prix du coton graine aux producteurs. Les prix doivent être concurrentiels par rapport au soja et à l’anacarde. Les paysans cotonculteurs exigent également aujourd’hui le paiement cash du coton, comme cela se fait avec le soja.
- C’est dans la perspective d’innover que, selon M. Amegavi, point focal RSE et chargé de communication de la NSCT, la société envisage d’introduire une mixture coton/soja. Elle consisterait pour le paysan de faire moitié champ coton et l’autre moitié soja dans le but d’alterner. Mais, est-ce une solution efficiente ?
- En Afrique de l’ouest, la première place est détenue par le Bénin voisin avec 587 000 tonnes, suivi du Burkina Faso, puis du Mali qui rétrograde à la troisième place. Parmi eux, les pays sans littoral importent les intrants via nos côtes, cultivent, consomment une partie (…) et exportent par nos ports et tirent profit. Le Togo aussi peut y arriver en redéfinissant sa vision. Si le pays a été longtemps tributaire de l’extérieur, tout nouveau projet devra prendre en compte la paysannerie dans sa globalité, voire dans son intégralité. Ce qui suppose que les décideurs prennent la peine de visiter et d’apprendre du passé de notre pays avant toute prise de décision.
- NB : Il est très regrettable de constater qu’au Togo, des entités et individus décident de violer allègrement les lois de la République dont la « Loi 2016-006 du 30 mars 2016 portant accès à l’information et à la documentation publiques ». La Rédaction a adressé un courrier à la NSCT depuis le 28 juin 2023. Elle a par la suite échangé BtoB avec le chargé de communication de l’entreprise, mais ce dernier était réservé sur certaines questions épineuses. Le DG Martin Drevon et son chargé de communication ont à maintes reprises promis de répondre en retour au courrier de TAMPA EXPRESS. Cependant rien ni fit plus de quatre mois après. Ainsi va la République !
Douligna