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Célébrer les 140 ans d’existence du Togo est une occasion de réfléchir non seulement sur notre passé colonial, mais aussi sur les questions postcoloniales qui ont façonné jadis nos sociétés et qui continuent de les influencer jusqu’à aujourd’hui. Cette commémoration nous invite à nous interroger sur les héritages de la colonisation et sur la manière dont ils impactent encore notre vie quotidienne, nos institutions et nos relations sociales.
En examinant notre histoire coloniale avec un regard critique, nous pouvons mieux comprendre les injustices qui ont régné depuis longtemps et les défis actuels auxquels nous sommes confrontés pendant que nous prétendons être une nation. Les questions postcoloniales telles que la justice sociale, l’égalité des chances, la restitution des ressources publiques autrefois spoliées et la reconnaissance des identités culturelles autochtones demeurent des enjeux cruciaux pour l’avenir du Togo.
Cette année commémorative est donc l’occasion de redoubler d’efforts pour promouvoir la justice, la réconciliation et le développement inclusif. En reconnaissant les erreurs du passé et en travaillant ensemble pour surmonter les divisions héritées de la colonisation, nous pouvons construire un avenir plus juste et plus prospère pour toutes et tous au Togo.
Que cette année de célébration soit également une année d’engagement renouvelé envers la construction d’une société plus juste, plus équitable et plus solidaire, où chaque individu puisse réaliser son plein potentiel, indépendamment de son origine ou de son histoire coloniale.
La colonisation est un chapitre sombre de l’histoire mondiale, marqué par l’exploitation, la domination et la suppression des peuples autochtones. En tant que Togolais, nous traînons sur nous l’empreinte de la colonisation allemande dans notre pays, et elle reste une réalité tangible, remontant à plus d’un siècle. Lorsque les Allemands ont établi leur emprise sur notre terre, la terre de nos aïeux, il y a 140 ans, cela a marqué le début d’une ère de souffrance, d’injustices et de dépossessions massives.
La colonisation a apporté son lot de destructions culturelles, sociales et économiques. Les pratiques coloniales ont souvent entraîné la dépossession des terres et des ressources, la suppression des coutumes et des langues autochtones, ainsi que l’imposition de systèmes politiques et économiques étrangers. Ces actions ont laissé des cicatrices profondes dans la société togolaise, perturbant nos structures sociales traditionnelles et sapant notre identité culturelle.
En outre, la colonisation a engendré des inégalités économiques flagrantes, favorisant l’exploitation des ressources naturelles togolaises au profit des puissances coloniales et de leurs entreprises. Les populations autochtones ont souvent été réduites à un statut de travailleurs exploités, privés de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.
Malgré les décennies écoulées depuis la fin de la colonisation allemande au Togo, les séquelles persistent. Les structures politiques et économiques qui ont hérité de cette période continuent d’influencer notre pays, créant des défis persistants en matière de développement, de gouvernance et de justice sociale.
Il est donc impératif de reconnaître les effets dévastateurs de la colonisation et les confronter pour pouvoir avancer en tant que nation. Cela nécessite un examen critique de notre histoire, ainsi que des efforts concertés visant à promouvoir la réconciliation, restaurer la dignité des peuples autochtones et construire un avenir fondé sur la justice, l’égalité et le respect mutuel. C’est seulement à cette condition que nous pourrons véritablement transcender les ombres du passé et forger un avenir plus juste et plus inclusif pour tous les Togolais.
La question de la restitution et du rapatriement des biens culturels et des ressources spoliés pendant la période coloniale revêt une importance capitale pour la justice et la réconciliation. Les peuples colonisés, dont les Togolais, ont le droit de récupérer ce qui leur a été injustement pris et de restaurer leur patrimoine culturel et économique. Cela ne concerne pas seulement la restitution des artefacts et des ressources, mais aussi la reconnaissance des torts infligés dans le passé et la mise en place de mesures correctives pour réparer les injustices historiques.
La restitution et le rapatriement ne sont pas seulement des questions matérielles, mais aussi des questions morales et éthiques. Ils représentent une étape cruciale vers la reconnaissance de l’autonomie et de la dignité des peuples colonisés, ainsi que vers la construction de relations plus justes et égalitaires entre les anciens colonisateurs et les anciens colonisés.
En tant que nation, le Togo doit faire entendre sa voix sur la scène internationale pour revendiquer sa juste part de restitution et de rapatriement. Cela nécessite une mobilisation politique et sociale, ainsi qu’une collaboration avec d’autres nations africaines sous l’égide des organisations internationales pour faire avancer cette cause vitale.
La restitution et le rapatriement sont des pas essentiels vers la guérison des blessures du passé et la construction d’un avenir plus équitable et plus inclusif pour tous. En prenant des mesures concrètes dans ce sens, nous pouvons contribuer à rétablir la justice et à bâtir un monde où les injustices du passé ne soient plus perpétuées, mais corrigées et surmontées.
Sur les questions de Restauration et d’ entretien des Sites mémoriaux
La restauration des sites d’esclavage du passé et des lieux mémoriaux datant de l’époque coloniale est une entreprise chère à la préservation de l’histoire et la mémoire collectives. Ces endroits sont en effet des témoins muets d’une période sombre de l’humanité, mais aussi des lieux qui rappellent la résilience et la lutte pour la justice.
Chaque pierre, chaque mur, chaque chaîne évoquent les souvenirs des souffrances endurées par d’innombrables individus arrachés à leur terre natale, exploités et asservis. La restauration de ces sites n’est pas seulement une question de réparation physique, mais aussi une démarche symbolique pour reconnaître les torts du passé et honorer la mémoire des victimes de l’esclavage.
Cependant, la restauration ne doit pas simplement se limiter à la préservation des bâtiments et des artefacts. Elle doit également inclure une réflexion profonde sur la signification de ces lieux dans notre société contemporaine. Ces sites doivent devenir des lieux d’éducation et de sensibilisation, où les visiteurs peuvent en savoir davantage sur l’histoire de l’esclavage, réfléchir aux héritages de la colonisation et se frotter plus concrètement aux notions de justice sociale et de droits de l’homme.
La restauration de ces lieux demande une collaboration étroite entre les gouvernements, les communautés locales, les organisations de la société civile et les experts en préservation du patrimoine. Il est essentiel d’impliquer les descendants des victimes de l’esclavage, dans un processus qui garantisse la prise en compte de leurs voix ainsi que la préservation de leurs perspectives.
En restaurant les sites d’esclavage et les lieux coloniaux, nous pouvons transformer ces endroits chargés d’histoire en des espaces de mémoire vivante, de réconciliation et d’espoir pour un avenir meilleur, où la justice et l’égalité prévalent.
Napo Labodja
Coordinateur Case-Internationale e.V.
« TAMPA EXPRESS » numéro 0056 du 25 avril 2024