Le cours légal et libératoire d’une monnaie rappelle indubitablement le billet de banque ; la formule met en évidence le droit régalien à imposer comme moyen de paiement un signe monétaire fiduciaire. Le billet de banque émis par la Banque centrale, même numérisé, est sans équivoque attributaire de cours non seulement légal mais aussi libératoire ; en outre, c’est un titre, dont la Banque centrale est émettrice délégataire, représentatif d’une dette pérenne du Trésor public pour le compte de l’État.
Le légal, si tant est qu’il faut l’expliciter, traduit le fait que tout signe monétaire en circulation, physique ou numérisée, doit être autorisé par la loi. Le libératoire prolonge l’esprit de la loi en faisant du billet de banque un moyen de paiement qui éteint officiellement et légalement une dette. En d’autres termes et sauf restrictions explicites précisées par les autorités monétaires, un créancier est tenu d’accepter en paiement un signe monétaire, en l’occurrence le billet de banque, qui a cours légal et libératoire.
Pour autant, les autorités monétaires de l’Union monétaire ouest africaine (Umoa, 1962) et davantage celles émettrices de monnaie de droit national de l’Afrique subsaharienne se soucient-elles encore de cours légal et libératoire, de ses effets et de ses exigences de comportements responsables dans la gouvernance publique ?
Le billet de banque est une composante de la masse monétaire ou en français facile, un moyen de paiement parmi d’autres. Son émission, c.à.d. sa mise en circulation, est du ressort exclusif de la Banque centrale via des règles universelles dites règles de l’émission monétaire ou règles de refinancement. En substance, plus le billet de banque pèse en proportion dans la masse monétaire, plus facilement la Banque centrale contrôle la quantité de moyens de paiement disponible pour accompagner l’économie et ipso facto, est en mesure de juguler l’inflation (d’origine monétaire). Or il se trouve qu’au fil des décennies, la masse monétaire change dans sa structure et sournoisement dans ses finalités au détriment du billet de banque (exempt de frais pour son utilisateur), même dans les pays derniers de la classe ; elle échappe ainsi de plus en plus à la Banque centrale appelée à impacter le multiplicateur de la monnaie et du crédit, essentiel pour un financement bancaire sain de l’activité économique, via une politique appropriée de taux d’intérêt.
Les billets de banque sont donc de plus en plus obsolètes un peu partout sous la pression de moyens de paiement alternatifs et de banques commerciales désireuses de s’affranchir autant que faire se peut de la Banque centrale en privilégiant les virements. L’autre évolution notable, dans le sillage des banques commerciales en quête d’affranchissement vis-à-vis de la Banque centrale, est à l’initiative des entreprises et particuliers qui à leur tour tentent de s’autonomiser en moyens de paiement. D’ordinaire clients des banques commerciales, eux-aussi créent de nos jours leurs propres moyens de paiement avec l’éclosion des monnaies numériques : ces dernières vont du numérique purement électronique à vocation commerciale non spéculative, comme les signes monétaires des sociétés de téléphonie, jusqu’aux monnaies numériques spéculatives qui sont un mélange d’actif et de signe monétaire comme les cryptomonnaies à l’image du bitcoin. Les principales dérives liées à une telle évolution de la masse monétaire sont qu’un signe monétaire s’assimile de
plus en plus à un actif ou pseudo actif mercantile générateur de revenu ou de profit financier.
Régler une transaction devient non seulement de plus en plus cher, en fonction du moyen de paiement utilisé, mais également une transaction dans la transaction comme suite à la vulgarisation de moyens de paiements autres que le billet de banque, la pièce de monnaie voire le chèque. Les processus de paiement les plus récents ont un côté anarchique et arnaqueur où le payeur se fait escroquer en frais additionnels générés par les procédés. Le silence approbateur de la Banque centrale de telles dérives est condamnable.
L’évolution rapide et la diversification des moyens de paiement interroge, car nombre d’entre eux s’imposent par des pratiques déloyales au billet de banque sous le couvert de progrès des systèmes d’information. En effet, le postulat sacro-saint du cours légal et libératoire des billets de banque et pièces de monnaie établit le fait qu’une monnaie n’est pas un actif et qu’en tout état de cause ne saurait être un moyen au sens de bien commercialisable générateur de profits financiers. Or les moyens de paiements numérisés s’affranchissent de normes de gratuité, en étant commercialisés, et s’autorisent de manière sauvage un cours légal et libératoire puisqu’ils sont de moins en moins optionnels.
Même les administrations publiques et leurs démembrements imposent le numérisé comme moyen de paiement exclusif sous prétexte de modernisation des procédures. C’est du moins ce qu’enseigne, entre autres après celui de l’Office Togolais des Recettes (OTR) relatif aux timbres fiscaux dématérialisés, ce Communiqué officiel du Gouvernement togolais qui stipule que les paiements pour les formalités de demande de nationalité togolaise se font dorénavant exclusivement en ligne (et non le dépôt des pièces constitutives de demande de nationalité qui reste physique) : méprise de la lettre et de l’esprit du cours légal et libératoire du billet de banque même par ceux chargés de veiller au respect de la loi et de l’intérêt public. L’illégalité et le désordre s’invitent de manière discrétionnaire quand l’administration publique s’y met, en réalité en quête effrénée de taxes et ressources indirectes diverses au détriment de moyens des paiements apurés de frais insidieux à la charge du contribuable.
Au final, digitalisation des processus administratifs se confond abusivement avec numérisation des paiements, au risque de faire un pied de nez aux dispositions légales en vigueur. Le principe du cours légal et libératoire d’un signe monétaire, fiduciaire par essence, est de plus en plus perdu de vue ou simplement escamoté délibérément pour des motifs de profits commerciaux et financiers ou de chiffres d’affaires. Il devrait être remis à l’ordre du jour dans toutes ses dimensions, principalement sa propension à préserver la vocation d’intermédiaire des échanges à la fois d’intérêt général et d’intérêt public du signe monétaire.
Vilévo DEVO
« TAMPA EXPRESS » numéro 0072 du 12 mars 2025
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